Encore un théologien condamné par le Vatican.

Claude Geffré


Révélée par Le Monde dans son édition du 9 mai, la récente mésaventure survenue à Claude Geffré, l’un des théologiens français les plus reconnus au niveau international, met une fois de plus en évidence la véritable mise sous tutelle de la théologie catholique par les instances disciplinaires de l’Église romaine. Deux jours avant de s’envoler pour la République démocratique du Congo, où il devait recevoir un doctorat honoris causa de la faculté de théologie de Kinshasa, ce dominicain spécialiste du dialogue des religions s’est vu conseiller par le doyen de cette faculté de rester à Paris. La Congrégation romaine pour l’Éducation catholique, dont le préfet, le cardinal polonais Zénon Grocholewski, présidait justement à Kinshasa un colloque sur « la théologie et l’avenir des sociétés », s’opposait en effet à ce que le théologien reçoive ce diplôme honorifique. « C’est à la fois surprenant et blessant, confie Claude Geffré. Je n’avais pas l’impression d’être particulièrement mal jugé par mes pairs. Les échos qui me sont parvenus sur mon dernier livre (1) sont même très positifs. »

L’intervention de la congrégation pour l’Éducation catholique, après consultation de la congrégation pour la Doctrine de la foi, peut aussi être considérée comme un camouflet pour la faculté de théologie de Kinshasa et notamment son doyen, Léonard Santedi Kinkupu, pourtant membre de la Commission théologique internationale. Cet aréopage de quarante spécialistes de haut niveau est chargé, selon les termes officiels, « d’aider le Saint-Siège, et principalement la Congrégation pour la doctrine de la foi dans l’examen de questions doctrinales d’importance majeure ».

Recentrage idéologique

Qu’est-il précisément reproché à Claude Geffré ? Lui-même n’en sait officiellement toujours rien. Contrairement à l’usage, le Maître de l’Ordre dominicain dont dépend le théologien n’aurait pas non plus été avisé des raisons de cette intervention de la congrégation pour l’Éducation catholique. Mais on peut penser qu’en ces temps de recentrage idéologique les travaux de Claude Geffré sur le pluralisme religieux ne plaisent guère au Vatican. Avec d’autres théologiens, notamment africains ou asiatiques, mais aussi le jésuite belge Jacques Dupuis (habitué des avertissements de la Congrégation pour la doctrine de la foi), Claude Geffré a développé une théologie qui distingue « l’universalité du Mystère du Christ », nullement remise en cause, et « l’universalité du christianisme comme religion historique ».

En d’autres termes : sans renoncer à la validité de la médiation du Christ pour toute l’humanité, il faudrait admettre l’idée d’une certaine relativité du christianisme historique tel qu’il existe et a existé, et accepter de le mettre à l’épreuve, notamment dans le dialogue avec d’autres cultures et religions. L’idée n’a rien en soi d’hérétique et s’inscrit dans le droit fil de Vatican II. Mais elle détonne par rapport au positionnement romain, et en particulier celui de Benoît XVI, qui, inquiet du risque « relativiste », n’a de cesse d’insister sur l’unicité de la Vérité, nécessairement portée hier et aujourd'hui par l’Église catholique, apostolique et romaine.

 Mondialisation L’enjeu n’est pas seulement théorique. L’universalité inhérente à la nature même du christianisme peut-elle prévaloir à travers un modèle unique, ultra-centralisé et finalement très européen du catholicisme? A l’heure de la mondialisation et des recompositions culturelles qui l’accompagnent, cette question, que pose indirectement, avec d’autres, Claude Geffré, semble donner le vertige aux responsables du Vatican.

(1) De Babel à Pentecôte, essais de théologie religieuse, Le Cerf, 2006

Claude Geffré, o.p.

La prétention du christianisme à l'universel: Implications missiologiques

Dans le concert des religions du monde, le christianisme semble faire figure d’exception. Non seulement, comme toute religion, il prétend à une certaine universalité dans la mesure où il propose un message de salut qui s’adresse à tout être humain. Mais son message est nécessairement universel dans la mesure où il se réfère tout entier à la médiation historique de Jésus Christ qui coïncide avec l’irruption de l’Absolu même qui est Dieu. Aucune autre religion n’a la prétention de se réclamer d’un fondateur qui n’est pas seulement un prophète, un envoyé de Dieu ou un médiateur mais le Fils même de Dieu. Si depuis les origines, l’Église vit avec la conscience d’une mission universelle à l’égard du monde entier, ce n’est pas seulement par obéissance à l’ordre de mission de Jésus : "Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit...". C’est parce qu’elle ne peut pas faire autrement que d’annoncer qu’en Jésus de Nazareth, le Règne de Dieu est advenu pour tout être humain.

Aucun chrétien ne peut contester la vocation universelle de l’Église. Mais nous savons mieux aujourd’hui que nous ne devons pas nous réclamer trop vite de l’universalité du salut en Jésus Christ pour justifier la prétention universaliste du christianisme comme religion historique. Une telle prétention n’est pas seulement un obstacle à un dialogue loyal sur un plan d’égalité avec les autres religions du monde. Elle contredit notre nouvelle expérience de la particularité chrétienne.

À la fin du XIXème siècle, aux beaux temps du colonialisme, certains responsables d’Église croyaient sincèrement que le christianisme balayerait progressivement les autres religions. Or nous constatons que de grandes religions comme l’islam et les religions de l’Orient demeurent vivantes et même se renouvellent, sans parler de leur séduction nouvelle auprès des populations du premier monde, Europe et Amérique du Nord. Un pluralisme religieux apparemment insurmontable constitue le principal défi pour l’Église au seuil du troisième millénaire. Et même si, grâce à un réseau de communication toujours plus performant, l’Évangile est porté à la connaissance de tout être humain, la mission de l’Église est loin de connaître un succès mondial. Comme le disait Jean Paul II dans l’encyclique Redemptoris missio : "Au terme du deuxième millénaire, un regard d’ensemble sur l’humanité montre que la mission de l’Église en est encore à ses débuts". S’il est vrai que la mondialisation constitue une chance pour la mission de l’Église, il est incontestable aussi que les hommes de notre temps ont une conscience beaucoup plus vive de la relativité historique du christianisme alors qu’ils connaissent mieux les richesses des autres traditions religieuses.1 Et il convient d’ajouter que cette conscience de la relativité historique du christianisme coïncide avec un recul de la civilisation occidentale dans le monde. Alors que durant des siècles la culture dominante du christianisme fut celle du monde gréco-romain, nous sommes aujourd’hui les témoins d’un nouvel âge de l’Église caractérisé par un polycentrisme culturel de plus en plus effectif.2

Jusqu’ici, je n’ai fait que restituer la nouvelle expérience historique de l’Église au début du XXIème siècle. Mais c’est pour des motifs proprement théologiques que la prétention à l’universel du christianisme fait l’objet d’un débat crucial. Comment comprendre cette universalité alors que depuis Vatican II l’Église porte un jugement positif sur les autres traditions religieuses et discerne en elles des semences de bonté, de vérité et même de sainteté ? Le concile ne va pas jusqu’à désigner les religions non chrétiennes comme des "voies de salut", mais il nous dit clairement que l’Église "regarde avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes" (Nostra aetate, n° 2).

