La crise de l'Église aux XIVe et XVe siècles .


1  Le conflit avec Philippe IV le Bel

Au cours du XIIIe siècle, la papauté l'emporte sur les empereurs et les rois, mais elle s'est affaiblie moralement, a trop souvent agi par ambition politique plutôt que par souci de l'Église et de la religion. Á la fin du XIIIe siècle, la cour de Rome donne à voir un spectacle affligeant, divisés entre les cardinaux qui se livrent bataille dans les rues. Pendant deux ans (1292-1294), il ne parviennent pas à s'entendre pour choisir un pape. Après un vieil ermite ilettré qui démissionne aussitôt, ils élisent Boniface~VIII (1294-1303), qui s'engage dans un conflit terrible avec le roi de France Philippe~IV le Bel.

1.1  Le «conflit de la décime»

La première phase du conflit (1296-1298) est appelée le «conflit de la décime», et naît à propos d'une affaire de taxe. Les biens du clergé en effet sont affranchis de toutes taxes et jouissent d'une immunité justifiée par le rôle social (enseignement, assistance, tribunaux ecclésiastiques). Cependant, ils profitent également de la protection de l'État et de la paix qu'il fait règner, et à ce titre, devraient coopérer à ses charges. Un moyen pour les rois du XIIIe siècle de se procurer de l'argent du clergé était d'en obtenir une levée de décimes.

On appelait ainsi une taxe qui correspondait au dixième des revenus du clergé, et qui était apparue lors de la IIIe croisade (1189-1192) pour financer la croisade. Philippe le Bel réédite la manoeuvre en 1295 sans passer par l'intermédiaire du pape, qui proteste par une bulle en février 1296 (bulle Clericis laicos). Philippe le Bel prend mal la notion de «permission» qui figure dans la bulle et interdit toute sortie de métal précieux du royaume : cela gêne le pape qui tirait de grosses ressources du royaume de France. De plus, le clergé français suit le roi, ce qui impressionne le pape, qui cède. De 1298 à 1301, les rapports entre Philippe~IV le Bel et Boniface~VIII sont bons.

1.2  L'attentat d'Anagni

Les origines de la seconde phase du conflit (1301-1303) sont diplomatiques : Philippe~IV fait arrêter l'évêque de Pamiers qui lors d'un bon repas s'était épanché contre le roi et pour le pape, qui soutenait les Flamands, alliés des Anglais avec qui Philippe~IV était en guerre. Cette arrestation va à l'encontre du privilège des clercs d'être jugés par des tribunaux d'Église.

Le pape attaque par la bulle Ausculta, filide décembre 1301 qui affirme la supériorité du spirituel sur le temporel, s'adresse au roi comme à un inférieur, attaque le gouvernement temporel de Philippe~IV et le convie à venir se défendre lors d'un concile à Rome en novembre 1302, réuni pour le juger. Philippe le Bel se défend en présentant une version tronquée et hautaine de la bulle et en faisant appel à l'opinion publique. Des représentants des prélats, des nobles et des villes sont réunis à Paris en avril 1302; on y voit la première réunion des États généraux. Le roi et ses ministres défendent la thèse gallicane, que les trois ordres, le clergé avec un peu plus d'hésitation (il accepte de ne pas se rendre à la convocation du pape). Le pape est très impressionné quand il reçoit la relation de la réunion d'avril 1302. Il recule, mais en juillet Philippe le Bel bat les Flamands. Il maintient donc le concile et 39 prélats du royaume s'y rendent. Le pape y envoie la bulleUnam Sanctamqui reprend toutes les thèses de la théocratie pontificale. Philippe~IV les réfute en janvier 1303. Sous l'influence de Guillaume de Nogaret, Philippe le Bel penche pour la fermeté et des mesures extrêmes.

Guillaume de Nogaret suggère au roi de faire accuser Boniface d'hérésie et de le faire condamner par un concile. Des fonctionnaires parcourent la France pour recueillir les adhésions des chapitres, des couvents, des bourgeois; l'université de Paris se déclare favorable à la réunion d'un concile, le pape suspend son enseignement. En septembre 1303, Nogaret se rend en Italie, à Anagni où résidait le pape, et lui notifie l'acte d'accusation devant un concile oecuménique réuni à Lyon et l'arrête.

