Mariage nullité !


 

Ce que veut dire nul, dans le "Larousse" : Nul = sans valeur, sans mérite, sans importance, sans effet.

Le brin d'herbe, la pomme, le grain de blé, la rose, le galet, le rocher, la mer, la montagne ont une valeur, une importance, le mérite de réjouir notre vue ou de nous rassasier. Une relation humaine peut -elle être nulle?

Quel homme assez prétentieux ou quel groupe assez suffisant peut-il déclarer nulle une relation quelle quelle soit?

Toute relation humaine a de la valeur , valeur relative aux hommes et femmes qui la vivent.

Sourire, tendre la main, dialoguer, discuter, s'interpeller, ouvrir son coeur, s'embrasser, avoir une relation d'amour psychologique, physique ou spirituelle. mais aussi affirmer son désaccord , dire non, refuser, résister, s'opposer.

Qui pourrait affirmer le contraire?

Bien sur, il y a des relations mal ajustées, des relations tordues, pathologiques, mais sont elles pour autant nulles... NON.

Et pourtant certaines églises dont l'église catholique romaine déclarent nulles des relations comme les mariages, même les mariages avec enfants! ! Langage codé , langue d'initié !! Qui peut comprendre ?

Si la relation de leurs parents est considérée par certaines églises comme nulle, la plupart de ces enfants savent naturellement qu'ils ont la même valeur que les autres et en cela ils accueillent sans le savoir ou en conscience les paroles du Christ !! Par contre, comme un effet de boomerang, ils considèrent souvent que le corps social qui a déclaré nulle la relation de leurs parents ( dans laquelle ils ont leur origine ) n'a plus d'importance à leurs yeux.. N'est-ce pas un juste retour des choses !

Ne serait-il pas urgent que les églises bannissent ces mots de nullité de leur vocabulaire et s'interdisent de porter un jugement en toute chose, sur toutes choses, s'interdisent de vouloir posséder toutes choses.

Il serait urgent que les églises accueillent les hommes et les femmes comme ils sont , tels qu'ils sont. Il serait urgent que les églises dissolvent leurs tribunaux ecclésiastiques, renvoient leurs avocats et notaires de l'officialité ecclésiastique annoncer la Parole de Dieu et témoigner de leur foi . Ou, que ces mêmes tribunaux servent de contre pouvoir aux autorités ecclésiastiques qui ne semblent pas en avoir. Bien entendu il va de soi que ces tribunaux ne seraient plus désignés par les évêques mais par le peuple de Dieu.....

Il serait urgent de rendre l'autorité aux communautés chrétiennes, autorité qu'elles avaient naturellement au temps de Paul, de Jacques et de Pierre ! et qui depuis ont été confisqué par les clercs !

Il serait urgent de permettre aux couples qui se reforment dans un deuxième mariage et veulent suivre le Christ d'être accueilli et de bénir et rendre grâce pour ce nouveau départ !

Pour cela il n'est pas nécessaire de dire que ce qui a été vécu avant est nul ...Dire cela est peut être catholique mais ne me semble pas chrétien ! !

Qu'en pensez vous? Edmond SAVAJOL


Divorcés et divorcés remariés.

Dansl'église catholique le débat est difficile, c'est une des rares questions ouvertement débattues, y compris parmi les évêques (en particulier Mgr Lebourgeois (retraité), et ceci malgré l'intansigeance du magistère romain, illustrée encore récemment, par ce texte de juillet 2000.

L'épreuve d'une rupture familiale est souvent l'occasion d'une recherche personnelle, d'une quête spirituelle. La distance ou le rejet de la part de notre église, de nos communautés, de leurs responsables, sont alors d'autant plus insupportables

L'association " Chrétiens divorcés " écoute, accueille, offre des lieux d'échange pour les divorcés et les divorcés remariés. Elle procure la liste des nombreux groupes relais existant en France, Suisse et Belgique. Elle publie un bulletin de liaison, à la fois forum d'opinions et nourriture spirituelle : " Chemins d'espérance ", 27 Avenue de Choisy, 75013 Paris. Tél. 01 45 85 12 05. 


Où l'on voit le Vatican inviter les avocats civils laics , a refuser de servir dans les separations et les divorces. Où l'on voit le Vatican redonner du poids aux avocats clercs pour affirmer la nullite d'un mariage.Cette contradiction nous semble insoutenable.

L'institution catholique romaine aurait-elle le monopole de la sagesse et de l' intelligence ? Les laics seraient-ils nuls, incompétents et débiles? (Voir plus haut texte sur nullite.)

L'indissolubilité du mariage est un bien

Allocution au Tribunal de la Rote romaine À l'occasion de l'ouverture de l'Année judiciaire 2002, le PapeJean-Paul II a reçu en audience, le 28 janvier, les membres du Tribunal de la Rote romaine : le Doyen, Mgr Raffaello Funghini, les Prélats Auditeurs, les autres membres du Tribunal (défenseurs du lien, notaires, etc.) et les avocats agréés. Il leur a adressé le discours suivant (*) :

1. Je remercie vivement Monseigneur le Doyen qui, interprétant parfaitement vos sentiments et vos préoccupations, a souligné, par de brèves observations et des données chiffrées, votre travail quotidien et les graves et complexes questions qui sont l'objet de vos jugements. L'inauguration solennelle de l'Année judiciaire me donne l'agréable occasion d'une rencontre cordiale avec tous ceux qui travaillent au Tribunal de la Rote romaine - Prélats Auditeurs, Promoteurs de justice, Défenseurs du lien, officiers et avocats - pour leur manifester ma reconnaissance et ma satisfaction, mon estime et mes encouragements. L'administration de la justice à l'intérieur de la communauté chrétienne est un service précieux, car il constitue les prémices indispensables à une authentique charité.

Votre activité judiciaire, comme l'a souligné Monseigneur le Doyen, concerne surtout des causes de nullité de mariage. En cette matière, avec les autres tribunaux ecclésiastiques et en exerçant une fonction très spéciale parmi eux, que j'ai soulignée dans Pastor Bonus (cf. art. 126), vous constituez une manifestation institutionnelle spécifique de la sollicitude de l'Église en jugeant, selon la vérité et la justice, la délicate question concernant l'existence ou non d'un mariage. Cette fonction des tribunaux dans l'Église s'insère, comme une contribution dont on ne saurait se passer, dans le contexte de toute la pastorale matrimoniale et familiale. Et précisément, l'optique pastorale requiert un constant effort d'approfondissement de la vérité sur le mariage et sur la famille, et il en est de même en tant que condition nécessaire pour l'administration de la justice dans ce domaine.

2. Les propriétés essentielles du mariage - l'unité et l'indissolubilité (cf. CIC, can. 1056 ; CCEO, can. 776 ¤ 3) - fournissent l'occasion d'une réflexion profitable sur le mariage lui-même. Aussi aujourd'hui, renouant avec ce que j'ai eu l'occasion de traiter dans mon discours de l'an dernier (sic) sur l'indissolubilité (cf. AAS, 92 [2000], p. 350-355) [DC 2000, n. 2220, p. 158-161. NDLR], je désire traiter de l'indissolubilité comme bien pour les époux, pour les enfants, pour l'Église et pour toute l'humanité. La présentation positive de l'union indissoluble est importante pour en redécouvrir le bien et la beauté. Tout d'abord, il faut dépasser la vision de l'indissolubilité comme une limite posée à la liberté des contractants, et donc comme un poids, qui peut parfois devenir insupportable. Dans cette conception, l'indissolubilité est vue comme une loi extrinsèque au mariage, comme « l'imposition » d'une norme contre les « légitimes » attentes d'une réalisation ultérieure de la personne. À cela s'ajoute l'idée assez répandue selon laquelle le mariage indissoluble serait le propre des croyants, qui ne peuvent par conséquent prétendre « l'imposer » à la société civile dans son ensemble.