Dans les quelques réflexions qui suivent, il s’agira de prendre au sérieux la particularité historique du christianisme et donc sa relativité sans renoncer à sa vocation universelle, mondiale, catholique. Comme nous aurons l’occasion de le vérifier, la véritable universalité s’enracine toujours dans une particularité concrète. Ce qui est vrai dans l’ordre de la culture l’est aussi dans l’ordre du religieux. Nous commencerons par porter un regard rétrospectif sur les prétentions à l’universel de l’Église du passé. Nous pourrons ensuite à la lumière des plus récents développements de la Théologie des religions établir les discernements nécessaires entre l’universalité du Christ lui-même et l’universalité du christianisme comme religion mondiale. Il faudra alors réfléchir sur les formes et le style de la mission. La mission permanente de l’Église, c’est d’annoncer que Dieu sauve tout homme en Jésus Christ. Mais cette vocation universelle s’accomplit selon des modalités nouvelles. L’Église doit continuer à annoncer Jésus Christ tout en témoignant de l’avènement du Règne de Dieu hors de ses frontières.

La prétention chrétienne à l’universel à l’épreuve de l’histoire

Il n’est pas question de survoler vingt siècles de christianisme pour dénoncer après bien d’autres les fausses prétentions à l’universel dont l’Église a pu se rendre coupable. Il s’agit d’essayer de comprendre comment, contrairement au message évangélique sous le signe de la gratuité du don de Dieu, le christianisme historique a pu véhiculer ce que l’on peut appeler une "idéologie unitaire", c’est-à-dire la volonté d’imposer comme universelle la vérité absolue dont il est le témoin et de réaliser dès ici-bas l’unité du Règne de Dieu et de l’histoire profane.3 Aujourd’hui même, on ne peut apprécier la portée de la mission universelle de l’Église qu’à la lumière d’une réflexion sur les rapports de l’Église et de l’histoire. Comment affirmer une efficacité du christianisme dans l’histoire ou encore une responsabilité de l’Église dans le monde et maintenir en même temps la gratuité du message chrétien?

On ne peut réfléchir sur les rapports de l’Église et de l’histoire sans évoquer le messianisme chrétien qui n’a de sens que par rapport au messianisme paradoxal de Jésus qui est à la fois en continuité et en rupture avec le messianisme d’Israël.4 Ce dernier désigne l’ensemble des croyances relatives à la venue d’un Messie envoyé par Dieu qui rétablira la justice, la paix et l’innocence première. Quoiqu’il en soit de l’attente eschatologique d’un Royaume de justice et de paix qui dépasse l’horizon de cette histoire, le messianisme juif est un messianisme royal et même nationaliste. Jésus va prendre ses distances par rapport à des attentes terrestres trop immédiates : la restauration du royaume d’Israël. Au lieu d’un messianisme politique, terrestre et nationaliste, il veut instaurer un messianisme spirituel, céleste et universel. Mais les choses ne sont pas si simples. Même si son Royaume n’est pas de ce monde, il veut anticiper le Règne de Dieu ici-bas grâce au témoignage rendu à l’Évangile.

Comme pour souligner l’ambiguïté du messianisme qui se réclame de Jésus, on constate qu’au long de l’histoire de l’Église les figures historiques du messianisme chrétien ont été très diverses. Alors que le messianisme désigne une puissance qui travaille à la transformation du monde et de l’histoire, la tendance dominante du christianisme durant des siècles fut plutôt d’affirmer la doctrine du mépris du monde (contemptus mundi)5 et de conclure à la vanité d’une histoire vouée à la perdition. À la suite de certains historiens, on peut distinguer quatre figures historiques du rapport de l’Église à l’histoire : le millénarisme, la chrétienté, le dualisme et le messianisme.6

Le millénarisme ou la croyance en un retour du Christ pour un règne de mille ans conjugue l’espérance messianique d’Israël avec une visée résolument universaliste.7 En dépit de la naïveté de ses représentations, le millénarisme est réapparu plusieurs fois durant les trois premiers siècles de l’Église naissante. Il était l’expression de l’idéologie spontanément universaliste du groupe Église qui se réclamait de la royauté du Christ sur le monde. Il est plus important de s’arrêter sur deux tournants historiques importants du point de vue du rapport entre le messianisme de Jésus et l’histoire, à savoir ce qui commence avec la conversion de Constantin, c’est-à-dire l’idéal de la chrétienté et ce qui s’inaugure avec le concile de Vatican II qui aura lui-même deux issues assez différentes que l’on peut caractériser comme le dualisme et le messianisme .

Le rêve de la chrétienté

Au début du IVème siècle, la conversion de Constantin inaugure un nouveau destin historique du christianisme, ce que l’on a pu appeler le Césaro-papisme (un unique Dieu, un empereur, un empire qui coïncide avec les frontières de l’Église). Grâce à cet événement contingent de la conversion, l’Église a conscience de pouvoir réaliser le rêve du prophétisme biblique et du messianisme chrétien : établir le Règne de Dieu dans les chemins de l’histoire et réaliser l’unité du monde et de l’histoire sous la royauté du Christ ressuscité. Il y a donc une coïncidence providentielle entre le Règne de Dieu annoncé et le mouvement effectif de l’histoire. La prétention à l’universel du christianisme se vérifie et l’idéologie unitaire qui va hanter la mémoire de l’Église durant des siècles se met en place.

L’empereur converti introduit la loi du Christ comme loi de la nouvelle société politique. Le christianisme est promu comme religion d’État et le pouvoir qui avait jusqu’ici persécuté les chrétiens se met au service de leurs idéaux. La raison politique se fait l’alliée de l’Évangile pour établir une société fraternelle qui soit comme l’anticipation de la Jérusalem future. L’Église comme société parfaite constitue le modèle auquel doit se référer toute société humaine et tous les aspects de la vie humaine sont subordonnés à une fin religieuse. C’est entre le XIème siècle et le XVème (de Grégoire VII aux papes d’Avignon) que la chrétienté occidentale atteint son apogée.

Malgré les effets bénéfiques de la chrétienté dans le sens d’une humanisation de l’homme et d’une certaine fraternité, les résultats de la chrétienté demeurent très ambigus.8 On aboutit à une confusion de la société civile et de la société religieuse qui ne respecte pas la libre autonomie de chacun dans le domaine religieux. Quand la politique des empereurs favorisait l’unité et l’expansion de l’Église, les évêques trouvaient tout naturel d’user du bras séculier contre les hérétiques et les schismatiques. Puisque la vérité absolue révélée en Jésus Christ est nécessaire au salut de tout homme, tous les moyens sont bons pour maintenir ces hommes dans la vérité ou les contraindre d’y adhérer. On voit ici poindre l’idéologie de la vérité obligatoire au détriment des droits de la conscience.

Il convient d’ajouter que dans la perspective de la chrétienté, il y a une telle survalorisation du salut des âmes dans un salut au-delà de l’histoire que cette dernière n’est pas vraiment prise au sérieux dans son autonomie : elle est privée de toute capacité messianique. On aboutit à un messianisme spirituel qui s’accommode très bien de la violence de l’histoire. La doctrine dite du "mépris du monde" d’origine monastique l’emporte sur toute spiritualité adaptée à ce que peut être un état de vie dans le monde.