Boniface est délivré par la population, mais il meurt quelques semaines plus tard. Cette mort entraîne la liquidation du conflit. En 1311, le pape Clément~V, à Avignon depuis 1309, lève toutes les condamnations portées durant le conflit contre le roi et ses conseillers. De son côté,Philippe~IV le Bel oublie le procès contre Boniface VIII. Au terme de son pontificat, en 1314, Clément V a sans doute évité ce qui aurait étéle pire pour l'Église romaine : la condamnation explicite et solennelled'un homme qui pendant neuf ans a occupé la chaire de Pierre. Mais le prix à payer a été lourd de conséquences pour l'image du Saint-Siège.

Dans le cadre de ce conflit entre l'Inquisition. Elle est discréditée par l'affaire des Templiers, et si elle continue de fonctionner auXIVe siècle, elle est paralysée pendant la guerre de Cent Ans. C'est Louis XI qui interdit tout procès au Saint Office.

2  Le séjour à Avignon (1309-1376)

Benoît~XI (1303-1304) s'était établi à Pérouse pour échapper à la guerilla des familles romaines. Nombre de ses prédécesseurs avaient ainsi transporté leur résidence dans une des provinces des États de l'Église. Le conclave qui doit élire son sucesseur est partagé enre bonifaciens et antibonifaciens, et pendant de longs mois ne parvient pas à se mettre d'accord, au milieu des intrigues et des pressions des princes, spécialement celles de Philippe~IV le Bel. C'est Bertrand de

Got, archevêque de Bordeaux et canoniste réputé, qui est finalement élu. C'est un homme habile, qui préfère en toutes situations le compromis et les arrangements. Il est sacré à Lyon, en présence de Philippe le Bel. Diverses raisons le retiennent dans le sud de la France de 1305 à 1309.

Il convoque en 1308 un concile à Vienne pour 1310 (finalement retardé jusqu'en 1311), pour résoudre la question des Templiers (voir le concile de Vienne). Il s'établit donc à proximité de la ville où doit se tenir le concile, dans le Comtat Venaissin, terre d'Église depuis 1274. Il y est d'autre part proche de l'Allemagne, de la France et de l'Italie. Il s'installe à Avignon, siège d'une jeune université.

Ce séjour à Avignon, s'il témoigne de la faiblesse de la papauté, a cependant l'avantage de soustraire pour un temps le pape aux pressions de l'aristocratie romaine. Après Clément~V, six papes tous français, résident à Avignon. Jean~XXII s'installe dans le palais épiscopal. Dans son esprit cependant, c'est une installation provisoire. Mais ni lui niClément~V ne mettront jamais le pied en Italie, où Jean~XXII mène plusieurs guerres (conflit avec Louis~IV de Bavière, guerre des Guelfes et des Gibelins).

Clément V 1305-1314 Procès des Templiers, fin du conflit avec Philippe IV.

Jean XXII 1316-1334 Lutte contre les Spirituels et contre Louis IV de Bavière. Marsile de Padoue.

Benoît XII 1334-1342 Réformes des ordres monastiques. Début de la guerre de Cent Ans. Guillaume d'Occam.

Clément VI 1342-1352 Grande Peste. Donne son éclat à la Cour (Pétrarque). Fin du conflit avec LouisIV.

Innocent IV 1352-1362  

Urbain V 1362-1370 Tente de revenir à Rome entre 1367 et 1370.

Grégoire XI 1370-1378 Convaincu par Catherine de Sienne de revenir à Rome.

 La politique pontificale

La centralisation monarchique est le caractère le plus marquant du gouvernement pontifical pendant le séjour à Avignon. Ce n'est pas une politique nouvelle. Cette puissance découle de la primauté juridictionnelle donnée aux papes par la réforme grégorienne. La papauté doit faire face à de lourdes dépenses matérielles (construction du palais, salaires versés en espèces depuis 1310, politique de mécenat et de charité, nombreuses guerres) et se trouve de nouveaux revenus.

