Laïcité


Pas de privilèges pour les Églises et les loges maçonniques dans l'Union européenne

Le député européen Maurizio Turco a rassemblé 253 de ses collègues parlementaires pour s'opposer à l'article 51 du projet de Constitution de l'Union européenne. Il permettrait aux Églises d'échapper aux lois générales de l'Union pour maintenir des pratiques discriminatoires en leur sein, et leur reconnaîtrait un rôle privilégié de conseil auprès des institutions politiques. Ces dispositions scélérates ont été obtenues à la suite d'un marchandage qui accorde des droits similaires aux loges maçonniques.

 Depuis la fin de la Guerre froide, l'Union européenne tente de redéfinir ses ambitions et de se chercher un second souffle. L'adhésion de nouveaux États membres rend impraticables les règles anciennes et nous oblige à dépasser notre frilosité et à définir de nouvelles règles de fonctionnement à travers une Constitution.

 Dans ce contexte, des organisations religieuses, principalement la Conférence des évêques d'Europe (COMECE), se livrent à un [lobbying effréné pour acquérir une fonction institutionnelle dans l'Union et préserver les privilèges dont elles jouissent dans certains États membres. Les interventions du souverain de l'État de la Cité du Vatican sont une ingérence dans la vie de l'Union, mais sont après tout sans conséquences. Les interventions internes au sein des institutions européennes sont plus problématiques : ainsi le président de la Commission européenne, Romano Prodi, exerce-t-il des pressions pour étendre à l'Union les privilèges consentis à l'Église catholique par le concordat offert par Mussolini en Italie

 Le Saint-Siège souhaite voir mentionner " l'héritage religieux ", et si possible " l'héritage chrétien " de l'Europe dans le préambule de la Constitution Il souhaite aussi que mention explicite soit faite de " Dieu ". Ce débat s'était déjà développé lors de la rédaction de la Charte des droits fondamentaux. Il s'agit de savoir si l'Union est fondée sur des convictions religieuses, si elle est le fruit inexorable de notre Histoire, ou si elle l'expression d'un libre choix de ses citoyens à travers un contrat social évolutif. Nous écartons qu'au XXIe siècle on puisse fonder des institutions politiques sur des croyances religieuses, fussent-elles majoritaires. Mais nous ne pensons pas non plus que l'Union soit la conséquence mécanique de notre Histoire, et encore moins que cette Histoire soi t exemplaire. Si nous devons parler d'un " héritage religieux ", c'est aussi celui des guerres confessionnelles qui ravagèrent notre continent. Si nous devons parler " d'héritage chrétien ", c'est aussi celui de la croisade intra-européenne contre les Albigeois ; c'est aussi celui de l'Inquisition qui brûla les trésors de nos bibliothèques et noircit notre terre de la cendre de ses bûchers ; c'est aussi celui du Bref Quod Aliquantum par lequel Pie VI condamna les Droits de l'homme ; c'est encore celui du Syllabus par lequel Pie IX s'opposa à la liberté, au droit, à la démocratie, et à la pratique religieuse responsable.

 Cependant ce débat archaïque et médiatisé en masque un autre, bien moins noble et philosophique. Le Saint-Siège a déjà réussi à introduire dans le projet de Constitution une disposition à sa convenance, l'article 51, qui stipule que les Églises et les loges maçonniques seront régies par les droits nationaux et non par le droit général de l'Union, et institue un " dialogue transparent et régulier " entre elles et l'Union. Ainsi, grâce à cette alliance contre-nature des Églises et des loges maçonniques, ces organisations pourraient obtenir à la fois tout et son contraire : relever des compétences de l'Union pour jouir d'un statut institutionnel, tout en relevant -quant elles le veulent- des droits nationaux pour échapper aux obligations juridiques de l'Union. Ce double jeu leur permettrait, entre autres, d'être les seules associations à maintenir des fonctionnemen ts internes discriminatoires -particulièrement vis-à-vis des femmes en violation délibérée de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