Avec la Révolution française et l’abolition de l’Ancien Régime, il y eut une remise en cause radicale de l’idéal de la chrétienté. Mais en fait durant tout le XIXème siècle, on assiste à des mouvements de restauration qui continuent de trouver dans l’idéal de la chrétienté médiévale et son idéologie universaliste un point de référence obligée. Qu’il suffise d’évoquer les erreurs condamnées par le Syllabus de Pie IX en 1864. Les libertés modernes sont rejetées et l’idée d’une société laïque complètement indépendante de l’Église apparaît comme une trahison de la foi et une subversion de l’idéal d’une union de l’Église et du monde sous l’unique royauté du Christ.

Le tournant de Vatican II

Déjà dans les années 50, aux États-Unis et dans les démocraties occidentales, on décèle la recherche d’une nouvelle forme de présence de l’Église à la société qui remette en cause l’idéologie unitaire, en particulier l’idée même d’une société chrétienne comme forme nécessaire de la relation entre l’Église et l’histoire. Mais c’est Vatican II, surtout dans les deux grands textes de Lumen gentium et de Gaudium et spes et dans La Déclaration sur La liberté religieuse, qui consacre la fin de la chrétienté et qui définit un nouveau rapport de l’Église avec l’histoire profane. 9

D’une part, l’Église n’est plus définie comme Societas perfecta mais comme un Peuple en marche vers le Royaume. On insiste moins sur la dimension juridique et sociétaire de l’Église que sur sa dimension sacramentaire et exodale. D’autre part, l’Église reconnaît l’autonomie de la société et l’indépendance du pouvoir politique par rapport au pouvoir religieux. On renonce à l’idéal d’une cité chrétienne et pour la première fois on accepte l’idée d’une société civile comme société laïque, démocratique et pluraliste. On renonce à l’idée même d’un statut privilégié accordé au catholicisme comme religion d’État. Société pluraliste dit nécessairement pluralité des opinions, des croyances et respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse.

Vatican II inaugure ainsi un nouveau rapport entre le Christ toujours vivant et l’histoire. Alors que depuis Augustin, l’Église portait un jugement pessimiste sur l’histoire profane comme histoire de la perdition, on commence à reconnaître l’autonomie de l’histoire universelle dans sa différence avec l’histoire sainte. L’Église n’est pas l’unique productrice de sens dans l’ordre religieux, moral et culturel. L’histoire laissée à elle-même est porteuse de sens et elle pose des questions à l’Église. Dieu parle aux hommes non seulement par l’Écriture et par les grands textes de la tradition dogmatique, mais par les ‘signes des temps’. L’Église doit donc être dans une attitude d’écoute et de dialogue. "L’Église n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de l’histoire et de l’évolution du genre humain"(GS 26). La mission de l’Église est de témoigner de la Bonne Nouvelle et de la venue du Règne sans exercer un pouvoir direct sur les sociétés.

Mais en fait, cette prise au sérieux de l’histoire dans son autonomie, c’est-à-dire une histoire qui a son sens en elle-même et qui dénonce l’idéologie universaliste de la chrétienté, va avoir à l’époque moderne deux issues très différentes que j’ai déjà désignées comme le dualisme et le messianisme.

1. Le dualisme

On se félicite avec une certaine complaisance de la distinction du temporel et du spirituel, du séculier et du spécifique religieux chrétien, de l’histoire profane et de l’histoire du salut, de l’Église et du monde. C’est le beau temps des théologies optimistes du travail et des réalités terrestres. C’est le succès aussi de ce qu’on a appelé la "théologie de la sécularisation", c’est-à-dire d’une théologie qui non seulement accepte la sécularisation moderne comme un fait inéluctable mais qui en donne une justification à partir de la doctrine biblique de la création et d’une théologie de l’incarnation.10 La sécularisation moderne ne serait que l’aboutissement du mouvement de désacralisation dont les prophètes d’Israël ont été les initiateurs contre toute forme de sacré et d’idolâtrie. Cette théologie qui est un héritage lointain de la doctrine protestante des deux Règnes risque d’aboutir à une privatisation du christianisme et à une hypertrophie de l’intériorité comme seul lieu d’avènement du Règne de Dieu. L’histoire concrète est abandonnée à elle-même et on se méfie de tout messianisme chrétien comme nouvelle version de l’idéologie universaliste du temps de la chrétienté. En fait, l’histoire a perdu son effectivité messianique et on peut se demander si à l’époque moderne, surtout en Europe, la sécularisation ne consacre pas l’échec historique du christianisme en tant que dynamisme effectif sur le cours de l’histoire.

2. Le messianisme

L’autre issue de Vatican II, c’est le messianisme ou plutôt la redécouverte du messianisme. Il y a eu déjà tout au long de l’histoire des mouvements proprement messianiques, c’est-à-dire des courants spirituels qui croient à une transformation de l’histoire à partir de l’utopie chrétienne d’une fraternité universelle, comme certaines communautés monastiques, les frères du libre Esprit ou au XIIème siècle le mouvement inspiré par Joachim de Flore. Mais au XXème siècle, ce sont les théologies de la libération nées en Amérique latine et qui ont de plus en plus des versions parallèles en Afrique et en Asie qui ont contribué à une redécouverte de la dimension messianique du christianisme. Elles refusent le dualisme aussi bien dans sa version pessimiste, c’est-à-dire une condamnation du monde et une indifférence à l’histoire profane au nom d’une conception purement spiritualiste et eschatologique du salut, que dans sa version optimiste comme les théologies modernes de la sécularisation qui se réfugient dans une conception privée du christianisme. Sous prétexte que l’Église ne fait pas de politique, on insiste uniquement sur la conversion individuelle et on néglige la dimension sociale et politique de l’Évangile qui ne s’accommode pas de n’importe quelles structures injustes.

En insistant sur la dimension messianique du christianisme, les théologiens de la libération prétendent prolonger la prédication des prophètes d’Israël qui affirmaient que l’oppression n’est pas une fatalité historique mais un produit de l’histoire. Le messianisme de Jésus est un messianisme paradoxal parce que s’il renonce aux visées nationalistes du messianisme d’Israël, il n’aboutit pas pour autant à un messianisme purement spirituel. La prédication de Jésus l’a conduit à la mort parce qu’il a été fidèle à l’image d’un Dieu libérateur qui déloge les puissants de leur trône et exalte les faibles. La libération historique des hommes est donc une partie intégrante du salut. Il faut chercher une articulation entre l’histoire et le Royaume mais en renonçant à la prétention d’une domination universelle de l’Église sur son environnement social et politique. Par le témoignage des chrétiens et de tous les hommes de bonne volonté, l’histoire concrète peut devenir une anticipation du Règne de Dieu qui vient.