Le mariage, dessein divin

3. Pour donner une réponse valable et exhaustive à ce problème, il faut partir de la Parole de Dieu. Concrètement, je pense au passage de l'Évangile de Matthieu qui rapporte le dialogue de Jésus avec des Pharisiens, puis avec ses disciples, au sujet du divorce (cf. Mt 19, 3-12). Jésus dépasse radicalement les discussions d'alors quant aux motifs qui pouvaient autoriser le divorce, lorsqu'il affirme : « C'est en raison de votre endurcissement que Moïse vous a concédé de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n'en était pas ainsi » (Mt 19, 8). Selon l'enseignement de Jésus, c'est Dieu qui a lié par le lien conjugal l'homme et la femme. Certes, cette union passe par le libre consentement de tous deux, mais ce consentement humain a pour objet un dessein qui est divin. En d'autres mots, c'est la dimension naturelle de l'union, et plus concrètement la nature de l'homme façonnée par Dieu lui-même, qui fournit la clef de lecture indispensable des propriétés essentielles du mariage. Leur renforcement ultérieur dans le mariage chrétien par l'intermédiaire d'un sacrement (cf. can. 1056) s'appuie sur un fondement de droit naturel : si on ôte ce fondement, l'oeuvre salvifique elle-même et l'élévation que le Christ a réalisée une fois pour toutes en ce qui concerne la réalité conjugale deviendraient incompréhensibles.

4. D'innombrables hommes et femmes de tous les temps et de tous les lieux se sont conformés à ce dessein divin naturel, même avant la venue du Sauveur, et bien d'autres s'y conforment après sa venue, même sans le connaître. Leur liberté s'ouvre au don de Dieu, que ce soit au moment de s'épouser ou au cours de la vie conjugale. Cependant, la possibilité de se rebeller contre ce dessein d'amour existe toujours : se reproduit alors cette « dureté du coeur » à cause de laquelle Moïse a permis la répudiation, mais que le Christ a définitivement vaincue. Il faut répondre à ces situations par l'humble courage de la foi, d'une foi que soutient et corrobore la raison elle-même, pour la mettre en mesure de dialoguer avec tous à la recherche du vrai bien de la personne humaine et de la société. Considérer l'indissolubilité non pas comme une norme juridique naturelle mais comme un simple idéal, vide le sens de la déclaration sans ambiguïté du Christ Jésus, qui a refusé de manière absolue le divorce car « au commencement, il n'en fut pas ainsi » (Mt 19, 8). Le mariage « est » indissoluble : cette propriété exprime une dimension de son objectivité même, elle n'est pas un fait purement subjectif. Par conséquent, le bien de l'indissolubilité est le bien du mariage lui-même ; et l'incompréhension du caractère indissoluble constitue l'incompréhension du mariage en son essence. Il s'ensuit que le « poids » de l'indissolubilité et les limites qu'elle comporte pour la liberté humaine ne sont rien d'autre que le revers, pour ainsi dire, de la médaille, en ce qui concerne le bien et les potentialités inhérentes à l'institution matrimoniale en tant que telle. Dans cette perspective, cela n'a pas de sens de parler d'« imposition » de la part de la loi humaine, puisque celle-ci doit refléter et protéger la loi naturelle et divine, qui est toujours une vérité libératrice (cf. Jn 8, 32).

Liés pour toujours

5. Cette vérité sur l'indissolubilité du mariage, comme tout le message chrétien, est destinée aux hommes et aux femmes de tous les temps. Pour que cela se réalise, il est nécessaire que l'Église témoigne de cette vérité et que toutes les familles, en tant qu'« Églises domestiques » dans lesquelles le mari et l'épouse se reconnaissent mutuellement liés pour toujours par un lien qui exige un amour sans cesse renouvelé, généreux et prêt au sacrifice, en témoignent plus particulièrement, On ne peut se rendre à la mentalité favorable au divorce : ce qui nous en empêche, c'est la confiance dans les dons naturels et surnaturels de Dieu à l'homme. L'activité pastorale doit soutenir et promouvoir l'indissolubilité. Les aspects doctrinaux doivent être transmis, clarifiés et défendus, mais les actions cohérentes sont encore plus importantes. Quand un couple traverse des difficultés, la compréhension des Pasteurs et des autres fidèles doit être unie à la clarté et à la force de rappeler que l'amour conjugal est la voie pour résoudre positivement la crise. C'est précisément parce que Dieu les a unis par un lien indissoluble, que mari et femme, employant toutes leurs ressources humaines avec bonne volonté mais mettant leur confiance principalement en l'aide de la grâce divine, peuvent et doivent sortir renouvelés et fortifiés des moments de défaillance.

6. Quand on envisage le rôle du droit dans les crises matrimoniales, on pense trop souvent presque exclusivement aux procès qui sanctionnent la nullité du mariage ou bien la dissolution du lien. Cette mentalité s'étend parfois même au droit canonique, qui apparaît ainsi comme la voie pour trouver des solutions de conscience aux problèmes matrimoniaux des fidèles. Cela comporte sa part de vérité, mais des solutions éventuelles doivent être examinées de telle sorte que l'indissolubilité du lien, chaque fois qu'il apparaît que celui-ci a été contracté de manière valide, continue à être sauvegardée. L'attitude de l'Église va même jusqu'à être favorable à la convalidation, si cela est possible, de mariages nuls (cf. CIC can. 1676 ; CCEO, can. 1362). Il est vrai que la déclaration de nullité du mariage, selon la vérité acquise grâce à un procès légitime, ramène la paix dans les consciences, mais cette déclaration - et cela vaut aussi pour la dissolution du mariage ratifié et non consommé, ainsi que pour le privilège de la foi - doit être présentée et mise en oeuvre dans un contexte ecclésial qui soit profondément en faveur du mariage indissoluble et de la famille qui est fondée sur lui. Les époux eux-mêmes doivent être les premiers à comprend re que c'est seulement dans la recherche loyale de la vérité que se trouve leur vrai bien, sans exclure a priori la convalidation possible d'une union qui, tout en n'étant pas encore matrimoniale, contient des éléments de bien, pour eux et pour leurs enfants, éléments qui doivent être attentivement évalués en conscience avant de prendre une décision différente.

Combattre le divorce

7. L'activité judiciaire de l'Église qui, en sa spécificité, est elle aussi une activité vraiment pastorale, s'inspire du principe de l'indissolubilité du mariage et tend à en garantir le caractère effectif dans le Peuple de Dieu. En effet, sans les procès et les sentences des tribunaux ecclésiastiques, la question de l'existence ou non d'un mariage indissoluble des fidèles serait reléguée à la seule conscience de ceux-ci, avec le risque évident de subjectivisme, spécialement quand il y a dans la société civile une crise profonde quant à l'institution du mariage. Toute sentence juste de validité ou de nullité du mariage est un apport à la culture de l'indissolubilité tant dans l'Église que dans le monde. Il s'agit d'une contribution très importante et nécessaire. En effet, elle se situe sur un plan immédiatement pratique, donnant une certitude non seulement aux personnes impliquées prises individuellement, mais aussi à tous les mariages et aux familles. Par conséquent, l'injustice d'une déclaration de nullité, opposée à la vérité des principes normatifs ou des faits, revêt une gravité particulière, car son lien officiel avec l'Église, favorise la diffusion d'attitudes où l'indissolubilité est soutenue en paroles mais obscurcie dans la vie.