 Et comme il n'y a pas de limites à ce jeu sur de multiples tableaux, l'article 51 est ainsi formulé qu'il ne reconnaît pas officiellement les Églises, mais uniquement les privilèges dont elles jouissent dans certaines États membres, tels que l'exemption de TVA pour l'Église catholique en Espagne et au Portugal. En d'autres termes, tout est bon pour conserver les privilèges honteusement acquis grâce aux Concordats signés par Franco en Espagne, Mussolini en Italie et Hitler en Allemagne. Pourtant, l'Histoire nous a montré que, loin de favoriser le rayonnement spirituel des Églises, leurs privilèges et leurs pouvoirs les engluent dans les contraintes matérielles de la gestion de leurs avoirs. A contrario, l'Église catholique a vécu un véritable réveil religieux en France lorsqu'elle a été dépouillée de ses immenses propriétés immobilières par les lois Combes. Ne tirant aucune leçon de cette expérience, elle s'accroche partout où elle le peut encore e à ses prébendes et à sa bureaucratie.

 Il est encore possible d'abroger l'article 51 et d'exiger que les Églises et les loges maçonniques soient des associations comme les autres, jouissant d'une totale liberté dans l'égalité. Pour cela, j'ai promu, avec les élus radicaux du Parlement européen , une proposition de résolution, déjà signée par 253 parlementaires européens et soutenue par 283 députés nationaux. Nous l'avons adressé au Conseil européen, aux gouvernements des États membres et aux parlements nationaux.

 Ce combat n'est pas sans importance. Les conséquences du statut des Églises seront nombreuses. Parmi celles-ci évoquons seulement l'influence obscurantiste de l'Église catholique en matière d'utilisation de recherche scientifique. Devrons-nous, dans le cadre du " dialogue transparent et régulier " que l'on tente d'instituer, accepter que l'Église catholique parvienne à faire interdire la recherche scientifique utilisant des embryons humains privant ainsi des millions de malades de possibilités de soins ? Plus que jamais, une grande réforme est nécessaire en Europe, aussi bien politique que religieuse.

Maurizio Turco Député européen.


Une Constitution pour l'Europe

Les chefs d'État et de gouvernement des 25 pays de l'Union européenne se sont réunis en conseil à Bruxelles, du 16 au 18 juin2004 . La Roumanie, la Bulgarie et la Turquie étaient aussi représentés comme futurs membres potentiels de l'Union. Les chefs d'État et de gouvernement ont réussi à s'entendre sur un projet commun de Constitution européenne qui sera soumis à ratification dans chacun des 25 pays. Ce texte est le fruit des travaux de la Convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing. Il a été l'objet de très nombreux pourparlers et prises de position. Le Pape Jean-Paul II s'est souvent félicité du progrès du droit tout en demandant que ne soient pas reniées les racines chrétiennes de l'Europe. Sur ce point, sa requête, reprise par plus de 10 gouvernements et des centaines de milliers de citoyens, n'a pas été complètement prise en considération. M. Jacques Chirac (France), M. Gerhard Schroeder (Allemagne) et M. Guy Verhofstadt (Belgique) ont toujours été opposés à une mention explicite. À plusieurs reprises, des dossiers et documents sur le sujet ont trouvé place dans notre revue (1). Nous publions les déclarations et réactions de plusieurs acteurs religieux d'Europe dont la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), l'épiscopat polonais, le Saint-Siège, par la voix de son porte-parole, et le Pape lui-même lors de l'Angélus du 20 juin :


Déclaration du Comité exécutif de la COMECE sur le Traité constitutionnel pour l'Union européenne

Nous saluons l'adoption du Traité constitutionnel par la Conférence intergouvernementale. Ce Traité marque une étape importante dans le processus d'intégration européenne. Le mérite en revient à la présidence irlandaise qui a permis à la Conférence intergouvernementale de trouver des solutions à un grand nombre des questions en suspens.