Ce détour par l’histoire n’était pas inutile pour dénoncer l’illusion d’une fausse universalité du christianisme qui est tout à la fois contraire à la pratique de Jésus, qui se relativise par rapport au Royaume qu’il annonce et qui révèle un Dieu différent de l’idée commune de Dieu, celle qui peut servir de caution à une idéologie unitaire. Nous avons vu comment le rêve de la chrétienté quant à un contrôle autoritaire de toutes les sphères sociales, politiques et morales de la société s’est effondré à la fois sous le choc de la Réforme et de la division de l’Église et sous l’effet de l’émancipation politique et culturelle qui coïncide avec l’avènement de la raison moderne. Ce deuil d’une ambition universaliste ne doit pas conduire à la marginalisation de l’Église et à un renoncement à sa vocation missionnaire. Mais avant de voir comment ce nouveau destin du christianisme dans le monde nous invite à inventer un nouveau style de la présence de l’Église dans le monde, il nous faut encore réfléchir théologiquement à la particularité historique du christianisme dans son rapport au mystère du Christ. C’est toujours dans et à partir d’une particularité concrète que l’on peut vérifier la catholicité du christianisme comme religion mondiale.11

Universalité du mystère du Christ et particularité chrétienne

L’Église catholique n’a pas attendu Vatican II pour dépasser une interprétation rigoureuse du fameux adage : "Hors de l’Église pas de salut".12 La plupart des théologiens ont donc rejeté un ecclésiocentrisme étroit pour adopter un inclusivisme christologique qui était déjà sous-jacent à plusieurs textes du concile au moins sous la forme de ce qu’on appelle la théologie de l’accomplissement.13 Le Christ porte à leur accomplissement les valeurs positives dont les autres traditions religieuses peuvent déjà être porteuses. Mais pour faire droit aux exigences du pluralisme religieux et pour favoriser un dialogue sur un plan d’égalité entre le christianisme et les autres religions, on constate une tendance largement répandue à prendre ses distances à l’égard d’un christianocentrisme trop affirmé. Surtout en Asie, face aux difficultés de la mission et en fonction d’une meilleure connaissance de la richesse du patrimoine spirituel des grandes religions de l’Orient, certains théologiens sont tentés d’adopter une position dite pluraliste qui coïncide avec un théocentrisme radical selon lequel toutes les religions tournent autour de ce soleil qu’est la Réalité dernière de l’univers, qu’on la nomme Dieu ou non.14

Il semble que le seul moyen de désabsolutiser le christianisme comme religion universelle de salut et de prendre au sérieux la portée salutaire des autres religions soit de remettre en question l’universalité du salut en Jésus Christ. Et puisque c’est en tant même que Verbe fait chair que Jésus est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, on interprétera le langage de l’incarnation comme un langage métaphorique pour désigner l’ouverture exceptionnelle de Jésus à Dieu. Sans aller jusque là, certains théologiens rappellent que Dieu seul sauve et que puisque Dieu travaille au salut de tous les hommes à travers d’autres médiations que le Christ, il faut renoncer à considérer le Christ comme la cause exclusive et constitutive du salut de tous les hommes.15

On doit observer tout de suite qu’il est possible de maintenir avec toute la tradition l’universalité du salut en Jésus Christ et donc de professer un inclusivisme constitutif tout en défendant un pluralisme inclusif qui respecte ce que chaque tradition a de propre dans l’ordre du salut. Il ne faut donc pas confondre l’universalité du Christ et l’universalité du christianisme. Depuis le concile, la théologie est prête à reconnaître la portée salutaire des autres religions, mais pour autant que celles-ci ont un lien secret avec cette voie spéciale et unique qu’est la médiation du Christ. Je parlerai volontiers avec d’autres théologiens de médiations dérivées . L’enseignement de l’encyclique Redemptoris missio est explicite à cet égard : "Le concours de médiations de type et d’ordre divers n’est pas exclu, mais celles-ci tirent leur sens et leur valeur uniquement de celle du Christ et ne peuvent être parallèles et complémentaires" (n° 5). Et comme je le montrerai plus loin, cette prétention chrétienne n’a rien d’insultant pour les autres traditions chrétiennes car elle respecte la part d’irréductible de chaque religion que nous ne sommes nullement contraints de considérer comme de l’implicite ou de l’anonyme chrétien.

Finalement, ce n’est pas en édulcorant le scandale de l’incarnation et la portée centrale de l’événement Jésus Christ pour le salut de tout homme que nous favoriserons le dialogue interreligieux et que nous manifesterons le mieux le caractère non impérialiste de l’universalisme chrétien. Au moment même où nous confessons que Jésus Christ est l’unique source du salut, c’est le paradoxe même de l’incarnation, c’est-à-dire la manifestation de l’Absolu dans et par une particularité historique qui nous invite à ne pas absolutiser le christianisme comme voie exclusive de salut. Nous sommes devenus très sensibles à la particularité historique du christianisme au sein des religions du monde alors que la prétention universaliste du christianisme n’est pas vérifiée historiquement. Mais il faut comprendre cette particularité dans la logique même du mystère de l’incarnation. Le christianisme est congénitalement une religion dialogale.16 Ce n’est pas une question de tolérance à l’âge du dialogue interreligieux. C’est une question de nature.... Je voudrais le manifester rapidement en référence au paradoxe de l’incarnation, au scandale de la croix et en renouvelant notre compréhension de l’accomplissement en Jésus Christ de toute l’histoire religieuse de l’humanité.

Le paradoxe du Christ comme universel concret

Pour écarter une fausse compréhension de l’universalisme chrétien, il faudrait déployer toutes les implications du mystère de Christ compris comme Universel concret pour reprendre la belle expression de Nicolas de Cuse. Depuis les temps apostoliques, nous confessons Jésus comme Christ, c’est-à-dire comme Messie Fils de Dieu. Mais nous maintenons la distance entre Jésus et son Père, c’est-à-dire nous prenons au sérieux la particularité historique de l’humanité de Jésus comme icône du Dieu invisible. Jésus est bien la figure absolue de l’amour de Dieu. Mais Dieu ne peut se manifester qu’en termes non divins, dans l’humanité concrète et contingente d’un homme particulier. Conformément à l’affirmation très forte de saint Paul, "En lui habite toute la plénitude de la divinité, corporellement" (Col 2,9), nous croyons que la plénitude de Dieu habite en Jésus. Mais cette identification de Dieu en Jésus nous renvoie à l’identification de Dieu en lui-même qui demeure un mystère inaccessible. Selon notre manière imparfaite de connaître, l’humanité particulière de Jésus de Nazareth ne peut être la traduction adéquate des richesses contenues dans la plénitude du mystère de Dieu. Ou alors, Jésus ne serait déjà plus une icône mais une idole. En d’autres termes, en référence à la règle d’or de Chalcédoine, sans confusion ni séparation, nous ne pouvons pas confondre l’élément historique et contingent de Jésus et son élément christique et divin.

Comme Ernst Troeltsch au siècle dernier, Paul Tillich a cherché à prendre ses distances à l’égard d’une conception absolutiste du christianisme de type hégélien. Mais il ne le fait pas au nom de l’histoire des religions, il le fait au nom même du paradoxe de la foi. Le paradoxe absolu consiste dans le ‘non’ absolu et le ‘oui’ absolu que Dieu prononce sur la même personne. Cela se vérifie dans le cas de la personne même du Christ et dans le cas du christianisme comme religion de la révélation parfaite et finale de Dieu.

