Sagesse

" Car les pensées tortueuses éloignent de Dieu, et, mise à l'épreuve, la Puissance confond les insensés. Non, la Sagesse n'entre pas dans une âme malfaisante, elle n'habite pas dans un corps tributaire du péché. " - Car l'esprit saint, l'éducateur, fuit la fourberie, il se retire devant des pensées sans intelligence, il s'offusque quand survient l'injustice.

(Chapitre 1 . verset 3 à 5)

Titre, auteur, date

Ce livre a reçu anciennement le titre de Sagesse de Salomon parce que les chapitres 7-9 font parler ce roi que la tradition juive considérait comme «le sage» par excellence; il s'agit là d'un artifice littéraire destiné à cou­rrir une pensée nouvelle sous une autorité IInanimement reconnue. En réalité, le livre est line production du Judaïsme alexandrin et il a été rédïgépar un auteur qui reste anonyme.

Sa date est incertaine. Divers indices invitent à ne pas remonter plus .haut que les années 50 avant J.c. et même à descendre én période romaine (après la prise d'Alexandrie par Auguste en 30 avant J.c.). Les rapprochements que l'on peut faire avec l'œuvre de Philon d'Alexandrie (né vers l'an 20 avant JC donnent à penser que les deux auteurs ne sont guère éloignés dans le temps.

Unité d'auteur et de composition

A la première lecture, le Livre de la Sagesse frappe par la diversité des styles et des thèmes. Cette diversité a conduit les critiques à postu­ler plusieurs auteurs. Aujourd'hui, toutefois, on tend plutôt à reconnaître l'unité d'auteur, parce que l'ensemble du livre, sans doute écrit en plusieurs étapes, révèle une même culture et Une même personnalité littéraire. On notera en particulier le recours constant à deux procédés: .

a) Le contraste ou la comparaison. Ainsi la destinée immortelle des justes est opposée à la stérile des impies, la stérilité vertueuse à la JCOndité impie, le sort des Israélites à celui es Egyptiens.

Le Livre de la Sagesse peut être divisé en trois grandes sections qui sont le reflet de situations et de préoccupations différentes: ( Extrait de l'Introduction de la Traduction oecuménique de la Bible )


chapitre 1

1- Aimez la justice, vous qui jugez la terre, ayez sur le Seigneur de droites pensées et cherchez-le en simplicité de coeur, 2- parce qu'il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas, il se révèle à ceux qui ne lui refusent pas leur foi. 3- Car les pensées tortueuses éloignent de Dieu, et, mise à l'épreuve, la Puissance confond les insensés. 4- Non, la Sagesse n'entre pas dans une âme malfaisante, elle n'habite pas dans un corps tributaire du péché.

5- Car l'esprit saint, l'éducateur, fuit la fourberie, il se retire devant des pensées sans intelligence, il s'offusque quand survient l'injustice. 6- La Sagesse est un esprit ami des hommes, mais elle ne laisse pas impuni le blasphémateur pour ses propos; car Dieu est le témoin de ses reins, le surveillant véridique de son coeur, et ce que dit sa langue, il l'entend.

7- L'esprit du Seigneur en effet remplit le monde, et lui, qui tient unies toutes choses, a connaissance de chaque mot. 8- Nul ne saurait donc se dérober, qui profère des méchancetés, la Justice vengeresse ne le laissera pas échapper. 9- Sur les desseins de l'impie il sera fait enquête, le bruit de ses paroles ira jusqu'au Seigneur, pour que soient châtiés ses forfaits. 10- Une oreille jalouse écoute tout, la rumeur même des murmures ne lui échappe pas.

11- Gardez-vous donc des vains murmures, épargnez à votre langue les mauvais propos; car un mot furtif ne demeure pas sans effet, une bouche mensongère donne la mort à l'âme. 12- Ne recherchez pas la mort par les égarements de votre vie et n'attirez pas sur vous la ruine par les oeuvres de vos mains. 13- Car Dieu n'a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants.

14- Il a tout créé pour l'être; les créatures du monde sont salutaires, en elles il n'est aucun poison de mort, et l'Hadès ne règne pas sur la terre; 15- car la justice est immortelle. 16- Mais les impies appellent la mort du geste et de la voix; la tenant pour amie, pour elle ils se consument, avec elle ils font un pacte, dignes qu'ils sont de lui appartenir.

chapitre 2

1- Car ils disent entre eux, dans leurs faux calculs "Courte et triste est notre vie; il n'y a pas de remède lors de la fin de l'homme et on ne connaît personne qui soit revenu de l'Hadès. 2- Nous sommes nés du hasard, après quoi nous serons comme si nous n'avions pas existé. C'est une fumée que le souffle de nos narines, et la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre coeur; 3- qu'elle s'éteigne, le corps s'en ira en cendre et l'esprit se dispersera comme l'air inconsistant.

4- Avec le temps, notre nom tombera dans l'oubli, nul ne se souviendra de nos oeuvres; notre vie passera comme les traces d'un nuage, elle se dissipera comme un brouillard que chassent les rayons du soleil et qu'abat sa chaleur. 5- Oui, nos jours sont le passage d'une ombre, notre fin est sans retour, le sceau est apposé et nul ne revient.

6- Venez donc et jouissons des biens présents, usons des créatures avec l'ardeur de la jeunesse. 7- Enivrons-nous de vins de prix et de parfums, ne laissons point passer la fleur du printemps, 8- couronnons-nous de boutons de roses, avant qu'ils ne se fanent, 9- qu'aucune prairie ne soit exclue de notre orgie, laissons partout des signes de notre liesse, car telle est notre part, tel est notre lot!