Parfois, ces dernières années, on a contrecarré la traditionnelle « favor matrimonii », au nom d'une « favor libertatis » ou d'une « favor personae ». Dans cette dialectique, il est évident que le thème fondamental est celui de l'indissolubilité, mais l'antithèse est encore plus radicale en tant qu'elle concerne la vérité même sur le mariage, plus ou moins ouvertement relativisée. Contre la vérité d'un lien conjugal, il n'est pas correct d'invoquer la liberté des contractants qui, en l'assumant librement, se sont engagés à respecter les exigences objectives de la réalité matrimoniale, laquelle ne peut être altérée par la liberté humaine. L'activité judiciaire doit donc s'inspirer d'une « favor indissolubilitatis », laquelle évidemment n'entend pas porter préjudice aux justes déclarations de nullité, mais met en avant la conviction opérationnelle du bien qui est en jeu dans les procès, en même temps que l'optimisme toujours renouvelé qui vient du caractère naturel du mariage et du soutien du Seigneur aux époux.

8. L'Église et chaque chrétien doivent être lumière du monde : « De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). Ces paroles de Jésus trouvent aujourd'hui une application singulière en ce qui concerne le mariage indissoluble. Il pourrait sembler que le divorce est tellement enraciné en certains milieux sociaux, que cela ne vaut pratiquement pas la peine de continuer à le combattre en répandant une mentalité, une coutume sociale et une législation civile en faveur de l'indissolubilité. Et pourtant, cela en vaut la peine ! En réalité, ce bien se situe précisément à la base de toute la société, comme condition nécessaire de l'existence de la famille. Aussi son absence a-t-elle des conséquences dévastatrices, qui se propagent dans le corps social comme une plaie - selon le terme qu'emploie le Concile Vatican II pour décrire le divorce (cf. Gaudium et spes, 47) - et exercent une influence négative sur les nouvellesgénérations devant lesquelles est obscurcie la beauté du mariage véritable.

Ne pas coopérer au mal

9. Le témoignage essentiel sur la valeur de l'indissolubilité est rendu par l'intermédiaire de la vie matrimoniale des conjoints, dans la fidélité à leur lien au milieu des joies et des épreuves de la vie. On ne peut donc pas estimer que la valeur de l'indissolubilité est l'objet d'un pur choix privé : elle concerne un des fondements de toute la société. Et donc, tandis que l'on doit encourager tant d'initiatives que les chrétiens, avec d'autres personnes de bonne volonté, promeuvent pour le bien des familles (comme, par exemple, la célébration des annive rsaires de mariage), on doit éviter le risque de la permissivité dans des questions fondamentales qui concernent l'essence du mariage et de la famille (cf. Lettre aux familles, 17).

Parmi ces initiatives, ne peuvent faire défaut celles qui visent à la reconnaissance publique du mariage indissoluble par les systèmes juridiques civils (cf. ibid., 17). L'opposition décidée à toutes les mesures légales et administratives qui introduisent le divorce ou qui équiparent au mariage les unions de fait, même les unions homosexuelles, doit s'accompagner d'une attitude de proposition, grâce à des dispositions juridiques tendant à améliorer la reconnaissance sociale du mariage véritable, dans le cadre des dispositions juridiques qui, malheureusement, admettent le divorce. D'autre part, les artisans du droit dans le domaine civil doivent éviter d'être personnellement impliqués en tout ce qui peut être finalement une coopération au divorce. Pour les juges, cela peut sembler difficile, car les systèmes juridiques ne reconnaissent pas une objection de conscience pour les exempter de prononcer une sentence. Pour des motifs graves et proportionnés, ils peuvent donc agir selon les principes traditionnels de la coopération matérielle au mal. Mais eux aussi doivent trouver des moyens efficaces pour favoriser les unions matrimoniales, surtout par une oeuvre de conciliation sagement conduite.

Les avocats, en tant que libres professionnels, doivent toujours refuser que leur profession soit utilisée pour une fin contraire à la justice, comme c'est le cas en ce qui concerne le divorce ; ils peuvent seulement collaborer à une action en ce sens quand celle-ci, dans l'intention du client, ne vise pas la rupture du mariage, mais bien d'autres effets légitimes que, dans un système juridique déterminé, on ne peut obtenir que par cette voie judiciaire (cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 2383). De cette manière, par leur oeuvre d'aide et de pacification des personnes qui traversent des crises matrimoniales, les avocats servent vraiment les droits de la personne et évitent de devenir de purs techniciens au service de n'importe quel intérêt.

10. À l'intercession de Marie, Reine de la famille et Miroir de Justice, je confie la croissance de la conscience de tous en ce qui concerne le bien de l'indissolubilité du mariage. Je lui confie encore l'engagement de l'Église et de ses fils, avec celui de nombreuses autres personnes de bonne volonté, en cette cause qui est si décisive pour l'avenir de l'humanité. Avec ces souhaits, en invoquant l'assistance divine sur votre activité, chers Prélats auditeurs, Officiers et avocats de la Rote romaine, j'accorde affectueusement à tous ma Bénédiction. n

(*) Textes originaux français dans l'Osservatore Romano du 11 janvier. La documentation catholique N° 2264 du 17/02/2002 - Actes du Pape Jean-Paul II -


La célébration du sacrement du Mariage dans la mission de l'Église

Conférence de Mgr Marc Ouellet lors de l'Assemblée plénière des évêques de France

Le 5 novembre 2001, Mgr Marc Ouellet, Secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l'Unité des chrétiens, a donné une conférence sur le sacrement du Mariage, devant les évêques de France réunis en

Assemblée plénière annuelle à Lourdes

« Les époux sont pour l'Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la Croix. Ils sont l'un pour l'autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants » (1).

L'Exhortation apostolique Familiaris consortio (FC) présente la vocation des époux chrétiens comme un témoignage visible et permanent pour l'Église, de ce qui est advenu sur la Croix. Elle souligne ainsi le lien primordial entre le mariage sacramentel, le mystère de l'Église et le mystère pascal. Dans cette même perspective, le Catéchisme de l'Église Catholique (CEC) rappelle que « dans le rite latin, la célébration du mariage entre deux fidèles catholiques a normalement lieu au cours de la Sainte Messe, en raison du lien de tous les sacrements avec le mystère pascal du Christ » (CEC n. 1621). Par là, l'Église latine, tout en soulignant que les époux sont les ministres du sacrement du mariage, attribue néanmoins au prêtre un rôle central comme ministre de l'Eucharistie qui encadre la célébration du mariage. Elle reste proche ainsi de la tradition des Églises orientales qui accorde plus d'importance à la ministérialité du prêtre dans la célébration du sacrement.

La tradition de l'Église latine fait face aujourd'hui à une situation pastorale inédite qui oblige à une réflexion renouvelée sur le sens et la forme concrète de la célébration du mariage. La question n'est pas seulement de savoir qui sont les ministres du sacrement, quelle est la nature spécifique de cette ministérialité et quelles possibilités d'adaptation elle autorise face aux situations pastorales. La possibilité d'une forme extraordinaire de la célébration est déjà admise par les Codes latin et oriental de Droit canonique, dans des circonstances exceptionnelles (2). La question radicale est de savoir comment accueillir les nombreux candidats qui n'ont aucun contact avec la pratique sacramentelle de l'Église et pour qui la foi n'a pas de résonance personnelle. Faut-il refuser le sacrement ? Obliger à une préparation longue et sérieuse ? Offrir quelque chose d'autre que le sacrement pour reconnaître et valoriser le sens humain et religieux du mariage ?