En comparaison des traités précédents, le Traité constitutionnel est plus clair et, pour cette raison, il sera plus compréhensible pour les citoyens. Les nouvelles fonctions du Président du Conseil européen et du Ministre européen des Affaires étrangères devraient permettre, à l'avenir, d'identifier plus facilement les personnalités en charge de l'Union européenne. Ainsi, l'Union pourrait devenir plus proche de ses citoyens. Le Traité constitutionnel prévoit des modalités plus équilibrées pour les procédures de vote. En effet, un compromis a pu être trouvé, qui, dans son principe, permet de prendre en compte l'égalité des États aussi bien que la différence numérique des populations.

À notre grande satisfaction, le Traité constitutionnel, dans son article I-2, mentionne le respect de la dignité humaine comme première valeur de l'Union. Les objectifs de l'Union se fondent sur la recherche du bien commun européen et universel. Le respect des droits fondamentaux en Europe est mieux assuré grâce à l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité constitutionnel, quand bien même cette dernière ne donne pas satisfaction sous tous ses aspects. Ainsi, on peut espérer que l'Union devienne de plus en plus une communauté de valeurs.

De même, nous considérons que la reconnaissance de l'identité et de la contribution spécifique des Églises et des autres communautés religieuses, dans l'article I-51, constitue une avancée majeure pour l'Union. Le dialogue ouvert, transparent et régulier de l'Union avec les Églises et les communautés religieuses est un bon point de départ pour le développement de relations de partenariat entre les institutions européennes et les Églises.

Quant au préambule, nous saluons la mention de l'héritage religieux de l'Union européenne, tout en regrettant que la Conférence intergouvernementale, du fait de l'opposition de certains de ses participants, n'ait pas pu trouver un consensus pour reconnaître explicitement que cet héritage est notamment chrétien, comme, avec d'autres Églises, nous l'avions proposé. Ce fait, qui pourrait être interprété comme une forme de mépris vis-à-vis des convictions d'un nombre important de citoyens de tous les pays membres, montre que l'Union européenne doit s'interroger encore davantage sur son héritage et son identité. L'Europe reste un projet en construction à plusieurs niveaux.

Nous invitons, dès maintenant, tous les chrétiens et tous les citoyens de l'Union à se familiariser avec le Traité. En vue de la procédure de ratification, nous appelons les responsables de la vie politique et des médias ainsi que les intellectuels à assumer leur responsabilité pour présenter le Traité aux citoyens afin que ceux-ci puissent mieux connaître les valeurs et les objectifs de l'intégration européenne.

Mgr Josef HOMEYER, évêque de Hildesheim, Président Mgr Adrianus VAN LUYN, évêque de Rotterdam, Mgr Hippolyte SIMON, archevêque de Clermont,


Déclaration de la Conférence épiscopale polonaise

Malgré la conviction d'une grande partie des habitants de l'Europe, exprimée à plusieurs reprises dans les appels du Souverain Pontife, des épiscopats nationaux - y compris de l'épiscopat polonais - et contre la prise de position des autorités d'autres Églises chrétiennes, le Texte du Traité constitutionnel de l'Europe, approuvé hier au cours du sommet de Bruxelles, ne contient aucune référence aux racines chrétiennes de notre continent.

Nous constatons ce fait avec indignation, comme une falsification de la vérité historique et une marginalisation consciente du christianisme, qui a été pendant des siècles et qui continue à être la religion de la plus grande partie des Européens. Le laïcisme idéologique, qui a trouvé sa manifestation dans les prises de position de certains gouvernements européens, suscite notre opposition absolue et notre préoccupation pour le destin futur de l'Europe. On ne peut pas, en effet, construire la maison commune européenne en falsifiant l'histoire du vieux continent et en imposant une vision laïque à l'Europe tout entière. Face à cette situation, nous exhortons tous les hommes de bonne volonté a réfléchir sur l'avenir d'une Europe construite en omettant ses valeurs fondamentales.

De Varsovie, le 19 juin 2004

Mgr Józef MICHALIK, Président de la Conférence épiscopale Mgr Stanislaw GADECKI, Vice-président Mgr Piotr LIBERA, Secrétaire général


Vive la laicité , centrée sur le respect de l'homme et de la femme, de pensées, de religions, de philosophies, de sagesses diverses, elle évolue et nombreux sont ceux qui aiment voir la laicité marcher avec la liberté.

Edmond Savajol


 

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