10- Opprimons le juste qui est pauvre, n'épargnons pas la veuve, soyons sans égards pour les cheveux blancs chargés d'années du vieillards. 11- Que notre force soit la loi de la justice, car ce qui est faible s'avère inutile. 12- Tendons des pièges au juste, puisqu'il nous gêne et qu'il s'oppose à notre conduite, nous reproche nos fautes contre la Loi et nous accuse de fautes contre notre éducation.

13- Il se flatte d'avoir la connaissance de Dieu et se nomme enfant du Seigneur. 14- Il est devenu un blâme pour nos pensées, sa vue même nous est à charge; 15- car son genre de vie ne ressemble pas aux autres, et ses sentiers sont tout différents. 16- Il nous tient pour chose frelatée et s'écarte de nos chemins comme d'impuretés. Il proclame heureux le sort final des justes et il se vante d'avoir Dieu pour père.

17- Voyons si ses dires sont vrais, expérimentons ce qu'il en sera de sa fin. 18- Car si le juste est fils de Dieu, Il l'assistera et le délivrera des mains de ses adversaires. 19- Éprouvons-le par l'outrage et la torture afin de connaître sa douceur et de mettre à l'épreuve sa résignation. 20- Condamnons-le à une mort honteuse, puisque, d'après ses dires, il sera visité."

21- Ainsi raisonnent-ils, mais ils s'égarent, car leur malice les aveugle. 22- Ils ignorent les secrets de Dieu, ils n'espèrent pas de rémunération pour la sainteté, ils ne croient pas à la récompense des âmes pures. 23- Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature; 24- c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde ils en font l'expérience, ceux qui lui appartiennent!

chapitre 3

1- Les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Et nul tourment ne les atteindra. 2- Aux yeux des insensés ils ont paru mourir, leur départ a été tenu pour un malheur 3- et leur voyage loin de nous pour un anéantissement, mais eux sont en paix. 4- S'ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments, leur espérance était pleine d'immortalité; 5- pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits. Dieu en effet les a mis à l'épreuve et il les a trouvés dignes de lui; 6- comme l'or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés.

7- Au temps de leur visite, ils resplendiront, et comme des étincelles à travers le chaume ils courront. 8- Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux à jamais. 9- Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la vérité et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l'amour, car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints et sa visite est pour ses élus.

10- Mais les impies auront un châtiment conforme à leurs pensées, eux qui ont négligé le juste et se sont écartés du Seigneur. 11- Car malheur à qui méprise sagesse et discipline vaine est leur espérance, sans utilité leurs fatigues, sans profit leurs oeuvres; 12- leurs femmes sont insensées, pervers leurs enfants, maudite leur postérité!

13- Heureuse la femme stérile qui est sans tache, celle qui n'a pas connu d'union coupable; car elle aura du fruit à la visite des âmes. 14- Heureux encore l'eunuque dont la main ne commet pas de forfait et qui ne nourrit pas de pensées perverses contre le Seigneur il lui sera donné pour sa fidélité une grâce de choix, un lot très délicieux dans le Temple du Seigneur.

15- Car le fruit de labeurs honnêtes est plein de gloire, impérissable est la racine de l'intelligence. 16- Mais les enfants d'adultères n'atteindront pas leur maturité, la postérité issue d'une union illégitime disparaîtra. 7- Même si leur vie se prolonge, ils seront comptés pour rien et, à la fin, leur vieillesse sera sans honneur, 18- s'ils meurent tôt, ils n'auront pas d'espérance ni de consolation au jour de la Décision, 19- car la fin d'une race injuste est cruelle!

chapitre 4

1- Mieux vaut ne pas avoir d'enfants et posséder la vertu, car l'immortalité s'attache à sa mémoire, elle est en effet connue de Dieu et des hommes. 2- Présente, on l'imite, absente, on la regrette; dans l'éternité, ceinte de la couronne, elle triomphe, pour avoir vaincu dans une lutte dont les prix sont sans tache. 3- Mais la nombreuse postérité des impies ne profitera pas; issue de rejetons bâtards, elle ne poussera pas de racines profondes, elle n'établira pas de base solide.

4- Même si pour un temps elle monte en branches, mal affermie, elle sera ébranlée par le vent, déracinée par la violence des vents; 5- ses rameaux seront brisés avant d'être formés, leur fruit sera sans profit, n'étant pas mûr pour être mangé, impropre à tout usage. 6- Car les enfants nés de sommeils coupables témoignent, lors de leur examen, de la perversité des parents.

7- Le juste, même s'il meurt avant l'âge, trouve le repos. 8- La vieillesse honorable n'est pas celle que donnent de longs jours, elle ne se mesure pas au nombre des années; 9- c'est cheveux blancs pour les hommes que l'intelligence, c'est un âge avancé qu'une vie sans tache. 10- Devenu agréable à Dieu, il a été aimé, et, comme il vivait parmi des pécheurs, il a été transféré. 11- Il a été enlevé, de peur que la malice n'altère son jugement ou que la fourberie ne séduise son âme;

12- car la fascination du mal obscurcit le bien et le tourbillon de la convoitise gâte un esprit sans malice. 13- Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière. 14- Son âme était agréable au Seigneur, aussi est-il sorti en hâte du milieu de la perversité. Les foules voient cela sans comprendre, et il ne leur vient pas à la pensée 15- que la grâce et la miséricorde sont pour ses élus et sa visite pour ses saints.