La personne de Jésus comme manifestation historique du Logos invisible et universel réalise l’identité entre l’absolument universel et l’absolument concret.17 Le paradoxe consiste en ce que le Christ comme être pleinement historique est dans une union indéfectible avec Dieu alors que l’histoire est sous le signe de la chute et de la séparation avec Dieu. L’intérêt de la démarche de Tillich qui est indissociable de sa doctrine christologique sur Jésus comme New Being est de montrer que loin d’être contraire à sa portée universelle, c’est la particularité historique de l’événement Jésus de Nazareth qui en est la condition de possibilité. Non seulement le Christ donne son sens à l’histoire mais il la porte : il est au centre de l’histoire comme événement de salut universel.

Cette loi du paradoxe absolu se vérifie aussi dans le christianisme comme religion de la révélation finale sur Dieu. Toute particularité historique dans sa prétention à l’inconditionnel est sous le jugement de cet inconditionnel qui est Dieu. Le paradoxe consiste à affirmer que puisque le christianisme prétend être la religion de la révélation parfaite sur Dieu, il exclut toute inconditionnalité de la part d’une voie de révélation particulière à commencer par la sienne propre. C’est justement parce que le christianisme revendique à juste titre d’être la religion de la révélation finale qu’aucun des christianismes historiques depuis vingt siècles ne peut prétendre définir l’essence du christianisme comme religion de la révélation dernière sur Dieu. Cette vision audacieuse nous aide à dépasser une prétention naïve du christianisme qui se réclamerait de l’absolu de Jésus Christ pour revendiquer le monopole de toute vérité religieuse sur le mystère de Dieu et la relation de l’homme à Dieu. On rejoint ainsi la vision traditionnelle des Pères de l’Église qui considéraient l’économie du Verbe incarné comme le sacrement d’une économie plus vaste, celle du Verbe éternel qui coïncide avec l’histoire religieuse de l’humanité.

Un christianisme sous le signe de la kénose de Dieu

Le paradoxe du Christ comme l’unité de l’absolument universel et de l’absolument concret ne prend sa signification ultime qu’à la lumière d’une théologie de la Croix.18 Le Christ n’a pas gardé jalousement son égalité avec Dieu mais il s’est dépouillé en prenant la condition de serviteur et il s’est abaissé jusqu’à la mort sur une croix (Phil 2, 6-8). La croix a une valeur symbolique universelle. Elle est le symbole d’une universalité toujours liée au sacrifice d’une particularité. Jésus meurt à sa particularité juive pour renaître par la résurrection en figure d’universalité concrète, en figure de Christ. Le Christ ressuscité libère la personne de Jésus de Nazareth d’un particularisme qui l’aurait fait la propriété d’un groupe particulier, la première communauté de ses disciples.

Ce mystère de la kénose donne sa note distinctive au christianisme parmi les religions du monde et nous aide à exorciser tout venin d’absolutisme dans sa prétention légitime à l’universel. C’est le tombeau vide, l’absence du fondateur qui a permis l’avènement du corps de l’Église. De même qu’il n’y a pas d’expérience chrétienne sans conscience d’une Origine absente, il n’y a pas de pratique chrétienne sans conscience d’un manque qui est la condition d’un rapport à l’autre, à l’étranger, au différent.19

Cette dialectique de la particularité et de son dépassement par l’ouverture à l’autre nous permet de repenser l’articulation entre le message chrétien et la pluralité des traditions religieuses et culturelles. À l’encontre de tout impérialisme dans l’ordre de la vérité et de l’expérience religieuse, il s’agirait pour chaque communauté chrétienne et pour le christianisme tout entier d’être le signe de ce qui lui manque. L’expérience chrétienne ne se substitue pas aux autres expériences humaines authentiques qu’elles soient religieuses ou non, mais elle leur confère un sens inédit. L’identité chrétienne coïncide avec l’expérience d’une Altérité, celle de Dieu et l’altérité de toute autre vérité ou pratique qui n’est pas déjà englobée dans le système chrétien. À la différence d’une identité qui est sous le signe d’une unité de perfection, l’identité chrétienne est de l’ordre du devenir, du consentement à l’autre et du service de celui qui devient mon prochain. La vérité elle-même peut devenir une idole hors de la charité, disait Pascal. La vérité dont témoigne le christianisme, loin d’être une vérité englobante et close sur elle-même se définit en termes de relation et même de manque. On dira volontiers, dans l’horizon du dialogue interreligeux, qu’elle n’est ni exclusive, ni inclusive de toute autre vérité, mais qu’elle est relative au sens de relationnelle à toute autre semence de vérité d’ordre religieux ou culturel.

Un accomplissement non totalitaire

L’événement Jésus Christ coïncide avec la révélation définitive sur le mystère de Dieu et le christianisme comme religion de la révélation finale accomplit toutes les semences de vérité, de bonté et même de sainteté qui peuvent se trouver disséminées dans les religions du monde. Il s’agit là d’une vérité incontestable, mais à la lumière d’une réflexion encore tâtonnante sur les rapports d’Israël et de l’Église, il s’agirait de réinterpréter dans un sens non totalitaire la notion d’accomplissement.

Depuis le concile de Vatican II, la plupart des théologiens sont prêts à reconnaître dans le judaïsme comme religion de l’élection un irréductible qui ne se laisse pas intégrer dans l’Église au plan de l’histoire qui continue. Même si on ne peut pas identifier purement et simplement le rapport entre les deux Testaments et le rapport entre le judaïsme et le christianisme, la manière dont le Nouveau Testament accomplit la Loi et les prophètes demeure très éclairante.20 Cela n’a jamais voulu dire que le premier Testament serait dépourvu de sens en dehors de son achèvement. Le nouveau Testament ne remplace pas le premier au sens où il l’abolirait. Il faut plutôt comprendre la Nouveauté de l’Évangile comme une ‘rupture instauratrice’ d’un sens inédit qui n’abolit pas la Loi et les prophètes. De même, l’Église accomplit les promesses de l’ancienne Alliance, mais elle ne se substitue pas à Israël et on doit éviter de parler de l’Église en termes de nouvel Israël.

Le schisme originaire de l’Église naissante et d’Israël est donc l’indice d’un dialogue potentiel qui est inscrit dans l’acte de naissance du christianisme comme nouvelle religion. Il faut comprendre la particularité chrétienne comme une altérité qui n’abolit pas mais qui ouvre à un rapport avec l’autre en lui conférant sa légitimité. Même s’il s’agit d’une analogie encore lointaine, on semble autorisé à dire que le rapport de l’Église au judaïsme a une valeur de paradigme quant au rapport actuel du christianisme aux autres religions. De même que l’Église n’intègre pas et ne remplace pas Israël, de même elle n’intègre pas et ne remplace pas la part d’irréductible dans l’ordre religieux dont une autre tradition religieuse peut être porteuse.