Ces questions ne peuvent pas être traitées à la légère et je ne prétends pas les résoudre ici. Mais s'il y a lieu de modifier la pratique actuelle de l'Église, un discernement sérieux s'impose qui soit fondé sur la théologie et non seulement sur des raisons pastorales à court terme. On ne peut plus se limiter aujourd'hui à chercher le minimum requis pour la validité sacramentelle du mariage. Une approche plus globale s'impose à laquelle je voudrais apporter quelques éléments pour mieux situer le mariage dans la sacramentalité de l'Église et fournir quelques critères pour choisir les moyens les plus aptes à répondre aux défis de la déchristianisation. Suivant le titre choisi, mon propos porte sur la célébration du sacrement du mariage dans la mission de l'Église.

Doit-on miser davantage sur la ministérialité des époux et sur l'assistance d'un témoin qualifié laïc ? Convient-il plutôt de valoriser la présence du ministre ordonné et son rapport à la ministérialité des époux ? Quel impact à long terme aurait l'une ou l'autre solution sur l'avenir de l'évangélisation ? Le contexte et les enjeux de la question des ministres du mariage seront d'abord précisés et approfondis (I) ; nous réfléchirons ensuite sur l'herméneutique ecclésiale de la sacramentalité (II) ; et nous conclurons en situant la signification de la célébration sacramentelle du mariage dans la mission de l'Église. Ce parcours voudrait privilégier le point de vue théologique et oecuménique, dans le cadre de la nouvelle évangélisation promu par Jean-Paul II depuis l'Exhortation apostolique Familiaris consortio, et qui vient d'être relancée par Novo millennio ineunte, qui invite tous les chrétiens, pasteurs et fidèles, à « repartir du Christ ».

Mon discours pourra sembler à première vue convenir à un public différent de celui auquel vous êtes confrontés quotidiennement. Je l'imagine trop élevé et inapplicable au chrétien presque analphabète qui fait surface à l'occasion d'un mariage. Mais quelques années d'enseignement à l'Institut Jean-Paul II m'ont permis de constater que les couples s'intéressent au dessein de Dieu sur le mariage et la famille et qu'ils sont avides d'un message spirituel qu'on n'ose pas toujours leur donner. Il y a quelques semaines, j'ai été particulièrement touché par le témoignage d'un couple du nord de l'Italie qui fait partie d'une communauté de familles fondée par Don Pietro Margini, prêtre séculier, qui a consacré sa vie à la formation spirituelle des couples et des familles. L'action discrète et bien centrée de ce pasteur a réussi à transformer un milieu, fortement marqué par l'anticléricalisme de la gauche communiste, en un milieu fertile en vocations de toutes sortes. J'ai eu vivement conscience en accompagnant ce couple, que le bilan de leur expérience et la théologie qui l'a nourrie, représentaient une éloquente confirmation de la mission ecclésiale du couple et de la famille, qui a été le message central du pontificat de Jean-Paul II (3). Ces contacts et ces recherches m'ont rappelé le témoignage décisif des mouvements d'action catholique et particulièrement des mouvements de spiritualité conjugale et familiale qui ont fleuri en France au siècle dernier, et qui ont rendu possible le grand tournant du Concile Vatican II vers la promotion de la vocation universelle à la sainteté et de l'apostolat des laïcs dans l'Église (4). Je tiens à rendre hommage à ces nombreux témoins d'hier et d'aujourd'hui qui ont porté la flamme de l'Évangile jusqu'au coeur de la société par le biais de la famille.

I - Mariage sacramentel et ministérialité : contexte et enjeux d'une question La célébration du sacrement de mariage dans le contexte des sociétés sécularisées soulève trois défis majeurs. Premièrement, le défi pastoral que représente la célébration sacramentelle là où le nombre des pasteurs ne suffit plus à répondre aux attentes des fidèles. On s'interroge alors spontanément sur l'alternative à promouvoir face à la pénurie du clergé.

Le prêtre n'étant pas comme tel le ministre du sacrement, sa présence n'est donc pas essentielle ; un laïc pourrait servir de témoin qualifié à l'échange des consentements des époux, qui sont considérés traditionnellement dans l'Église latine comme les ministres du sacrement (CEC n. 1623) ? Quels seraient les enjeux d'une telle option pastorale ? La ministérialité des époux en ressortirait-elle affermie ou affaiblie ? Quel serait par ailleurs l'impact d'une telle pratique sur la sacramentalité de l'Église en général et sur celle de l'Église domestique en particulier ? L'absence du prêtre et de sa bénédiction lors de la célébration n'aurait-elle pas un effet négatif sur la manière de comprendre le sacrement de mariage et son lien organique avec les autres sacrements ? Bref, la forme extraordinaire de célébration, prévue dans le Code pour des cas très exceptionnels de danger de mort et d'absence de prêtre dans les pays de mission, serait-elle une solution à promouvoir à long terme ? Quelles seraient les répercussions oecuméniques d'une telle décision ?

Deuxièmement, le défi de la préparation des candidats au mariage sacramentel. Il est d'ores et déjà patent que la grande majorité des candidats s'intéressent seulement à la signification sociale et anthropologique d'un rite de passage. Leur insuffisante préparation, due au peu ou à l'absence totale de contact avec la pratique sacramentelle de l'Église, rend la célébration difficile et même pénible pour les prêtres. Comment initier les couples mal croyants au sens sacramentel du mariage, tout en respectant le point où ils se trouvent dans leur itinéraire spirituel ? Une telle situation n'invite-t-elle pas à offrir aux futurs époux un catéchuménat prolongé au moment où ils songent à célébrer chrétiennement leur alliance matrimoniale ? Est-il encore justifiable théologiquement et pastoralement d'en rester à l'exigence minimale de la simple intention de se marier selon les rites de l'Église ? En contexte sécularisé, cette intention n'est plus nécessairement chrétienne, car l'Église ne jouit plus de l'adhésion spontanée que manifestaient les fidèles des générations passées.

Troisièmement, le défi qui est posé par la désaffection générale pour la pratique sacramentelle. Au fond, ce n'est pas d'abord le mariage qui fait problème, c'est tout le système sacramentel qui semble aujourd'hui privé de contexte signifiant. La mutation culturelle qui est en cours a profondément obscurci la signification « salvifique » des symboles sacramentels. Une telle situation force la théologie à repenser le sens de la pratique sacramentelle et les catégories qui l'expriment (5). Les sacrements étaient clairement définis, depuis le Moyen Âge, comme des signes sacrés produisant la grâce. L'action du ministre agissant in persona Christi mettait en évidence l'efficacité ex opere operato du rite sacré. Depuis le Concile Vatican II, l'accent de la théologie sacramentaire, sous l'influence dominante de Karl Rahner, s'est déplacé vers la ministérialité de l'Église. Les sacrements sont davantage considérés comme des symboles réels de la foi de l'Église, des symboles exprimant l'auto-conscience et l'auto-réalisation de l'Église. Cette nouvelle perspective souligne à juste titre la dimension de la foi qui est essentielle à la sacramentalité de l'Église, mais elle laisse dans l'ombre le rapport entre le Christ et les sacrements et comment s'articule la ministérialité de l'Église par rapport à l'action du Christ dans les sacrements. Les sacrements sont-ils d'abord le lieu où l'Église se reçoit du Christ, ou bien sont-ils surtout le lieu où elle exprime devant le monde sa foi au Christ ? Quelle est la part du Christ et de l'Église dans l'action sacramentelle, en particulier quand il s'agit du mariage ? On ne peut faire l'économie de cette articulation sous prétexte que les deux dimensions sont inséparables, car l'enjeu est la perception adéquate de la célébration sacramentelle comme « mystère d'Alliance ». Les catégories hylémorphiques héritées du Moyen Âge, n'expriment pas de façon satisfaisante ce mystère. Mais on ne possède pas encore de vision théologique unifiée, communément admise, qui donnerait de l'élan et de la cohérence à l'action pastorale. C'est le grand défi de la théologie sacramentaire en transition vers une nouvelle synthèse encore à définir (6). Des approches diversifiées se développent à partir de nouvelles méthodes, phénoménologique, symbolique, linguistique, personnaliste, mais aucune n'a encore réussi à susciter un large consensus. Entre temps la pastorale piétine sur place et on voit crouler non seulement la pratique des chrétiens mais l'homme tout court aux prises avec la culture de mort.