16- Le juste qui meurt condamne les impies qui vivent, et la jeunesse vite consommée, la longue vieillesse de l'injuste. 17- Ils voient la fin du sage, sans comprendre les desseins du Seigneur sur lui, ni pourquoi il l'a mis en sûreté; 18- ils voient et méprisent, mais le Seigneur se rira d'eux. 19- Après cela ils deviendront un cadavre méprisé, un objet d'outrage parmi les morts à jamais. Car il les brisera, précipités, muets, la tête la première. Il les ébranlera de leurs fondements, ils seront complètement dévastés, en proie à la douleur, et leur mémoire périra. 20- Et quand s'établira le compte de leurs péchés, ils viendront pleins d'effroi; et leurs forfaits les accuseront en face.

chapitre 5

1- Alors le juste se tiendra debout, plein d'assurance, en présence de ceux qui l'opprimèrent, et qui, pour ses labeurs, n'avaient que mépris. 2- A sa vue, ils seront troublés par une peur terrible, stupéfaits de le voir sauvé contre toute attente. 3- Ils se diront entre eux, saisis de regrets et gémissant, le souffle oppressé 4- "Le voilà, celui que nous avons jadis tourné en dérision et dont nous avons fait un objet d'outrage, nous, insensés! Nous avons tenu sa vie pour folie, et sa fin pour infâme.

5- Comment donc a-t-il été compté parmi les fils de Dieu? Comment a-t-il son lot parmi les saints? 6- Oui, nous avons erré hors du chemin de la vérité; la lumière de la justice n'a pas brillé pour nous, le soleil ne s'est pas levé pour nous. 7- Nous nous sommes rassasiés dans les sentiers de l'iniquité et de la perdition, nous avons traversé des déserts sans chemins, et la voie du Seigneur, nous ne l'avons pas connue!

8- A quoi nous a servi l'orgueil? Que nous ont valu richesse et jactance? 9- Tout cela a passé comme une ombre, comme une nouvelle fugitive. 10- Tel un navire qui parcourt l'onde agitée, sans qu'on puisse découvrir la trace de son passage ni le sillage de sa carène dans les flots; 11- tel encore un oiseau qui vole à travers les airs, sans que de son trajet on découvre un vestige; il frappe l'air léger, le fouette de ses plumes, il le fend en un violent sifflement, s'y fraie une route en remuant les ailes, et puis, de son passage on ne trouve aucun signe; 12- telle encore une flèche lancée vers le but; l'air déchiré revient aussitôt sur lui-même, si bien qu'on ignore le chemin qu'elle a pris.

13- Ainsi de nous : à peine nés, nous avons disparu, et nous n'avons à montrer aucune trace de vertu; dans notre malice nous nous sommes consumés!" 14- Oui, l'espoir de l'impie est comme la bale emportée par le vent, comme l'écume légère chassée par la tempête; il se dissipe comme fumée au vent, il passe comme le souvenir de l'hôte d'un jour.

15- Mais les justes vivent à jamais, leur récompense est auprès du Seigneur, et le Très-Haut a souci d'eux. 16- Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique et le diadème de beauté, de la main du Seigneur; car de sa droite il les protégera, et de son bras, comme d'un bouclier, il les couvrira.

17- Pour armure, il prendra son ardeur jalouse, il armera la création pour repousser ses ennemis; 18- pour cuirasse il revêtira la justice, il mettra pour casque un jugement sans feinte, 19- il prendra pour bouclier la sainteté invincible; 20- de sa colère inexorable il fera une épée tranchante, et l'univers ira au combat avec lui contre les insensés. 21- Traits bien dirigés, les éclairs jailliront, et des nuages, comme d'un arc bien bandé, voleront vers le but; 22- une baliste lancera des grêlons chargés de courroux, les flots de la mer contre eux feront rage, les fleuves les submergeront sans merci, 23- un souffle puissant se lèvera contre eux et les vannera comme un ouragan. Ainsi l'iniquité dévastera la terre entière et la malfaisance renversera des trônes de puissants.

chapitre 6

1- Écoutez donc, rois, et comprenez! Instruisez-vous, juges des confins de la terre! 2- Prêtez l'oreille, vous qui dominez sur la multitude, qui vous enorgueillissez de foules de nations! 3- Car c'est le Seigneur qui vous a donné la domination et le Très-Haut le pouvoir, c'est lui qui examinera vos oeuvres et scrutera vos desseins. 4- Si donc, étant serviteurs de son royaume, vous n'avez pas jugé droitement, ni observé la loi, ni suivi la volonté de Dieu, 5- il fondra sur vous d'une manière terrifiante et rapide. Un jugement inexorable s'exerce en effet sur les gens haut placés; 6- au petit, par pitié, on pardonne, mais les puissants seront examinés puissamment.

7- Car le Maître de tous ne recule devant personne, la grandeur ne lui en impose pas; petits et grands, c'est lui qui les a faits et de tous il prend un soin pareil, 8- mais une enquête sévère attend les forts. 9- C'est donc à vous, souverains, que s'adressent mes paroles, pour que vous appreniez la sagesse et évitiez les fautes; 10- car ceux qui observent saintement les choses saintes seront reconnus saints, et ceux qui s'en laissent instruire y trouveront leur défense.

11- Désirez donc mes paroles, aspirez à elles et vous serez instruits. 12- La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l'aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. 13- Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. 14- Qui se lève tôt pour la chercher n'aura pas à peiner il la trouvera assise à sa porte. 15- Méditer sur elle est en effet la perfection de l'intelligence, et qui veille à cause d'elle sera vite exempt de soucis.

16- Car ceux qui sont dignes d'elle, elle-même va partout les chercher et sur les sentiers elle leur apparaît avec bienveillance, à chaque pensée elle va au-devant d'eux. 17- Car son commencement, c'est le désir très vrai de l'instruction, le souci de l'instruction, c'est l'amour, 18- l'amour, c'est l'observation de ses lois, l'attention aux lois, c'est la garantie de l'incorruptibilité, 19- et l'incorruptibilité fait qu'on est près de Dieu; 20- ainsi le désir de la Sagesse conduit à la royauté.