Cette politique est très critiquée. L'opinion publique accuse d'abord les papes d'être trop dociles à l'égard de la France. Elle lui reproche aussi de faire argent de tout et de lever sans cesse des taxes nouvelles. Les papes intervenaient dans les élections épiscopales et se faisaient donner par le nouveau titulaire, qui leur devait sa place, de grosses sommes d'argent. Ils n'hésitaient pas à confier plusieurs fonctions ecclésiastiques à la même personne, quoi que ce cumul soit interdit par les lois de l'Église. Ils faisaient payer de plus en plus cher les dispenses qu'ils accordaient ou les sentences en appel de leurs tribunaux. Benoît~XII essaie de lutter contre le népotisme et entreprend une série de réformes qui tendent en particulier au redressement moral des ordres religieux, surtout des cisterciens (voir Les essais de réforme des ordres religieux).

C'est cependant aussi un âge d'or. Benoît~XII commence la reconstruction du palais épiscopal. Clément~VI, son successeur, est un ancien moine de la Chaise-Dieu (qu'il fait embellir); docteur en théologie et droit canon de l'Université de Paris, il est chancelier du royaume de France de 1330 à 1338. Il donne à sa cour un éclat prestigieux, et fait construire un second palais, contigu à celui construit par Benoît~XII, bien plus luxueux. Des laïcs, comme Pétrarque, y brillent d'un vif éclat. Les papes développent l'université, rassemblent une importante bibliothèque (plus de 2000 livres en 1369) et constituent un dépôt d'archives (Benoît~XII fait ramener en 1339 les archives restées à Assise depuis 1303).

Prélats et penseurs

À l'intérieur du monde clérical, la centralisation engendrait un malaise qui avait déjà été exprimé lors du concile de Vienne. Mais si le mécontentement grandit au cours du XIVe siècle, les réactions qu'il provoque restent sporadiques et brèves.

Il n'y a pas que des opposants : l'esprit de l'absolutisme pontifical, avec Unam Sanctam, sans doute rédigée par Gilles de Rome, se retrouve par exemple chez Jacques de Viterbe, Agostino Trionfo (tous deux Augustins), ou Alvaro Pelayo (franciscain). Tous exaltent la puissance du pontife romain, et tendent à confondre l'Église avec son chef.

Les cardinaux auraient pu freiner l'essor de l'absolutisme pontifical, mais leur avis n'a de valeur que consultative. En 1352, ils tentent une participation plus effective à l'exercice du pouvoir en s'entendant sur le texte d'une «capitulation», qui déclare notamment que tout acte important du gouvernement dépendrait de l'accord du Saint-Siège. À peine élu, Innocent~IV déclare que la promesse faite en conclave ne le lie pas. D'autre part le concile, qui aurait pu faire office de contrepoids, n'est réuni qu'une seule fois au XIVe siècle, à Vienne. L'opposition de certains clercs ne se manifeste donc pas dans le cadre des institutions ecclésiastiques, mais dans le domaine de la pensée. Deux grandes figuress'opposent à l'autoritarisme pontifical :

1.Marsile de Padoue, recteur de l'Université de Paris, aidé de l'averroïste Jean de Jandun, dans un livre qui va avoir un grand succès, surtout au XVe siècle, le Defensor pacis(1324), condamné dès 1327. Il construit son système sur les bases du XIVe siècle, nées dans le milieu des légistes qui entouraient Philippe~IV le Bel. Il affirme la pleine souveraineté des princes et leur droit de contrôler la vie de l'Église. l'État a pour mission de garantir à ses membres le bien-être matériel et le salut spirituel. Les prêtres sont ses ministres, chargés du culte et des prêches. Si dans cette matière des difficultés surgissent, c'est au peuple, source de la souveraineté,qu'il appartient de trancher. Le concile sert d'organe à la communauté qu'il est censé représenter et que convoque l'autorité laïque del'empereur.

2.Guillaume d'Occam1 : théologien par vocation, il ne s'aventure dans la réflexion sur l'ordre social qu'à la suite de sa rébellion contre Jean~XXII. Il n'élabore pas une doctrine aussi cohérente que celle de Marsile mais contribue à la lutte contre l'absolutisme pontifical. Au dessus du pape, il met l'Église, non pas l'ensemble des prélats, mais la foule des croyants, laïques et clercs, illettrés et docteurs. Il encourage les princes à prendre la place de la hiérarchie si celle-ci fait la preuve de son incapacité. À ses yeux rien n'est éternel sur terre, ni personne doté d'infaillibilité, mais tout est soumis à la loi que dicte la conjoncture. L'empirisme inspire donc à la fois la pensée politique et la philosophie d'Occam.