Car le défi le plus grave qui se pose désormais aux pasteurs et à l'Église tout entière n'est pas la gestion d'un secteur menacé de la pastorale. Ce n'est pas seulement le mariage et la famille qui sont en crise, c'est l'homme comme tel qui implose, faute d'assises spirituelles, ce qui met en péril les valeurs fondamentales de la vie humaine et de la cohabitation entre les peuples. On assiste impuissant à des phénomènes aberrants de violence croissante, à des atteintes contre la vie à sa naissance et à son terme, qui s'ajoutent au relativisme moral post-moderne, aux manipulations de plus en plus subtiles et étendues, à la guerre des sexes et aux législations contraires aux valeurs de la famille, etc. Bref, on assiste à un effondrement non seulement moral mais anthropologique, suite à l'éclipse de Dieu dans les sociétés sécularisées. L'homme contemporain ne sait plus qui il est, il ne sait plus qu'il est, selon la tradition judéo-chrétienne, le partenaire de Dieu et le sujet de sa Parole. D'où l'absence de points de repère pour la défense de sa dignité et la perte de l'accès à sa propre identité spirituelle. D'où la tentation de s'étourdir par le divertissement, le consumérisme et la drogue. L'homme de la « culture de mort » ressemble désormais à une épave à la dérive.

II - Pour une herméneutique ecclésiale de la sacramentalité du mariage

L'implosion anthropologique dont nous venons de parler affecte directement la vie des couples et des familles, mais elle n'annule pas la bonne nouvelle du mariage chrétien dans les sociétés sécularisées. La Familiaris consortio, grande charte de la mission de la famille, témoigne de la confiance de l'Église en cette institution qui est au coeur du dessein de Dieu dans le Christ. La conviction du Pape Jean-Paul II, souvent réitérée, est que l'avenir de l'évangélisation passe par la famille, église domestique (FC 65). En renouvelant la doctrine de l'homme créé à l'image de Dieu, comme homme et femme, le Pape exalte la vocation des époux chrétiens à l'amour sacramentel dans le Christ. Il indique ainsi la base d'une spiritualité conjugale et familiale qui jaillisse du sacrement et qui rejaillisse sur la fécondité de l'Église directement impliquée dans celle des époux. Par cette mutuelle appartenance du couple et de l'Église, la communauté de vie et d'amour des époux chrétiens entre à part entière dans la mission de l'Église et devient protagoniste de la Bonne Nouvelle du salut au milieu d'un monde déchristianisé. C'est cette grande cause que la théologie et la pastorale doivent servir en aidant la famille à être non seulement une communauté « sauvée » parce qu'elle reçoit l'amour du Christ, mais une communauté « qui sauve » parce qu'elle le transmet à la société (FC 49)

La théologie du mariage des dernières décennies s'efforce de dépasser la perspective juridique héritée de la tradition scolastique et de mettre en évidence la ministérialité des époux non seulement au moment de la célébration du sacrement mais dans la « communauté de vie et d'amour » qui appartient aussi au signe sacramentel. Cet élargissement est une conquête relativement récente grâce à l'influence de l'Encyclique Casti connubii qui a stimulé la réflexion théologique et spirituelle sur le mariage comme sacrement permanent. La célébration du mariage est un moment essentiel de la constitution du sacrement mais c'est toute la vie du couple qui réalise le sacrement par l'exercice continu d'une ministérialité qui reste en continuité avec la communication mutuelle de la grâce lors de la célébration.

La reconnaissance de cette ministérialité plus large des époux repose sur la prise de conscience plus vive de leur sacerdoce baptismal, grâce au recentrement christologique du mystère de l'Église au Concile Vatican II. La Constitution dogmatique Lumen gentium parle de l'Église, dans le Christ, « comme un sacrement, i.e. un signe et un moyen d'opérer l'union intime avec Dieu et l'unité de tout le genre humain » (LG 1). Le Concile a changé la perspective classique de la sacramentaire axée sur les sept sacrements, en restituant les sacrements à partir du Christ et de l'Église-Sacrement. Dans cette optique, les sept sacrements apparaissent plus clairement comme des concrétisations et des actualisations du rapport entre le Christ et l'Église. Cela permet de comprendre les sacrements non seulement comme des gestes salvifiques du Christ vis-à-vis des individus, mais aussi comme des dons du Christ-Époux à son Église et comme une réponse féconde de l'Église-Épouse à son Époux divin. « Toute la vie chrétienne, affirme le CEC, porte la marque de l'amour sponsal du Christ et de l'Église. Déjà le baptême, entrée dans le Peuple de Dieu, est un mystère nuptial : il est pour ainsi dire, le bain des noces (Ep 5, 26-27) qui précède le repas de noces, l'Eucharistie » (n. 1617). Les sacrements en général, et le mariage en particulier, sont en effet des actes où l'Époux et l'Épouse se rencontrent et s'unissent, l'Époux divin constituant l'Église-épouse par le don pascal-eucharistique de son Corps, l'engendrant, la nourrissant, la purifiant, la sanctifiant dans l'Esprit Saint et l'engageant dans la mission à sa suite (cf. Ep 5, 21-33).

Cette perspective ecclésiale et nuptiale de la sacramentaire s'enracine dans une redécouverte du mysterion paulinien qui, avec la symbolique johannique de l'Eucharistie et des noces, est le fondement de la sacramentalité néotestamentaire. Elle articule tous les sacrements en fonction du mystère nuptial du Christ et de l'Église, tout en prenant soin de marquer la différence entre l'action primordiale du Christ-Époux et celle réceptrice et subordonnée de l'Église-Épouse. Grâce à cette nouvelle perspective, le mariage se retrouve au coeur de la sacramentalité de l'Église, en lien étroit avec l'Eucharistie, mystère d 'Alliance par excellence. La sacramentalité de l'Église s'exprime en effet de façon privilégiée dans le sacrement du couple (8) qui devient « une seule chair » sacramentelle, dans la mesure où il s'enracine et se nourrit de « l'une seule chair » eucharistique du Christ et de l'Église, source et sommet de toute sacramentalité. C'est pourquoi la « communauté de vie et d'amour » du couple et de la famille est appelée à juste titre « Ecclesia domestica » car elle incarne le rapport nuptial du Christ et de l'Église. Elle n'est pas seulement une image de celui-ci mais sa réalisation concrète fondée sur la vérité du sacrement de mariage.

Cette dimension ecclésiale du mariage apparaît déjà dans la façon dont on distingue les effets du sacrement. La FC souligne en effet que « l'effet premier et immédiat du mariage (res et sacramentum) n'est pas la grâce surnaturelle elle-même, mais le lien conjugal chrétien, une communion à deux typiquement chrétienne parce que représentant le mystère d'incarnation du Christ et son mystère d'alliance » (n. 13). Ce lien conjugal chrétien, qui scelle indissolublement les époux l'un à l'autre, n'est pas d'abord de nature juridique, il est un don du Saint-Esprit que le Christ accorde en venant à la rencontre des époux pour bénir, sanctifier et assumer leur mutuelle donation dans son propre don à l'Église. Le premier effet du sacrement est donc avant tout ecclésial. Il constitue le couple comme signe public de leur appartenance radicale à l'Église, du fait que leur don mutuel, dans le Seigneur, est assumé et béni par lui, enrichi et transformé pour être mis à la disposition de l'Église. Héribert Mühlen et Louis Ligier parlent de ce lien ecclésial objectif comme d'un « charisme de consécration » (9), qui est source de la grâce surnaturelle donnée au couple mais qui n'est pas identique à celle-ci. On peut perdre la grâce de l'union conjugale par défaut de dispositions des partenaires mais le lien ecclésial demeure indissoluble. Il exprime l'appartenance du couple au mystère nuptial du Christ et sa participation objective à la sacramentalité de l'Église.