21- Si donc trônes et sceptres vous plaisent, souverains des peuples, honorez la Sagesse, afin de régner à jamais. 22- Ce qu'est la Sagesse et comment elle est née, je vais l'exposer; je ne vous cacherai pas les mystères, mais je suivrai ses traces depuis le début de son origine, je mettrai sa connaissance en pleine lumière, sans m'écarter de la vérité.

23- Oh! je ne ferai pas route avec l'envie desséchante elle n'a rien de commun avec la Sagesse. 24- Une multitude de sages est le salut du monde, un roi sensé fait la stabilité du peuple. 25- Laissez-vous donc instruire par mes paroles : vous y trouverez profit.

chapitre 7

1- Je suis, moi aussi, un homme mortel, pareil à tous, un descendant du premier être formé de la terre. J'ai été modelé en chair dans le ventre d'une mère, 2- où, pendant dix mois, dans le sang j'ai pris consistance, à partir d'une semence d'homme et du plaisir, compagnon du sommeil. 3- A ma naissance, moi aussi j'ai aspiré l'air commun, je suis tombé sur la terre qui nous reçoit tous pareillement, et des pleurs, comme pour tous, furent mon premier cri.

4- J'ai été élevé dans les langes et parmi les soucis. 5- Aucun roi ne connut d'autre début d'existence 6- même façon pour tous d'entrer dans la vie et pareille façon d'en sortir. 7- C'est pourquoi j'ai prié, et l'intelligence m'a été donnée, j'ai invoqué, et l'esprit de Sagesse m'est venu. 8- Je l'ai préférée aux sceptres et aux trônes et j'ai tenu pour rien la richesse en comparaison d'elle.

9- Je ne lui ai pas égalé la pierre la plus précieuse; car tout l'or, au regard d'elle, n'est qu'un peu de sable, à côté d'elle, l'argent compte pour de la boue. 10- Plus que santé et beauté je l'ai aimée et j'ai préféré l'avoir plutôt que la lumière, car son éclat ne connaît point de repos. 11- Mais avec elle me sont venus tous les biens et, par ses mains, une incalculable richesse.

12- De tous ces biens je me suis réjoui, parce que c'est la Sagesse qui les amène; j'ignorais pourtant qu'elle en fût la mère. 13- Ce que j'ai appris sans faute, je le communiquerai sans envie, je ne cacherai pas sa richesse. 14- Car elle est pour les hommes un trésor inépuisable, ceux qui l'acquièrent s'attirent l'amitié de Dieu, recommandés par les dons qui viennent de l'instruction.

15- Que Dieu me donne d'en parler à son gré et de concevoir des pensées dignes des dons reçus, parce qu'il est lui-même et le guide de la Sagesse et le directeur des sages; 16- nous sommes en effet dans sa main, et nous et nos paroles, et toute intelligence et tout savoir pratique. 17- C'est lui qui m'a donné une connaissance infaillible des êtres, pour connaître la structure du monde et l'activité des éléments, 18- le commencement, la fin et le milieu des temps, les alternances des solstices et les changements des saisons, 19- les cycles de l'année et les positions des astres, 20- la nature des animaux et les instincts des bêtes sauvages, le pouvoir des esprits et les pensées des hommes, les variétés de plantes et les vertus des racines.

21- Tout ce qui est caché et visible, je l'ai connu; car c'est l'ouvrière de toutes choses qui m'a instruit, la Sagesse! 22- En elle est, en effet, un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, pénétrant, sans souillure, clair, impassible, ami du bien, prompt, 23- irrésistible, bienfaisant, ami des hommes, ferme, sûr, sans souci, qui peut tout, surveille tout, pénètre à travers tous les esprits, les intelligents, les purs, les plus subtils.

24- Car plus que tout mouvement la Sagesse est mobile; elle traverse et pénètre tout à cause de sa pureté. 25- Elle est en effet un effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant; aussi rien de souillé ne s'introduit en elle. 26- Car elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté.

27- Bien qu'étant seule, elle peut tout, demeurant en elle-même, elle renouvelle l'univers et, d'âge en âge passant en des âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes; 28- car Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. 29- Elle est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations, comparée à la lumière, elle l'emporte; 30- car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas.

chapitre 8

1- Elle s'étend avec force d'un bout du monde à l'autre et elle gouverne l'univers pour son bien. 2- C'est elle que j'ai chérie et recherchée dès ma jeunesse; j'ai cherché à la prendre pour épouse et je suis devenu amoureux de sa beauté. 3- Elle fait éclater sa noble origine en vivant avec Dieu, car le maître de tout l'a aimée. 4- Elle est, de fait, initiée à la science de Dieu et c'est elle qui choisit ses oeuvres.

5- Si, dans la vie, la richesse est un bien désirable, quoi de plus riche que la Sagesse, qui opère tout? 6- Et si c'est l'intelligence qui opère, qui est plus qu'elle l'ouvrière de ce qui est? 7- Aime-t-on la justice? Ses labeurs, ce sont les vertus, elle enseigne, en effet, tempérance et prudence, justice et force; ce qu'il y a de plus utile pour les hommes dans la vie.

8- Désire-t-on encore un savoir étendu? Elle connaît le passé et conjecture l'avenir, elle sait l'art de tourner les maximes et de résoudre les énigmes, les signes et les prodiges, elle les sait d'avance, ainsi que la succession des époques et des temps. 9- Je décidai donc de la prendre pour compagne de ma vie, sachant qu'elle me serait une conseillère pour le bien, et un encouragement dans les soucis et la tristesse

10- "J'aurai à cause d'elle gloire parmi les foules et, bien que jeune, honneur auprès des vieillards. 11- On me trouvera pénétrant dans le jugement et en présence des grands je serai admiré. 12- Si je me tais, ils m'attendront, si je parle, ils seront attentifs, si je prolonge mon discours, ils mettront la main sur leur bouche.