Nous avons coutume de dire que les religions non chrétiennes, en dépit de leurs limites, sont porteuses de valeurs implicitement chrétiennes qui trouvent dans le christianisme leur accomplissement parfait. Une telle dialectique de la ‘préparation’ et de l’accomplissement ne respecte pas assez la part d’irréductible propre à chaque tradition religieuse, celui-là même pouvant relever de l’action secrète de l’Esprit de Dieu qui souffle où il veut. Nous sommes donc invités à réinterpréter dans un sens non totalitaire la catégorie incontestable d’accomplissement et à montrer que toutes les semences de vérité, de bonté et de sainteté manifestées tout au long de l’histoire religieuse de l’humanité trouveront leur accomplissement dans la plénitude du mystère du Christ mais de telle sorte que leur altérité irréductible soit respectée. J’éviterai ainsi de parler de valeurs implicitement chrétiennes qui ne trouveraient leur explicitation parfaite que dans le christianisme. Je parlerai plus volontiers de valeurs christiques qui sans doute peuvent enrichir notre intelligence de la singularité chrétienne mais qui ne sont pas nécessairement intégrables au christianisme. Ce dernier ne peut avoir en effet l’ambition de totaliser toutes les vérités d’ordre religieux dont témoigne l’histoire religieuse de l’humanité. Et le voudrait-il, il risquerait de compromettre ce qui relève de son génie propre.

Ainsi, alors que nous portons un jugement positif sur le pluralisme religieux, nous ne pouvons plus aussi facilement que dans le passé conclure à l’universalité du christianisme à partir de l’universalité de Jésus Christ. On doit prendre au sérieux la particularité et la contingence historiques du christianisme. Mais en même temps, on doit maintenir un certain universel, de l’ordre de ce que j’appelle volontiers la christianité,21 auquel tout homme et toute femme participent en vertu même du dessein créateur et sauveur de Dieu qui a voulu récapituler toutes choses en Jésus Christ. Pour reprendre les catégories usuelles, il est possible de concilier un christocentrisme constitutif et un pluralisme inclusif. C’est dire que l’on peut éviter de faire appel à un théocentrisme indéterminé tout en prenant ses distances à l’égard de ce que certains rejettent comme une forme de christianomonisme.

La mission universelle de l’Église dans le contexte du dialogue interreligieux

L’Église doit être à l’écoute des "signes des temps". Nous avons vu pourquoi l’Église avait dû renoncer au rêve de la chrétienté. En fait, elle peut exercer sa mission universelle sans prétendre instaurer une société politique qui soit une anticipation du Royaume. D’autre part, nous avons une conscience plus vive de la particularité historique du christianisme. L’Église n’a pas le monopole du salut advenu en Jésus Christ. En vertu même du dessein de Dieu et de l’universalité du mystère du Christ, le Règne de Dieu peut advenir à sa manière dans les autres traditions religieuses de l’humanité. Cela nous interroge nécessairement au seuil du troisième millénaire sur le sens et la nature de la mission.

Sans pouvoir traiter comme il conviendrait cet immense sujet, je voudrais insister au moins sur trois points qui sont directement en lien avec la vocation universelle du christianisme. Je parlerai successivement de la distance entre l’Église et le Royaume, sur les rapports entre évangélisation et inculturation à la fin de l’eurocentrisme et sur la vocation mondiale du christianisme dans le contexte de la mondialisation.

Église et Royaume

J’ai cru pouvoir refuser d’absolutiser le christianisme dans la mesure même où il est la religion de la révélation dernière et parfaite de Dieu. L’inconditionnalité de Dieu met en question la prétention à l’universel de cette voie contingente qu’est le christianisme. Il faut en dire autant de l’Église dans son rapport au Royaume et dans la ligne de Vatican II développer la dimension sacramentaire de l’Église. Même si le concile ne parle pas explicitement de l’Église comme "sacrement du Royaume", on peut légitimement utiliser ce vocabulaire dans la mesure où Lumen gentium affirme que l’Église est "en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain" (LG n° 1). Il est vrai que plusieurs textes du concile tendent encore à identifier — comme c’était généralement le cas avant le concile — l’Église et le Règne de Dieu déjà présent dans l’Église. Mais dans la perspective d’un jugement positif sur le dialogue interreligieux, on trouve dans l’encyclique de Jean Paul II, Redemptoris missio, un texte important qui affirme nettement une distinction entre l’Église et le Règne de Dieu déjà présent dans l’histoire :

Il est donc vrai que la réalité commencée du Royaume peut se trouver également au-delà des limites de l’Église, dans l’humanité entière, dans la mesure où celle-ci vit ‘les valeurs évangéliques’ et s’ouvre à l’action de l’Esprit qui souffle où il veut et comme il veut (cf. Jn 3,8) ; mais il faut ajouter aussitôt que cette dimension temporelle du Royaume est incomplète si elle ne s’articule pas avec le Règne du Christ présent dans l’Église et destiné à la plénitude eschatologique» (n° 20).

On souligne ainsi un décentrement de l’Église par rapport à elle-même. L’Église est toute relative à l’Absolu du Royaume. Elle est non seulement le signe efficace du Royaume comme plénitude eschatologique mais aussi le signe du Royaume qui advient dans le coeur des hommes et des femmes qui vivent déjà des valeurs évangéliques, c’est-à-dire sans le savoir, de l’Esprit du Christ. Ces derniers, sans faire partie de l’Église, sont déjà membres du Royaume de Dieu.22 Certes, la présence du Règne de Dieu dans l’Église demeure privilégiée puisque elle a reçu du Christ la plénitude des moyens du salut. C’est pourquoi il faut dire que ceux qui accèdent au salut et appartiennent déjà au Règne en dehors de l’Église sont cependant ordonnés à l’Église corps du Christ (cf. Lumen gentium , n° 16).

Si on identifie purement et simplement l’Église et le Règne de Dieu présent dans l’histoire, alors la mission évangélisatrice de l’Église demeure centrée avant tout sur l’annonce aux ‘autres’ de Jésus Christ comme Sauveur universel. Mais si on maintient la distance entre l’Église et le Royaume, alors il faut inclure dans la mission de l’Église le dialogue interreligieux et toutes les tâches qui sont au service de la libération intégrale de l’homme et de l’avènement de la justice et de la paix dans le monde. Le dialogue n’est pas seulement un préalable à la mission, il est déjà un dialogue de salut comme l’atteste le document Dialogue et annonce.23 L’ ‘autre’ doit être respecté comme quelqu’un qui peut-être a déjà répondu à l’appel de Dieu et appartient au Royaume de Dieu. Il s’agit du respect du même mystère de salut en Jésus Christ, même si ce mystère l’atteint par des voies différentes. Tous ensemble sont appelés à construire le Règne de Dieu qui advient dans l’histoire.