Dans la mesure où les époux accueillent docilement l'Esprit Saint répandu au cours de la célébration, comme leur lien intime d'amour, ils sont affermis humainement dans leur fidélité et consacrés surnaturellement pour le service de la vie et de la fécondité spirituelle. Ils deviennent ainsi partie prenante, comme couple et comme famille, de la mission de l'Église. Cette dimension ecclésiale et missionnaire ne ressortait pas dans le passé (et encore aujourd'hui), car le mariage était compris presque exclusivement du point de vue de la « nature », même si on affirmait que celle-ci était « élevée » par le Christ à la dignité de sacrement. D'où la tendance à mettre en lumière presque uniquement les tâches de la procréation et de l'éducation des enfants, l'aspect personnel et ecclésial demeurant marginal et extrinsèque.

À la lumière du christocentrisme conciliaire, la dimension proprement sacramentelle et donc ecclésiale jaillit de la rencontre du Christ qui, par la grâce du mariage qui spécifie celle du baptême et de la confirmation, assume et enrichit l'être et l'amour du couple pour ses propres fins. Dans cette perspective christocentrique, le couple n'est pas seulement béni et sanctifié dans la ligne de l'amour « naturel », même si cette dimension doit être soigneusement intégrée ; il est béni, consacré et mis au service de l'Amour du Christ pour l'Église. « L'Esprit, que répand le Seigneur, leur donne un coeur nouveau et rend l'homme et la femme capables de s'aimer, comme le Christ nous a aimés. L'amour conjugal atteint cette plénitude à laquelle il est intérieurement ordonné, la charité conjugale » (FC 13). Le couple chrétien, par son offrande et son accueil du sacrement, se met à la disposition du Seigneur pour exprimer dans le « langage du corps » son propre amour nuptial pour l'Église.

Le don du sacrement est donc fait simultanément au couple et à l'Église, car en tous ses dons sacramentels, le Christ aime l'Église et fait de ses enfants, avec elle et pour elle, des témoins du salut. Par le don du sacrement de mariage, le Christ rend donc les époux non seulement bénéficiaires d'une grâce, mais participants de plein pied au témoignage missionnaire de l'Église. Cela suppose évidemment la foi, l'acte de foi qui fonde le sacrement. Hans Urs von Balthasar écrit : « Le mariage chrétien doit être interprété dès le principe à partir d'en haut, c'est-à-dire à partir de l'acte chrétien qui le fonde. Cet acte est celui de la foi chrétienne, qui lorsqu'il est vivant inclut toujours l'amour et l'espérance, et qui est le fondement sur lequel repose le don mutuel des partenaires. C'est un acte qui va directement et immédiatement à Dieu, un voeu de fidélité à Dieu parce que Dieu s'est manifesté le premier par ses promesses et ses révélations comme l'éternellement fidèle, à qui on doit croire, en qui on doit espérer et que l'on doit aimer. Le voeu de fidélité au conjoint est prononcé à l'intérieur de ce voeu de fidélité à Dieu » (10).

Selon le théologien de Bâle, l'échange de consentement des époux chrétiens a donc une dimension intrinsèquement théologale qui surdétermine les propriétés naturelles du mariage. Balthasar poursuit : « C'est l'acte de foi des deux partenaires du mariage qui se rencontre en Dieu et qui à partir de Dieu, fondement de leur unité, témoin de leur lien et garant de leur fécondité, devient façonné, assumé et restitué. C'est Dieu qui, dans l'acte de foi, donne les conjoints l'un à l'autre à l'intérieur de l'acte chrétien fondamental d'offrande de soi. C'est à lui que l'un et l'autre s'offrent ensemble, c'est de lui qu'ils se reçoivent de nouveau dans un don de grâce, de confiance et d'exigence chrétienne » (11). Comment aider les couples à vivre de cette foi qui commande leur amour et à témoigner du sacrement qu'ils reçoivent comme charisme et mission ?

Le témoignage ecclésial des époux chrétiens s'enracine dans la foi baptismale qui est au principe de leur lien sacramentel et il culmine dans l'offrande eucharistique, critère par excellence de toute herméneutique ecclésiale de la sacramentalité. « L'une seule chair » sacramentelle du couple est façonnée et rendue féconde par Dieu à partir de « l'une seule chair eucharistique » du Christ et de l'Église. C'est là que l'amour conjugal se régénère à la source de la charité du Christ et peut être vécu en vérité comme coexistence, comme « être-pour-l'autre » et « être-ensemble-pour-les-autres ». Assumé et transfiguré par l' agapè du Christ, l'eros est purifié, sanctifié et mis au service de Dieu et de la société à travers l'Église. C'est pourquoi l'Église veille sur l'amour des époux qui incarne à la fois le don de Dieu au monde et la réponse de l'Église-Épouse à ce don. D'où les exigences accrues d'unité, de fidélité et de fécondité qui procèdent du don sacramentel et de la foi qu'il commande. Ces exigences correspondent au « grand mystère » du Christ et de l'Église qui se donne en vérité et que le couple ne peut trahir sans compromettre le témoignage de l'Église. La logique sacramentelle est une logique de l'incarnation qui tient ensemble l'Eucharistie et le mariage comme deux expressions inséparables et complémentaires du mystère d'Alliance entre Dieu et son peuple.

La théologie moderne, marquée par une vision extrinséciste de la nature et de la grâce, pense la sacramentalité en termes d'élévation de la nature ; elle accorde peu de place à la dimension ecclésiale, faute d'appui sur l'acte de foi qui fonde le sacrement et la mission. Les époux chrétiens y apparaissaient comme des bénéficiaires de l'action pastorale de l'Église mais pas comme des protagonistes de plein pied de la mission de l'Église. La Familiaris consortio dépasse résolument cette perspective mais l'intégration n'est pas encore achevée. La famille, communauté « sauvée » devient une communauté « qui sauve » (FC 49) mais sa « participation à la vie et à la mission de l'Église » (FC 49-64), est encore pensée de façon quelque peu extrinsèque en référence aux activités spécifiques d'évangélisation et de culte. Alors que c'est tout l'être du couple dans toutes ses dimensions qui devrait apparaître comme être ecclésial ; puisque le Christ assume l'amour humain dans son amour divin pour en faire un sacrement de son rapport nuptial à l'Église (GS 48). Par le mariage sacramentel, les époux sont constitués « une Église en miniature » dotée des propriétés de l'Église une, sainte, catholique et apostolique. On y trouve en effet la communauté de vie, le sacerdoce, la charité, l'évangélisation et le culte. Ces dimensions constitutives confèrent au couple d'être une réalité ecclésiale essentiellement missionnaire, à l'instar de la grande Église dont elle est une cellule de base. C'est pourquoi la forme canonique du sacrement exprime non seulement la juridiction de l'Église sur le mariage mais surtout l'appartenance plus profonde des époux à l'Église par la vertu du sacrement. Le fondement de la juridiction est la réalité de l'échange de dons sacramentels dans la foi.

À la lumière de ce qui précède, l'opinion qui accorde au sacrement de mariage un degré « d'ecclésialité seconde » en raison de la participation secondaire du ministre ordonné, alors que les sacrements administrés par l'évêque ou le prêtre jouiraient d'un degré « d'ecclésialité première » (12), ne me semble pas suffisamment fondée. Bien que cette distinction soit utile au plan liturgique, elle me semble obscurcir la connexion interne des sacrements. Celle-ci s'articule au mieux à partir du mystère nuptial du Christ et de l'Église qui fonde tous les sacrements et qui confère au mariage un degré d'ecclésialité de premier plan.