13- J'aurai à cause d'elle l'immortalité et je laisserai un souvenir éternel à ceux qui viendront après moi. 14- Je gouvernerai des peuples, et des nations me seront soumises. 15- En entendant parler de moi, des souverains terribles auront peur; je me montrerai bon avec la multitude et vaillant à la guerre. 16- Rentré dans ma maison, je me reposerai auprès d'elle; car sa société ne cause pas d'amertume, ni son commerce de peine, mais du plaisir et de la joie."

17- Ayant médité cela en moi-même, et considéré en mon coeur que l'immortalité se trouve dans la parenté avec la Sagesse, 18- dans son amitié une noble jouissance, dans les travaux de ses mains une richesse inépuisable, dans sa fréquentation assidue l'intelligence, et la renommée à s'entretenir avec elle, j'allais de tous côtés, cherchant comment l'obtenir pour moi.

19- J'étais un enfant d'un heureux naturel, et j'avais reçu en partage une âme bonne, 20- ou plutôt, étant bon, j'étais venu dans un corps sans souillure; 21- mais, comprenant que je ne pourrais devenir possesseur de la Sagesse que si Dieu me la donnait, et c'était déjà de l'intelligence que de savoir de qui vient cette faveur je m'adressai au Seigneur et le priai, et je dis de tout mon coeur

chapitre 9

1- "Dieu des Pères et Seigneur de miséricorde, toi qui, par ta parole, as fait l'univers, 2- toi qui, par ta Sagesse, as formé l'homme pour dominer sur les créatures que tu as faites, 3- pour régir le monde en sainteté et justice et exercer le jugement en droiture d'âme, 4- donne-moi celle qui partage ton trône, la Sagesse, et ne me rejette pas du nombre de tes enfants. 5- Car je suis ton serviteur et le fils de ta servante, un homme faible et de vie éphémère, peu apte à comprendre la justice et les lois.

6- Quelqu'un, en effet, serait-il parfait parmi les fils des hommes, s'il lui manque la sagesse qui vient de toi, on le comptera pour rien. 7- C'est toi qui m'as choisi pour roi de ton peuple et pour juge de tes fils et de tes filles. 8- Tu m'as ordonné de bâtir un Temple sur ta montagne sainte, et un autel dans la ville où tu as fixé ta tente, imitation de la Tente sainte que tu as préparée dès l'origine.

9- Avec toi est la Sagesse, qui connaît tes oeuvres et qui était présente quand tu faisais le monde; elle sait ce qui est agréable à tes yeux et ce qui est conforme à tes commandements. 10- Mande-la des cieux saints, de ton trône de gloire envoie-la, pour qu'elle me seconde et peine avec moi, et que je sache ce qui te plaît; 11- car elle sait et comprend tout. Elle me guidera prudemment dans mes actions et me protégera par sa gloire.

12- Alors mes oeuvres seront agréées, je jugerai ton peuple avec justice et je serai digne du trône de mon père. 13- Quel homme en effet peut connaître le dessein de Dieu, et qui peut concevoir ce que veut le Seigneur? 14- Car les pensées des mortels sont timides, et instables nos réflexions; 15- un corps corruptible, en effet, appesantit l'âme, et cette tente d'argile alourdit l'esprit aux multiples soucis.

16- Nous avons peine à conjecturer ce qui est sur la terre, et ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu'avec effort, mais ce qui est dans les cieux, qui l'a découvert? 17- Et ta volonté, qui l'a connue, sans que tu aies donné la Sagesse et envoyé d'en haut ton esprit saint? 18- Ainsi ont été rendus droits les sentiers de ceux qui sont sur la terre, ainsi les hommes ont été instruits de ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés."

chapitre 10

1- C'est elle qui protégea le premier modelé, père du monde, qui avait été créé seul, c'est elle qui le tira de sa propre chute 2- et lui donna la force de devenir maître de tout. 3- Mais quand dans sa colère, un injuste se fut écarté d'elle, il périt par ses fureurs fratricides. 4- Lorsqu'à cause de lui la terre fut submergée, c'est la Sagesse encore qui la sauva, en pilotant le juste à l'aide d'un bois sans valeur. 5- Et lorsque, unanimes en leur perversité, les nations eurent été confondues, c'est elle qui reconnut le juste, le conserva sans reproche devant Dieu, et le garda fort contre sa tendresse pour son enfant.

6- C'est elle qui, lors de la destruction des impies, délivra le juste qui fuyait le feu descendant sur la Pentapole. 7- En témoignage de sa perversité, une terre désolée continue de fumer; les arbustes y donnent des fruits qui ne mûrissent pas en leur temps et, mémorial d'une âme incrédule, se dresse une colonne de sel. 8- Car, pour s'être écartés du chemin de la Sagesse, non seulement ils ont subi le dommage de ne pas connaître le bien, mais ils ont encore laissé aux vivants un monument de leur folie, afin que leurs fautes mêmes, ils ne puissent les cacher.

9- Mais la Sagesse a délivré ses fidèles de leurs peines. 10- Ainsi le juste qui fuyait la colère de son frère, elle guida par de droits sentiers; elle lui montra le royaume de Dieu et lui donna la connaissance des choses saintes, elle le fit réussir dans ses durs travaux et fit fructifier ses peines; 11- elle l'assista contre la cupidité de ceux qui l'opprimaient, et elle le rendit riche; 12- elle le garda de ses ennemis et le protégea de ceux qui lui dressaient des embûches; elle lui donna la palme en un rude combat, pour qu'il sût que la piété est plus puissante que tout.