Le pape ne possède pas une autorité particulière sur les croyants, car ce qui «fait le troupeau ce sont les brebis et non le pasteur». La critique, très forte, est reprise par de grands universitaires parisiens et les Spirituels.

Les grands noms des XIVe et XVe siècles

XIVe siècle Maître Eckhart (v1260-1327) Mystique rhénan

Marsile de Padoue (1275?-v1343) Théologien italien

Guillaume d'Occam (v1300-1349) Franciscain anglais

Jean Tauler (1300-1361) Mystique rhénan

Henri Suso (1295-1366) Mystique rhénan

Pétrarque (1304-1374) Poète et humaniste italien

Boccace (1313-1375) Écrivain italien

Jean de Ruysbroek (1293-1381) Mystique flamand

John Wyclif (1320-1384) Universitaire anglais

Gerd Groote (1340-1384) Fonde les F. de la Vie commune

Catherine de Sienne (1347-1380) Tertiaire dominicaine

XIVe-XVe siècle Vincent Ferrier (1355-1419) Prédicateur dominicain

Jan Hus (1371-1415) Réformateur tchèque

Pierre d'Ailly (1350-1420) Théologien français

Jean Gerson (1369-1429) Universitaire français

Bernardin de Sienne (1380-1444) Franciscain de l'observance

Jean de Capistran (1386-1456) Franciscain de l'observance

XVe siècle Laurent Valla (1407-1457) Humaniste italien

Torquemada (1420-1498) Inquisiteur dominicain espagnol

Jérome Savonarole (1452-1498) Réformateur dominica

Empereurs et rois

Les princes temporels ne s'accomodent pas de la monarchie pontificale et s'efforcent d'entraver son développement.

* En Allemagne : le dernier acte de la querelle du Sacerdoce et de l'Empire dure plus de trente ans, de 1323 à 1356. Louis de Bavière, maître de l'Allemagne depuis l'écrasement de son rival, Frédéric d'Autriche, désigne ses vicaires dans le royaume d'Italie. Jean XXII, s'appuyant sur la doctrine théocratique, le somme de renoncer à son pouvoir jusqu'à ce que le Saint-Siège le confirme dans sa dignité. Louis repousse l'ultimatum d'Avignon, est excommunié en 1324 et répond par l'appel de Sachsenhausen, attaque hardie sans doute inspirée par l'exemple de Philippe le Bel, les critiques des Spirituels et le Defensor pacis.

Louis~IV de Bavière se rend en 1327 à Rome, accompagné de lettrés et de théologiens, ainsi que de Marsile de Padoue. Ces derniers mettent en scène le couronnement de l'empereur et inspire l'élection d'un antipape, un franciscain. En 1328, la ville semble redevenue le siège des deux plus hautes instances de la chrétienté. Mais sous les coups des Guelfes, la coalition gibeline s'émiette et l'empereur doit quitter Rome et l'Italie en 1331, et il poursuit le combat contre la papauté.

Finalement, épuisée par l'interdit qui pesait depuis 25 ans sur la plupart de ses villes et de ses territoires, l'Allemagne se résigne à l'élection de Charles de Moravie (1347). Louis IV de Bavière meurt un an plus tard. Pourtant, ce n'est pas un triomphe pour la papauté. Charles IV de Moravie promulgue en 1356 la Bulle d'Or : ce n'est pas le couronnement qui confère au souverain l'autorité, mais le vote du corps électoral. La puissance impériale se sécularise, et en même temps se replie sur les territoires germaniques et renonce à l'universalisme.

* En France : une fois épuisée les séquelles du conflit de Boniface~VIII et de Philippe~IV le Bel, aucun affrontement sérieux n'oppse plus, pendant toute la durée de l'exil, la cour d'Avignon à celle de Paris. Cependant, les idées des légistes ne sont pas oubliés. Le Songe du Vergiercomposé en 1376 pour Charles~V (1364-1380) nous en donne la preuve. Pour remplir cet ouvrage dont les gallicans feront leur bible, tous les écrits dont les auteurs ont voulu limiter la puissance des prêtres ont été mis à contribution. Sous une forme allégorique sont exposées les prétentions réciproques de la papauté et de la monarchie française.