Compte tenu du tournant de Vatican II et du pontificat de Jean-Paul II, il faut plutôt insister sur l'ecclésialité primordiale du sacrement de mariage, même si l'histoire a donné lieu à des tâtonnements et des vicissitudes particulières dans le développement et la découverte de cette sacramentalité. Trop de facteurs d'ordre culturel, théologique et spirituel, réclament de reconnaître la place centrale du mariage et de la famille dans la mission de l'Église et de repenser à nouveaux frais la préparation et la célébration du sacrement.

L'Exhortation Novo millennio ineunte, invite à « repartir du Christ » pour relancer l'évangélisation à l'aube du nouveau millénaire. Le mariage a besoin plus que jamais de la lumière du Christ pour que l'échange de dons qui s'opère dans la célébration et dans la vie devienne source d'une plus grande joie pour le couple et pour l'Église. Cet échange de dons est fructueux dans la mesure où il demeure dans l'interaction vivante du Christ-Époux et de l'Église-Épouse. Or celle-ci consiste essentiellement en l'actualisation du mystère pascal du Christ qui constitue la substance intime de leur union, les appelant sans cesse à renouveler leur donation mutuelle « dans le Seigneur » par un recours tout naturel au sacrement de la réconciliation et de l'Eucharistie.

C'est pourquoi la grâce sacramentelle du mariage porte un fruit durable dans la mesure où existe un rapport structurel et permanent au ministère ordonné, source et garant de l'initiative divine et de la Seigneurie du Christ-Époux sur l'Église-Épouse. Ce mystère est exprimé par la liturgie du mariage dont les rites sacrés transforment la réalité anthropologique du couple en sacrement de l'union du Christ et de l'Église.

III - La célébration sacramentelle du mariage, symbole de la mission ecclésiale des époux

La célébration sacramentelle du mariage de deux baptisés est un événement hautement symbolique qui introduit un amour conjugal naissant dans le mystère de l'amour nuptial du Christ pour l'Église. Ce rite sacré n'est pas seulement un point de départ pour un itinéraire, c'est une consécration embrassant toute la vie du couple et de la famille et qui en fait une offrande au Seigneur. Cette offrande est accueillie, bénie et redonnée aux nouveaux époux comme une « mission » reçue de lui et destinée à glorifier Dieu dans la chair. À partir de l'échange sacramentel de dons dans la foi, cette mission consiste avant tout à rayonner l'amour du Christ pour l'Église dans le commerce charnel des époux, l'ouverture à la vie, l'éducation des enfants et les multiples services à la société. La réussite de l'amour conjugal et familial comme service ecclésial suppose un rapport vivant d'obéissance personnelle au Seigneur de tout don par la grâce de l'Esprit Saint. La célébration met en scène tous les acteurs divins et humains dans un jeu d'échanges vrais et définitifs qui ont qualité de symboles sacramentels ayant une portée eschatologique. Elle engage explicitement les époux à prolonger ces échanges sacramentels dans la vie, ce qui comporte au moins implicitement le devoir de raviver sans cesse le don reçu, par la prière, le pardon mutuel et un contact permanent avec le mystère eucharistique, source indispensable de la fécondité spirituelle des époux.

C'est pourquoi il convient hautement que la célébration sacramentelle comporte déjà toutes les composantes qui entrent en jeu pour la réussite sacramentelle du mariage : l'engagement essentiel des conjoints, la présence du témoin qualifié, l'épiclèse consécratoire, l'offrande eucharistique. Au premier plan et d'une façon irremplaçable, la ministérialité des époux. La Commission théologique internationale, dans son document sur la sacramentalité du mariage chrétien, analyse ainsi le sens des ministres du mariage : « Le sacrement de mariage étant la libre consécration au Christ d'un amour conjugal naissant, les conjoints sont évidemment les ministres d'un sacrement qui les concerne au plus haut point. Cependant, ils ne sont pas ministres en vertu d'un pouvoir qu'on dirait "absolu" et dans l'exercice duquel l'Église, à strictement parler, n'aurait rien à voir. Ils sont ministres comme membres vivants du corps du Christ où ils échangent leurs serments, sans que jamais leur décision, irremplaçable, fasse du sacrement la pure et seule émanation de leur amour... Aucun couple dès lors ne se donne le sacrement de mariage sans que l'Église y consente elle-même, et sous une forme différente de celle que l'Église établit comme la plus expressive du mystère auquel le sacrement introduit les époux » (13).

Bien qu'essentielle, la ministérialité des époux n'est pas absolue, ni isolée, elle s'exerce en présence de témoins, prêtre et laïcs, qui donnent un caractère public au rite en représentant l'Église. Même si l'opinion que les époux sont les ministres du sacrement ne fait pas l'unanimité parmi les théologiens, elle est considérée comme l'opinion commune et elle est avalisée par le CEC : « Dans l'Église latine, on considère habituellement que ce sont les époux qui, comme ministres de la grâce du Christ, se confèrent mutuellement le sacrement du Mariage en exprimant devant l'Église leur consentement » (n. 1623). Mais un approfondissement me semble encore souhaitable pour mieux intégrer cette ministérialité singulière des époux dans une perspective plus théologique que juridique. À cette fin, il importe de souligner l'importance de la présence du ministre ordonné qui symbolise le Christ-Époux, et dont la bénédiction épiclétique ne devrait pas être sous-évaluée. La tradition orientale est riche d'enseignement à ce sujet et mérite d'être accueillie, non pas pour mettre en question la tradition latine, mais pour mieux encadrer et fortifier la min istérialité des époux grâce à l'apport symbolique complémentaire du ministre ordonné. Le CEC y réfère explicitement au n. 1623 : «

Dans les liturgies orientales, le ministre du sacrement (appelé "Couronnement") est le prêtre ou l'évêque qui, après avoir reçu le consentement réciproque des époux, couronne successivement l'époux et l'épouse en signe de l'alliance matrimoniale » (14). « Dans la tradition orientale, le prêtre doit non seulement assister, mais bénir le mariage. Bénir signifie agir en vrai ministre du sacrement, en vertu de son pouvoir de sanctification sacerdotale, pour que les époux soient unis par Dieu à l'image de l'union nuptiale indéfectible du Christ avec l'Église, et qu'ils soient consacrés par la grâce sacramentelle » (15). Dans la perspective théologique et canonique des Églises orientales, la bénédiction est donc requise pour la validité du sacrement, liée à l'épiclèse sacerdotale par laquelle les époux reçoivent l'Esprit Saint comme communion d'amour du Christ et de l'Église. « L'action du Saint-Esprit et non l'action des conjoints est primordiale : l'acte constitutif du mariage est un rite sacré » (16).

Sans aucun doute, c'est l'échange des consentements entre les époux, considéré comme l'élément indispensable, « qui fait le mariage ». Mais pour que le mariage devienne, selon les paroles de saint Paul, « mystère de grande portée, qui s'applique au Christ et à l'Église » (Ep 5, 32), pour qu'il soit « dans le Seigneur », est requise l'intervention du sacerdoce ministériel de l'Église à laquelle le Christ a confié la célébration et l'administration des sacrements, source de la grâce rédemptrice. Telle est la perspective plus « mystérique » de la tradition orientale qui, pour des raisons théologiques et oecuméniques, devrait être prise en considération pour un rapprochement des deux perspectives.