13- C'est elle qui n'abandonna pas le juste vendu, mais elle l'arracha au péché; 14- elle descendit avec lui dans la citerne, elle ne le délaissa pas dans les fers, jusqu'à ce qu'elle lui eût apporté le sceptre royal et l'autorité sur ceux qui le tyrannisaient, jusqu'à ce qu'elle eût convaincu de mensonge ceux qui l'avaient diffamé et qu'elle lui eût donné une gloire éternelle.

15- C'est elle qui délivra un peuple saint et une race irréprochable d'une nation d'oppresseurs. 16- Elle entra dans l'âme d'un serviteur du Seigneur et tint tête à des rois redoutables par des prodiges et des signes. 17- Aux saints elle remit le salaire de leurs peines, elle les guida par un chemin merveilleux, elle devint pour eux un abri pendant le jour, et une lumière d'astres pendant la nuit. 18- Elle leur fit traverser la mer Rouge et les conduisit à travers l'onde immense,

19- tandis qu'elle submergea leurs ennemis, puis les rejeta des profondeurs de l'abîme. 20- Aussi les justes dépouillèrent-ils les impies; ils célébrèrent, Seigneur, ton saint Nom et, d'un coeur unanime, chantèrent ta main secourable; 21- car la Sagesse ouvrit la bouche des muets et elle rendit claire la langue des tout-petits.

chapitre 11

1- Elle fit prospérer leurs entreprises par la main d'un saint prophète. 2- Ils traversèrent un désert inhabité et plantèrent leurs tentes en des lieux inaccessibles. 3- Ils tinrent tête à leurs ennemis et repoussèrent leurs adversaires. 4- Dans leur soif, ils t'invoquèrent de l'eau leur fut donnée d'un rocher escarpé et, d'une pierre dure, un remède à leur soif.

5- Ainsi ce par quoi avaient été châtiés leurs ennemis devint un bienfait pour eux dans leurs difficultés. 6- Tandis que les premiers n'avaient que la source intarissable d'un fleuve que troublait un sang mêlé de boue, 7- en punition d'un décret infanticide. Tu donnas aux tiens, contre tout espoir, une eau abondante,8- montrant par la soif qu'alors ils ressentirent comment tu avais châtié leurs adversaires. 9- Par leurs épreuves, qui n'étaient pourtant qu'une correction de miséricorde, ils comprirent comment un jugement de colère torturait les impies; 10- car eux, tu les avais éprouvés en père qui avertit, mais ceux-là, tu les avais punis en roi inexorable qui condamne, 11- et de loin comme de près, ils se consumaient pareillement.

12- Car une double tristesse les saisit, et un gémissement, au souvenir du passé; 13- lorsqu'ils apprirent, en effet, que cela même qui les châtiait était un bienfait pour les autres, ils reconnurent le Seigneur, 14- car celui que jadis ils avaient fait exposer, puis repoussé avec dérision, ils l'admirèrent au terme des événements, ayant souffert d'une soif bien différente de celle des justes. 15- Pour leurs sottes et coupables pensées, qui les égaraient en leur faisant rendre un culte à des reptiles sans raison et à de misérables bestioles, tu leur envoyas en punition une multitude d'animaux sans raison; 16- afin qu'ils sachent qu'on est châtié par où l'on pèche.

17- Ta main toute puissante, certes, n'était pas embarrassée, elle qui a créé le monde d'une matière informe pour envoyer contre eux une multitude d'ours ou de lions intrépides, 18- ou bien des bêtes féroces inconnues, nouvellement créées, pleines de fureur, exhalant un souffle enflammé, émettant une fumée infecte, ou faisant jaillir de leurs yeux de terribles étincelles, 19- des bêtes capables, non seulement de les anéantir par leur malfaisance, mais encore de les faire périr par leur aspect terrifiant.

20- Sans cela même, d'un seul souffle ils pouvaient tomber, poursuivis par la Justice, balayés par le souffle de ta puissance. Mais tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids. 21- Car ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut résister à la force de ton bras? 22- Le monde entier est devant toi comme ce qui fait pencher la balance, comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre.

23- Mais tu as pitié de tous, parce que tu peux tout, tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu'ils se repentent. 24- Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n'as de dégoût pour rien de ce que tu as fait; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l'aurais pas formé. 25- Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l'avais voulue? Ou comment ce que tu n'aurais pas appelé aurait-il été conservé? 26- Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie!

chapitre 12

1- Car ton esprit incorruptible est en toutes choses! 2- Aussi est-ce peu à peu que tu reprends ceux qui tombent; tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, pour que, débarrassés du mal, ils croient en toi, Seigneur. 3- Les anciens habitants de ta terre sainte, 4- tu les avais pris en haine pour leurs détestables pratiques, actes de sorcellerie, rites impies. 5- Ces impitoyables tueurs d'enfants, ces mangeurs d'entrailles en des banquets de chairs humaines et de sang, ces initiés membres de confrérie, 6- ces parents meurtriers d'êtres sans défense, tu avais voulu les faire périr par les mains de nos pères, 7- pour que cette terre, qui de toutes t'est la plus chère, reçût une digne colonie d'enfants de Dieu.

8- Eh bien! même ceux-là, parce que c'étaient des hommes, tu les as ménagés, et tu as envoyé des frelons comme avant-coureurs de ton armée, pour les exterminer petit à petit. 9- Non qu'il te fût impossible de livrer des impies aux mains de justes en une bataille rangée, ou de les anéantir d'un seul coup au moyen de bêtes cruelles ou d'une parole inexorable; 10- mais en exerçant tes jugements peu à peu, tu laissais place au repentir. Tu n'ignorais pourtant pas que leur nature était perverse, leur malice innée, et que leur mentalité ne changerait jamais; 11- car c'était une race maudite dès l'origine. Et ce n'est pas non plus par crainte de personne que tu accordais l'impunité à leurs fautes.