La défense du pouvoir séculier n'est pas seulement un thème traité par les théoriciens. Les tribunaux laïques s'efforcent d'arracher à la compétence des juridictions ecclésiastiques toutes les affaires qui n'étaient pas purement spirituelles. Cette petite guerre entretient dans le corps des officiers l'esprit combattif qui fera au siècle suivant la force du gallicanisme parlementaire. Les rois se gardent bien cependant de mettre en cause la centralisation et la fiscalité pontificales, car ils en partagent les profits avec la Chambre apostolique. Sans les décimes, les subsides et les annates2, le trésor français aurait très mal supporté la charge que lui impose la conflit avec l'Angleterre.

* En Angleterre : c'est l'entente entre Valois et papes qui fortifie, en Angleterre, le désir de résister à la papauté. Le roi a toujours tenu à s'assurer de l'obéissance de son Église. Pour contraindre le pape à lui céder du champ, il dispose d'une arme efficace, la haine de l'opinion anglaise pour la centralisation pontificale, où le peuple ne voit qu'un instrument utilisé par la papauté pour soutirer de l'argent aux ennemis de la France. En 1366, Édouard~III brise les liens de vassalité noués par Jean sans Terre lors de sa lutte avec Innocent~III.

Des textes draconiens sont promulgués entre 1350 et 1395, mais ils ne sont pas appliqués. Les rois en effet n'ont pas l'intention de rompre avec la papauté qui était susceptible de rendre à la Couronne des services précieux. Ces lois satisfont l'opinion et inquiètent la Curie, ce qui la dispose aux compromis. Un modus vivendi s'établit, qui fait la part belle à la monarchie. Si un évêché vient à vaquer, le pape délivre les bulles de provision au candidat désigné par le roi. C'est donc ce dernier qui a la réalité du pouvoir, et l'Église d'Angleterre ressemble déjà d'assez près à l'Église anglicane. Au XVe siècle, l'Angleterre est une des nations qui créent le moins de problèmes au Saint-Siège, d'autant que la guerre des Deux-Roses (1455-1485) met à mal la monarchie britannique.

 

 Le Grand Schisme

  Deux camps

En 1377, le pape revient à Rome. Mais plus le temps passe, plus c'est une logique de faction qui prévaut lors des élections. Quand le pape meurt en 1378, les cardinaux lui trouvent un successeur, Urbain~VI, dans des circonstances troublées. Originaire de Naples, le nouveau pape ne pouvait déplaire aux habitants de Rome. Sa carrière s'est surtout faite dans les bureaux d'Avignon, il a donc l'expérience de l'administration, sinon du gouvernement. Ses moeurs sont irréprochables, mais il est irritable. L'honneur lui tourne la tête et il se donne pour mission de chasser les marchands du temple. Les cardinaux s'entendent reprocher sur le ton de l'invective leur luxe et leur absentéisme. Treize d'entre eux quittent Rome, déclarent nulle l'élection d'Urbain~VI et élisent en septembre 1378 Clément~VII. Deux partis se constituent, avec deux papes, qui nomment chacun leurs cardinaux :

1.Urbain VI à Rome : il est soutenu par l'opinion italienne, l'Angleterre rivale de la France, bien que l'on soit en période de trêve (c'est l'époque de la guerre de Cent Ans), presque tous les princes allemands, l'empereur Charles~IV de Moravie, la Hongrie, la Pologne, les royaumes scandinaves, Sainte Catherine de Sienne3, Catherine de Suède.

2.Clément~VII (1378-1394) à Avignon à partir de 1379, après avoir vainement essayé d'entrer à Rome par la force : il est soutenu par la reine de Naples, la Savoie, l'Écosse, le roi de France Charles~V qui entraîne à sa suite l'Université de Paris, puis la Castille et l'Aragon, Saint Vincent Ferrier4, Pierre de Luxembourg. C'est le Grand Schisme d'Occident, de 1378 à 1417. Les fidèles sont angoissés, car ils craignent d'être damnés s'ils ne s'attachent pas au pape légitime.

Les papes du Grand Schisme d'Occident

Rome Avignon Pise

Urbain VI 1378 Clément VII

Boniface IX 1389 1394

Benoît XIII

Innocent VII 1404

Grégoire XII 1406

1309 Alexandre V

1310 Jean XXII Déposé en 1415 Déposé, n'abdique pas Déposé en 1415

  Résoudre le schisme

Trois «voies» sont essayées successivement :

1.via facti : pour résoudre le schisme, on essaie d'abord la force. Les deux papes s'excommunient mutuellement et se cherchent des partisans. Ni les uns ni les autres ne se font scrupule de recourir aux armes. Urbain VI n'hésite pas à conférer aux troupes qui se battent pour lui le titre de croisés. L'Italie est le principal théâtre des opérations militaires.