Dans les deux traditions, c'est l'Église qui reste le signe et le garant du don de l'Esprit Saint que les époux reçoivent en s'engageant l'une vers l'autre comme chrétiens. « On pourrait dire que le rôle du prêtre dans le droit oriental est celui d'un bénissant et dans le droit latin, celui d'un assistant » (17). « Dans une tentative, donc, de solution cohérente entre les perspectives latine et orientale, on pourrait affirmer que les ministres du sacrement de mariage sont les époux et le prêtre bénissant » (18). Cette présence du ministre ordonné (évêque, prêtre ou diacre) ajoute en outre une référence à la gratuité du don du Christ dont l'amour crucifié dépasse toujours la dimension « d'élévation » de l'éros naturel. En tant qu'agapè qui assume, rachète et transfigure l'éros, il est représenté par le ministre apte à présider l'Eucharistie.

La célébration eucharistique, qui accompagne habituellement le rite sacré du mariage, ne fait pas que fournir des grâces particulières aux nouveaux époux. Elle signifie très concrètement leur appartenance au mystère pascal du Christ et leur lien organique avec la source et le sommet de leur communion conjugale. « Dans l'Eucharistie se réalise le mémorial de la Nouvelle Alliance, en laquelle le Christ s'est uni pour toujours à l'Église son épouse bien-aimée pour laquelle il s'est livré. Il est donc convenable que les époux scellent leur consentement à se donner l'un à l'autre par l'offrande de leurs propres vies, en l'unissant à l'offrande du Christ pour son Église, rendue présente dans le sacrifice eucharistique, et en recevant l'Eucharistie, afin que, communiant au même Corps et au même Sang du Christ, ils "ne forment qu'un corps" dans le Christ (1 Co 10, 17) » (CEC n. 1621). Ce lien très intime entre le mariage et l'Eucharistie n'est pas seulement un soutien moral pour les époux ou une source de grâces pour leurs devoirs spécifiques, il exprime avant tout l'identité sacramentelle du couple, leur appartenance objective au témoignage et au rayonnement sacramentel de l'Église. C'est pourquoi la célébration conjointe des deux sacrements comporte un message qui concerne toute la vie et qui leur trace dès la fondation du foyer le chemin d'une spiritualité spécifique, ecclésiale et missionnaire.

C'est la prise de conscience de ce don nuptial aux multiples dimensions qui fortifie la spiritualité propre des époux et qui les propulse dans l'Esprit Saint à devenir des protagonistes de la mission de l'Église. Si les conditions de cette prise de conscience ne sont pas réunies lors de la célébration sacramentelle, le couple risque d'en rester à une vue assez courte de sa recherche de bonheur et à ne pas percevoir vivement la vocation au service de Dieu que leur amour pleinement humain doit vivre, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, comme mission ecclésiale. On pourrait craindre que cette ecclésialisation de l'amour conjugal et familial porte atteinte à la vocation propre des époux qui s'enracine dans la sanctification de l'amour humain. Mais cette crainte disparaît quand on considère l'acte de foi initial qui a consigné définitivement dans les mains de Dieu, dès le début, les fruits spirituels ou corporels que Dieu voudra bien leur donner en retour. « Si le conjoint chrétien est capable d'accomplir cet acte de remise totale de soi, sa communion limitée s'ouvre alors à l'universalité de l'Église catholique, et son amour, qui semble limité à un cercle si restreint, obtient une participation effective à la réalisation du Règne de Dieu sur la terre » (19). La participation de la communion conjugale à la communion ecclésiale ne peut qu'affirmer la qualité de l'amour humain, car il lui permet de puiser à la source trinitaire qui se donne en partage dans le mystère nuptial du Christ et de l'Église. La communion des époux croît dans la mesure où elle s'ouvre à l'archétype de tout amour qui se révèle sous les espèces de l'Eucharistie et du lavement des pieds.

Quoi dire à ceux qui ne sont pas ouverts à cet idéal et qui pourtant demandent un rite sacré pour la bénédiction de leur alliance matrimoniale ? L'expérience qu'ils font de l'amour, si elle est authentique, les rapproche du Créateur et leur donne le désir et même le droit de recevoir, avec le rite, l'annonce de la bonne nouvelle du mariage dans le Christ. Cette annonce devrait-elle prendre la forme d'un catéchuménat pré-matrimonial prolongé ? Sans doute, puisqu'il faudrait y reprendre globalement l'initiation chrétienne en incluant la confirmation pour ceux qui ne l'auraient pas reçue. Car comment réveiller la vie théologale sans le don du Saint-Esprit ? À ceux qui n'en voudraient pas, il ne faudrait pas nécessairement leur refuser la célébration sauf si les candidats s'opposent explicitement et en connaissance de cause à ce que l'Église entend faire quand est célébré un mariage de baptisés (FC 68). Mais une intense créativité pastorale incluant la participation de couples pour l'accueil et la préparation des fiancés, devrait aider à limiter au maximum ces cas de refus.

L'accueil offert ainsi aux fiancés non catéchisés pourrait avoir l'effet de les ouvrir au Christ et de les entraîner à pousser plus loin leur relation avec lui, jusqu'au jour où ils pourront rendre spirituellement fécond leur lien conjugal par la participation à l'Eucharistie. Leur engagement sera alors non seulement légitime devant Dieu selon le droit naturel, mais fructueux pour l'Église et pour leur propre épanouissement dans l'Église.

La mission ecclésiale des époux c'est l'amour, un amour à l'image de Dieu, tel que le Christ l'incarne dans son rapport eucharistique à l'Église-Épouse. Toutes les dimensions de cette mission se ramènent à l'amour et s'unifient dans l'amour qui descend du Père des Lumières et qui assume tout l'humain, homme, femme et enfant dans le Mystère de son auto-révélation et de son auto-donation pour le salut du monde. Cet amour fécond des époux garde toujours la trace et sans doute la nostalgie de ce qui a été célébré une fois solennellement et qui demande ensuite à être nourri à la source du Pardon et de l'Eucharistie, afin que l'Amour donné par Dieu aux époux croisse sans cesse en fruits d'unité et de service. Ainsi leur bonheur n'est plus simplement une réalité privée mais un témoignage ecclésial rendu au Christ-Époux qui se donne et qui veut entraîner le monde entier dans son retour au Père.

CONCLUSION

Le problème de la ministérialité des époux chrétiens nous a conduits d'une situation pastorale difficile à un mystère sacramentel où la nuptialité est appelée à jouer un rôle tout autre que secondaire. Au coeur de l'échange de dons qui constitue le sacrement du mariage, le Christ-Époux vient à la rencontre des époux, il assume leur offrande mutuelle dans la sienne, les bénit d'une effusion proprement nuptiale de l'Esprit Saint et les engage à sa suite dans la glorification du Père par un témoignage de fidélité, d'unité et de fécondité. « L'échange de dons » qui s'accomplit dans le mystère liturgique révèle au couple et à l'Église que Dieu n'est pas seulement l'auteur mais l'acteur principal de cet échange. L'épiclèse et la présence du ministre ordonné rend plus patente cette primauté de l'Époux divin et sa bénédiction sur un couple qui s'engage à mettre son bonheur au service de l'Amour du Christ pour l'Église. La présence bénissante du prêtre n'enlève pas aux époux leur ministérialité propre et première dans la constitution du lien conjugal ; au contraire elle la confirme et l'affermit en l'unissant à l'offrande eucharistique du Christ, source et sommet de toute ministérialité. Cette complémentarité des ministères au sein de la célébration porte un message pour la suite du ministère des époux dans la vie quotidienne. Elle invite les pasteurs à miser sur le potentiel évangélisateur du mariage et de la famille en prenant les moyens pour annoncer le Christ aux futurs conjoints et à ceux déjà mariés, afin qu'ils deviennent eux-mêmes pour l'Église et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants.

(*) Texte du secrétariat de Mgr Marc Ouellet.


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