12- Car qui dira : Qu'as-tu fait? Ou qui s'opposera à ta sentence? Et qui te citera en justice pour avoir fait périr des nations que tu as créées? Ou qui se portera contre toi le vengeur d'hommes injustes? 13- Car il n'y a pas, en dehors de toi, de Dieu qui ait soin de tous, pour que tu doives lui montrer que tes jugements n'ont pas été injustes. 14- Il n'y a pas non plus de roi ou de souverain qui puisse te regarder en face au sujet de ceux que tu as châtiés.

15- Mais, étant juste, tu régis l'univers avec justice, et tu estimes que condamner celui qui ne doit pas être châtié, serait incompatible avec ta puissance. 16- Car ta force est le principe de ta justice, et de dominer sur tout te fait ménager tout. 17- tu montres ta force, si l'on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et tu confonds l'audace de ceux qui la connaissent; 18- mais toi, dominant ta force, tu juges avec modération, et tu nous gouvernes avec de grands ménagements, car tu n'as qu'à vouloir, et ta puissance est là.

19- En agissant ainsi, tu as appris à ton peuple que le juste doit être ami des hommes, et tu as donné le bel espoir à tes fils qu'après les péchés tu donnes le repentir. 20- Car, si ceux qui étaient les ennemis de tes enfants et promis à la mort, tu les as punis avec tant d'attention et d'indulgence, leur donnant temps et lieu pour se défaire de leur malice, 21- avec quelle précaution n'as-tu pas jugé tes fils, toi qui, par serments et alliances, as fait à leurs pères de si belles promesses?

22- Ainsi, tu nous instruis, quand tu châties nos ennemis avec mesure, pour que nous songions à ta bonté quand nous jugeons, et, quand nous sommes jugés, nous comptions sur la miséricorde. 23- Voilà pourquoi aussi ceux qui avaient mené dans l'injustice une vie insensée, tu les as torturés par leurs propres abominations; 24- car ils avaient erré trop loin sur les chemins de l'erreur, en prenant pour des dieux les plus vils et les plus méprisés des animaux, trompés comme de tout petits enfants sans intelligence.

25- Aussi, comme à des enfants sans raison, leur as-tu envoyé un jugement de dérision. 26- Mais ceux qui ne s'étaient pas laissé avertir par une réprimande dérisoire allaient subir un jugement digne de Dieu. 27- Sur ces êtres qui les faisaient souffrir et contre lesquels ils s'indignaient, ces êtres qu'ils tenaient pour dieux et par lesquels ils étaient châtiés, ils virent clair, et celui que jadis ils refusaient de connaître, ils le reconnurent pour vrai Dieu. Et c'est pourquoi l'ultime condamnation s'abattit sur eux.

chapitre 13

1- Oui, vains par nature tous les hommes en qui se trouvait l'ignorance de Dieu, qui, en partant des biens visibles, n'ont pas été capables de connaître Celui-qui-est, et qui, en considérant les oeuvres, n'ont pas reconnu l'Artisan. 2- Mais c'est le feu, ou le vent, ou l'air rapide, ou la voûte étoilée, ou l'eau impétueuse, ou les luminaires du ciel, qu'ils ont considérés comme des dieux, gouverneurs du monde! 3- Que si, charmés de leur beauté, ils les ont pris pour des dieux, qu'ils sachent combien leur Maître est supérieur, car c'est la source même de la beauté qui les a créés. 4- Et si c'est leur puissance et leur activité qui les ont frappés, qu'ils en déduisent combien plus puissant est Celui qui les a formés, 5- car la grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur.

6- Ceux-ci toutefois ne méritent qu'un blâme léger; peut-être en effet ne s'égarent-ils qu'en cherchant Dieu et en voulant le trouver 7- versés dans ses oeuvres, ils les explorent et se laissent prendre aux apparences, tant ce qu'on voit est beauté! 8- Et pourtant eux non plus ne sont point pardonnables 9- s'ils ont été capables d'acquérir assez de science pour pouvoir scruter le monde, comment n'en ont-ils pas plus tôt découvert le Maître! 10- Mais malheureux sont-ils, avec leurs espoirs mis en des choses mortes, ceux qui ont appelé dieux des ouvrages de mains d'hommes, or, argent, traités avec art, figures d'animaux, ou pierre inutile, ouvrage d'une main antique.

11- Et voici encore un bûcheron : il scie un arbre facile à manier, il en racle soigneusement toute l'écorce, il le travaille avec adresse, il en forme un objet propre aux usages de la vie. 12- Quant aux déchets de son travail, il les emploie à préparer sa nourriture et il se rassasie. 13- Et le déchet qui en reste et qui n'est bon à rien, un bois tordu et poussé tout en noeuds il le prend et le sculpte avec l'application des heures de loisir, il le façonne, avec le savoir-faire des instants de détente; il lui donne une figure humaine, 14- ou bien il le fait semblable à quelque vil animal, le recouvre de vermillon, en rougit la surface à la sanguine, recouvre d'un enduit toutes ses taches.

15- Puis il lui fait une habitation convenable, le place dans un mur et l'assure avec du fer. 16- Ainsi veille-t-il à ce qu'il ne tombe pas, sachant bien qu'il est incapable de s'aider lui-même, car ce n'est qu'une image, et il a besoin d'aide! 17- Pourtant, s'il veut prier pour ses biens, son mariage, ses enfants, il ne rougit pas d'adresser la parole à cet objet sans vie; pour la santé, il invoque ce qui est faible, 18- pour la vie, il implore ce qui est mort, pour un secours, il supplie ce qui a le moins d'expérience, pour un voyage, ce qui ne peut même pas se servir de ses pieds, 19- pour un gain, une entreprise, le succès du travail de ses mains, il demande de la vigueur à ce qui n'a pas la moindre vigueur dans les mains!

chapitre 14

1- Tel autre qui prend la mer pour traverser les flots farouches invoque à grands cris un bois plus fragile que le bateau qui le porte. 2- Car ce bateau, c'est la soif du gain qui l'a conçu, c'est la sagesse artisane qui l'a construit; 3- mais c'est ta Providence, ô Père, qui le pilote, car tu as mis un chemin jusque dans la mer, et dans les flots un sentier assuré, 4- montrant que tu peux sauver de tout, en sorte que, même sans expérience, on puisse embarquer.