Contrairement aux conclusions hâtives de certains, la mission n’a rien perdu de son urgence même si la théologie postconciliaire ne met plus un lien étroit entre l’appartenance à l’Église et la grâce du salut en Jésus Christ. Lorsque la mission n’est pas polarisée sur la conversion de l’ ‘autre’ à tout prix comme si son salut dépendait exclusivement de son changement de religion, elle garde tout son sens comme manifestation de l’amour de Dieu, comme incarnation de l’Évangile dans le temps, comme témoignage rendu au Royaume de Dieu qui advient chaque fois que les valeurs évangéliques sont honorées. C’est le cas en particulier quand les agents de la mission se trouvent affrontés à une grande religion non chrétienne comme l’islam ou l’hindouisme. En fait, la présence silencieuse par la prière, la pratique des béatitudes, le dialogue sincère avec les membres de cette autre religion assurent la mission de l’Église comme sacrement du Royaume qui vient. La mission permanente de l’Église, ce n’est pas l’extension quantitative des membres de l’Église comme si elle était au service d’elle-même. C’est bien plutôt, en dialogue avec tous les hommes de bonne volonté, de manifester et de promouvoir le Royaume de Dieu qui a commencé de s’inaugurer dès le premier instant de la création et qui continue d’advenir dans l’histoire bien au-delà des frontières de l’Église de la terre.

Évangélisation et inculturation

Le défi pour la mission de l’Église à l’aube du XXIème siècle, ce n’est pas seulement la permanence et la vitalité des grandes religions du monde, c’est aussi l’existence de grandes cultures comme la culture africaine, la culture asiatique, la culture amérindienne, qui sont encore trop étrangères à la culture dominante du christianisme depuis vingt siècles. L’Évangile a une vocation catholique, c’est-à-dire mondiale : il doit pouvoir devenir le bien de tout homme et de toute femme. Durant des siècles, le message chrétien a été pensé et reformulé sous le signe de la tension entre ces deux villes emblématiques que sont Jérusalem et Athènes. Mais de plus en plus, l’Église est invitée à prendre en compte un tertium quid, à savoir l’autre non occidental qui n’est ni juif, ni grec. De même que l’Évangile en vertu de sa vocation universelle a surmonté la dualité du juif et du grec, il doit dépasser la dualité de l’occidental et du non occidental. Jésus a fait tomber le mur entre Israël et les nations (Éph 2,14). Concrètement, cela veut dire qu’aujourd’hui il faut faire tomber le mur entre le gentil et le «barbare». Depuis Vatican II, le passage de l’eurocentrisme au polycentrisme à l’intérieur de l’Église coïncide avec l’avènement de l’âge post-colonial et de la mondialisation. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du christianisme, l’inculturation au nom de l’universalité de l’Évangile pourrait ne pas coïncider avec l’emprise d’une culture dominante.

J’ai cru pouvoir dire que Jésus est mort à sa particularité pour renaître en figure d’universalité concrète. Analogiquement, il est permis de penser que l’Église ne peut accomplir son universalité conformément au dynamisme de l’Esprit qu’en prenant une distance critique à l’égard des figures historiques privilégiées qu’elle a revêtues au cours des siècles. Mais il convient de dénoncer une certaine illusion. Contrairement au rêve des théologiens libéraux du XIXème siècle, il n’existe pas une essence chimiquement pure du christianisme. Dès les origines, il s’agit d’un christianisme inculturé, c’est-à-dire qui a pris le risque d’une incarnation dans les schèmes et les catégories de la pensée sémitique et de la culture grecque. La foi est transculturelle, mais elle n’existe pas en dehors d’un certain véhicule culturel. C’est pourquoi il est illusoire d’imaginer un christianisme qui cesserait d’être occidental pour devenir africain ou asiatique en fonction des grandes mutations de l’histoire, en particulier la fin de l’européocentrisme. Il faut plutôt favoriser une rencontre créatrice entre les ressources de l’Occident chrétien et les valeurs propres des cultures non occidentales qui sont elles-mêmes inséparables de grandes traditions religieuses.24

En vertu du lien indissociable entre culture et religion, il est de plus en plus difficile d’envisager l’inculturation du message chrétien dans des civilisations autres que l’Occident sans évoquer la rencontre avec une grande tradition religieuse. C’est surtout vrai dans le Sud-Est asiatique. La nouveauté de l’Évangile peut être en rupture avec les pesanteurs de l’homme pécheur et avec les éléments d’une tradition religieuse qui ne favorisent pas l’obéissance à Dieu. Mais comme nous l’avons vu, une tradition religieuse peut être aussi porteuse d’un irréductible dans l’ordre religieux qui ne sera pas nécessairement aboli mais métamorphosé par l’esprit du Christ. Il est donc très difficile d’établir une distinction tranchée entre des éléments culturels qui pourraient être gardés et des éléments religieux qu’il faudrait rejeter. Toute la question est de savoir si c’est l’Évangile lui-même qui est récusé ou le faux scandale d’un véhicule à la fois culturel et religieux complètement étranger aux hommes et aux femmes auxquels il est annoncé. Face au défi de cultures et de religions différentes, l’Église ne peut être fidèle à sa mission universelle qu’en opérant une conversion et un discernment entre les éléments fondamentaux du message chrétien et puis des éléments plus contingents qui relèvent de la culture à laquelle il s’est trouvé historiquement associé. Le fait que, durant vingt siècles, la figure privilégiée du christianisme ait été occidentale ne préjuge pas de l’avènement d’autres figures du christianisme au cours du troisième millénaire.

L’universalité du christianisme dans le contexte de la mondialisation

La mondialisation qui est indissociable de la révolution informatique représente une chance incontestable pour la diffusion de l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Mais dans la mesure où la mondialisation est sous le signe de la loi du marché, elle engendre en fait une pauvreté croissante pour des millions et des millions d’êtres humains. Par ailleurs, le double écueil de la mondialisation, c’est à la fois l’extension à l’échelle planétaire d’un modèle d’homme de plus en plus uniforme qui nivelle les ressources anthropologiques et religieuses des cultures locales et, par réaction, des crispations identitaires qui conduisent à des nationalismes exacerbés et des fanatismes religieux.

L’Église n’a pas la prétention de proposer un modèle alternatif qui rende la terre plus habitable et la communauté humaine plus conviviale. Mais dans la mesure où elle témoigne de l’Évangile, elle peut exercer un rôle de contre-culture à l’égard d’une certaine déshumanisation de l’homme et adresser un avertissement prophétique face aux injustices criantes d’une société qui est de plus en plus sous le signe de la seule loi du profit et sacrifie le social à l’économique. L’Église doit témoigner de la Bonne Nouvelle du salut en Jésus Christ comme libération du péché et de la mort éternelle. Elle témoigne donc d’une espérance au-delà des limites de cette histoire et fait la preuve que le christianisme ne s’épuise pas dans son utilité pour le monde. Mais en même temps, dans la fidélité au messianisme de Jésus, l’Église a une responsabilité historique quant à la figure de ce monde. Concrètement, cela veut dire que l’Église ne peut justifier sa prétention universaliste que si elle épouse les causes universelles de l’humanité contemporaine : le combat pour la justice, la défense et la promotion des droits de l’homme, la sauvegarde de la création, le respect de la vie, le souci prioritaire des plus défavorisés. Nous retrouvons ici la fameuse "option préférentielle pour les pauvres" qui est le plus sûr moyen d’écrire une histoire humaine qui travaille mystérieusement à l’avènement du Royaume de Dieu.