2.via cessionis : en janvier 1394, la majorité de l'Université de Paris propose la renonciation ou «cession» simultanée des deux papes. D'autres réclament un arbitrage, d'autres un concile universel. Toutes les démarches étant restées sans effet, la monarchie française décide en 1398 une «soustraction d'obédience» (voir page X), qui est accepté par le concile de Paris en juillet 1398. Les universités de Toulouse et d'Orléans désapprouvent cette décision. Finalement, en mai 1403, une ordonnance annonce la restitution d'obédience à Benoît~XIII.

3.via conventionis : On essaie ensuite d'explorer la voie des conversations pour parvenir à un accord. De 1404 à 1408, des tentatives sont faites; Grégoire~XII propose à Benoît~XIII un entretien à Savone pour septembre 1307, mais finalement ne vient pas au rendez-vous.

Devant cet échec et la scission qui durait depuis trente ans, les cardinaux des deux obédiences, contre l'avis des papes, convoquent à Pise un concile oecuménique pour mars 1409. Leur appel fut entendu : seuls le IVe concile de Latran (1215) et celui de Vienne (1311-1312) avaient réuni plus de participants. Le concile dépose les deux papes, «schismatiques notoires et fauteurs de divisions», et élisent un nouveaupape, Alexandre V, qui est reconnu par la France et l'Angleterre ; mais les deux autres refusent de démissionner.

C'est le concile de Constance, convoqué pour novembre 1414 par Sigismond de Hongrie, empereur germanique depuis 1411, qui résoud le Grand Schisme. Pour la première fois dans l'histoire conciliaire, les docteurs accompagnent en foule les évêques, les abbés et les princes. Le programme que se fixe l'assemblée embrasse les trois préoccupations majeures de la chrétienté: l'union, la réforme et la défense de la foi.

Le 6 avril 1415, le concile adopte le décret Haec sancta, qui proclame que le concile, représentant l'Église universelle, tient du Christ son pouvoir et que le pape lui-même lui doit obéissance. Les trois papes sont démis successivement entre 1415 et 1417. Tous abdiquent sauf le pape d'Avignon, Benoît~XIII, se réfugie en Espagne où il est abandonné de tous et s'entête jusqu'à sa mort en 1423. Une Assemblée conciliaire assure l'intérim de 1415 à 1417, jusqu'à l'élection de Martin~V en novembre 1417. Le concile de Constance décide également la tenue régulière des conciles universels (décret Frequensd'octobre 1417). Il sépare en avril 1418.

Guillaume d'Occam (vers 1300-1349) : franciscain anglais, fondateur du nominalisme du XIVe siècle. Il étudie à Oxford, à Paris, et séjourne à Avignon. Il soutient la révolte d'une partie des Frères Mineurs, puis de l'empereur Louis IV de Bavière contre Jean XXII. Ses doctrines connaissent un succès triomphal dans l'université de Paris au XIVe siècle et jusqu'à la fin du XVe siècle. Il avait été surnommé le Docteur invincible. Un portrait de Guillaume d'Occam

 

Annates : redevance correspondant à une année de revenus, versée notamment à la papauté par le titulaire d'un bénéfice.

Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) : dominicaine italienne, tertaire à quinze ans. Son autorité et son énergie font moins penser à Saint François qu'à Saint Bernard : même violence de langage contre les vices de l'Église mais même respect pour le sacerdoce, même soumission à l'é gard du pape mais même rudesse dans ses admonestations. Elle est célèbre par ses extases et ses révélations. Elle décida Grégoire XI à quitter Avignon pour Rome et prend parti, lors du grand schisme, pour Urbain VI, à Rome, où elle meurt.

Saint Vincent Ferrier (1355-1419) : dominicain espagnol né près de Valence, où il enseigne. Il se distingue au concile de Constance et se prononce en faveur de la candidature de Ferdinand de Castille au trône d'Aragon en 1410. Il a été le confesseur de Benoît XIII mais s'en dét ache en 1416. La fin de sa vie est celle d'un prédicateur itinérant, en Italie, en Espagne, en France.


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