L’Église n’est pas seulement le sacrement du Royaume à venir. Déjà ici-bas, comme on l’a dit plus haut, elle est «le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’unité de tout le genre humain» (Lumen gentium, n° 1). À l’heure de la mondialisation, le christianisme ne réalisera sa vocation mondiale que si l’Église peut servir de paradigme quant à l’unité de la famille humaine. Il s’agit en effet de favoriser l’émergence d’un type d’unité qui respecte les particularités légitimes d’ordre anthropologique et culturel. Toute culture particulière qui est au service de l’humain authentique a une portée universelle. C’est le seul moyen d’échapper au double danger, soit d’une globalisation de plus en plus univoque, soit d’un éclatement qui risque de conduire à la dispersion de Babel. L’Église de la Pentecôte qui raconte les mêmes merveilles de Dieu dans la diversité des cultures a la vocation redoutable d’être le modèle de cette humanité de demain. Claude Geffré

Notes :

1 J’ai déjà cherché à manifester la vocation mondiale de l’Évangile dans le nouveau contexte de la mondialisation et du dialogue des religions et des cultures dans mon étude "Pour un christianisme mondial", Recherches de Sciences religieuses, Janvier-Mars 1998, pp. 53-75.

2 J.B. Metz a souvent eu recours à cette expression de polycentrisme culturel pour désigner un nouvel âge de l’histoire de l’Église qui coïncide avec l’événement du concile de Vatican II : voir surtout "Unité et pluralité. Problèmes et perspectives de l’inculturation", Concilium 224 (1989) pp. 87-96.

3 Pour une première approche à la fois historique et théologique de la tentation absolutiste d’une certaine pratique ecclésiale, on peut se reporter au Numéro spécial de Concilium, "Vraie et fausse universalité du christianisme", 155, 1980.

4 J’emprunte l’expression de messianisme paradoxal à Ch. Duquoc dans Messianisme de Jésus et discrétion de Dieu, Genève, Labor et Fides, 1994. Pour une étude à la fois biblique et théologique de la notion de messianisme, on se reportera avec profit à son article "Le Messianisme de Jésus" dans Catholicisme, n° 9, col. 19-28, Paris, 1980.

5 Cf. M. de Certeau, L. Cognet, J. Daniélou, La notion de mépris du monde dans la tradition spirituelle occidentale, Paris, Éd. du Cerf, 1965.

6 Je reprends ici les quatre figures historiques à partir desquelles Ch. Duquoc tente d’interpréter l’histoire des relations entre l’Église et le monde, cf. op. cit. p. 130.

7 Cf. J. Le Goff, article "Millénarisme"dans Encyclopaedia Universalis, Paris, 1968.

8 Au sujet des ambiguïtés de la Chrétienté, on aura tout intérêt à se reporter à la brève esquisse historique que retrace A. Weiler, "La Chrétienté et les autres", Concilium 220 (1988) p. 129-140.

9 Sur la césure historique introduite par Vatican II, on lira avec profit la synthèse récente de Ch. Theobald, "Le devenir de la théologie catholique depuis le concile Vatican II" dans Histoire du christianisme, Vol. 13, "Crises et renouveau (de 1968 à nos jours)", Paris, Desclée, 2000, p. 169-217.

10 Je me permets de renvoyer à mon article "Sécularisation" dans le Dictionnaire de Spiritualité , T. 15, Paris, Beauchesne, 1989.

11 Je recommande volontiers l’essai original de G. Ruggeri, "Pour une logique de la particularité chrétienne", dans Cultures et théologies en Europe (J. Vermeylen, dir.), Paris, Éd. du Cerf, 1995, p. 77-108.

12 On trouvera une étude historique très complète de la portée de cet adage dans J. Dupuis, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, coll. "Cogitatio Fidei" 2000, Paris, Éd. du Cerf, 1997, Ch.III.

13 Comme représentants de cette théologie avant et pendant le concile de Vatican II, on peut citer les grands noms d’Henri de Lubac, Yves Congar et Karl Rahner.

14 Pour une présentation et une évaluation critique des principaux théologiens asiatiques, on consultera utilement l’ouvrage de M. Fédou, Regards asiatiques sur le Christ, Paris, Desclée, 1998.

15 C’est la position en particulier du théologien américain Roger Haight (cf. Jesus Symbol of God, 1999) et du théologien indien, Michael Amaladoss (cf. "Jésus Christ, le seul Sauveur, et la mission", Spiritus, n° 159, 2000).

16 J’avais déjà proposé cette expression dans mon étude en marge de l’oeuvre de Michel de Certeau, "Le non lieu de la théologie chez Michel de Certeau" dans Michel de Certeau ou la différence chrétienne (Cl. Geffré éd.), Paris, Éd. du Cerf, coll. "Cogitatio Fidei" 165, 1991, p. 159-180.

17 Cf. cette affirmation de P. Tillich : "The Logos doctrine as the doctrine of the identity of the absolutely concrete with the absolutely universal is not one theological doctrine among others; it is the only possible foundation of a christian theology which claims to be the theology", Systematic Theology, The University of Chicago Press, 1963, vol. I, p. 17. J’ai essayé de manifester l’originalité et la portée de la christologie de Paul Tillich pour le dialogue interreligieux dans mon étude : "Paul Tillich et l’avenir de l’oecuménisme interreligieux", Rev. des Sciences phil. et théol. 77 (1993) pp. 3-22.

18 Je suis revenu à nouveau sur cette dimension importante pour toute théologie des religions dans un article récent : "Le pluralisme religieux et l’indifférentisme ou le vrai défi de la théologie chrétienne", Revue théologique de Louvain , 31, 2000, pp. 3-32.

19 En introduisant ici la catégorie typiquement psychanalytique de manque, je m’inspire des travaux de Michel de Certeau : voir en particulier son article «La rupture instauratrice» repris dans l’ouvrage La faiblesse de croire , Paris, Le Seuil, 1987, p. 183-226.

20 J. Moingt, "Une théologie de l’exil", dans Michel de Certeau ou la différence chrétienne, op. cit., pp. 131-156.

21 J’ai tenté de m’expliquer sur ce que j’entends par christianité dans mon dernier livre Profession théologien. Entretiens avec Gw. Jarczyk. Quelle pensée chrétienne pour le XXIème siècle ? Paris, Albin Michel, 1999.

22 Sur ce point, je renvoie volontiers à l’étude nuancée de J. Dupuis, "L’Église, le Règne de Dieu et les autres" dans Penser la foi. Mélanges offerts à Joseph Moingt (J. Doré et Ch. Theobald éd.), Paris, Éd. du Cerf, 1993, pp. 327-349.

23 Cf. Cl. Geffré, "La mission de l’Église comme dialogue de salut", Lumière et Vie, n° 205, pp. 33-46.

24 J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer plusieurs fois sur cette exigence de l’inculturation du christianisme dans le contexte actuel de l’Église. Voir en particulier : "La rencontre du christianisme et des cultures", Revue d’Éthique et de théologie morale. Le Supplément, n° 192, mars 1995, pp. 69-91.

Réf. : Texte de l’auteur. (Conférence donnée à Rome le 18 octobre 2000, lors du congrès missiologique internationale, tenu à l’Université Pontificale Urbaniana.)

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