5- Tu ne veux pas que les oeuvres de ta Sagesse soient stériles; c'est pourquoi les hommes confient leur vie même à un bois minuscule, traversent les vagues sur un radeau et demeurent sains et saufs. 6- Et de fait, aux origines, tandis que périssaient les géants orgueilleux, l'espoir du monde se réfugia sur un radeau et, piloté par ta main, laissa aux siècles futurs le germe d'une génération nouvelle. 7- Car il est béni, le bois par lequel advient la justice, 8- mais maudite l'idole fabriquée, elle et celui qui l'a faite, lui, pour y avoir travaillé, et elle parce que, corruptible, elle a été appelée dieu.

9- Car Dieu déteste également l'impie et son impiété, 10- et l'oeuvre sera châtiée avec l'ouvrier. 11- Aussi y aura-t-il une visite même pour les idoles des nations, parce que, dans la création de Dieu, elles sont devenues une abomination, un scandale pour les âmes des hommes, un piège pour les pieds des insensés. 12- L'idée de faire des idoles a été l'origine de la fornication, leur découverte a corrompu la vie. 13- Car elles n'existaient pas à l'origine, et elles n'existeront pas toujours; 14- c'est par la vanité des hommes qu'elles ont fait leur entrée dans le monde, aussi bien une prompte fin leur a-t-elle été réservée.

15- Un père que consumait un deuil prématuré a fait faire une image de son enfant si tôt ravi, et celui qui hier encore n'était qu'un homme mort, il l'honore maintenant comme un dieu et il transmet aux siens des mystères et des rites, 16- puis avec le temps la coutume se fortifie et on l'observe comme loi. C'est encore sur l'ordre des souverains que les images sculptées recevaient un culte 17- des hommes qui ne pouvaient les honorer en personne, parce qu'ils habitaient à distance, représentèrent leur lointaine figure et firent une image visible du roi qu'ils honoraient; ainsi, grâce à ce zèle, on flatterait l'absent comme s'il était présent.

18- Ceux-là mêmes qui ne le connaissaient pas furent amenés par l'ambition de l'artiste à étendre son culte; 19- car, désireux sans doute de plaire au maître, il força son art à faire plus beau que nature, 20- et la foule, attirée par le charme de l'oeuvre, considéra désormais comme un objet d'adoration celui que naguère on honorait comme un homme. 21- Et voilà qui devint un piège pour la vie que des hommes, asservis au malheur ou au pouvoir, eussent conféré à des pierres et à des morceaux de bois le Nom incommunicable.

22- En outre il ne leur a pas suffi d'errer au sujet de la connaissance de Dieu; mais alors que l'ignorance les fait vivre dans une grande guerre, ils donnent à de tels maux le nom de paix! 23- Avec leurs rites infanticides, leurs mystères occultes, ou leurs orgies furieuses aux coutumes extravagantes, 24- ils ne gardent plus aucune pureté ni dans la vie ni dans le mariage, l'un supprime l'autre insidieusement ou l'afflige par l'adultère. 25- Partout, pêle-mêle, sang et meurtre, vol et fourberie, corruption, déloyauté, trouble, parjure, 26- confusion des gens de bien, oubli des bienfaits, souillure des âmes, crimes contre nature, désordres dans le mariage, adultère et débauche.

27- Car le culte des idoles sans nom est le commencement, la cause et le terme de tout mal. 28- Ou bien en effet ils poussent leurs réjouissances jusqu'au délire, ou bien ils prophétisent le mensonge, ou ils vivent dans l'injustice, ou ils ont tôt fait de se parjurer 29- comme ils mettent leur confiance en des idoles sans vie, ils n'attendent aucun préjudice de leurs faux serments. 30- Mais de justes arrêts les frapperont pour ce double crime parce qu'ils ont mal pensé de Dieu en s'attachant à des idoles, parce qu'ils ont juré frauduleusement contre la justice, au mépris de la sainteté. 31- Car ce n'est pas la puissance de ceux par qui l'on jure, mais le châtiment réservé aux pécheurs qui poursuit toujours la transgression des injustes.

chapitre 15

1- Mais toi, notre Dieu, tu es bon et vrai, lent à la colère et gouvernant l'univers avec miséricorde. 2- Si nous péchons, nous sommes à toi, car nous connaissons ton pouvoir, mais nous ne pécherons pas, sachant que nous sommes comptés pour tiens. 3- Te connaître, en effet, est la justice intégrale, et savoir quel est ton pouvoir est la racine de l'immortalité. 4- Non, les inventions humaines d'un art pervers ne nous ont pas égarés, ni le travail stérile des peintres, ces figures barbouillées de couleurs disparates, 5- dont la vue éveille la passion chez les insensés et leur fait désirer la forme inanimée d'une image morte. 6- Amants du mal et dignes de tels espoirs, et ceux qui les font, et ceux qui les désirent, et ceux qui les adorent!

7- Voici donc un potier qui laborieusement pétrit une terre molle et modèle chaque objet pour notre usage. De la même argile il a modelé les vases destinés à de nobles emplois et ceux qui auront un sort contraire, tous pareillement; mais dans chacun des deux groupes, quel sera l'usage de chacun, c'est celui qui travaille l'argile qui en est juge. 8- Puis peine bien mal employée! de la même argile il modèle une divinité vaine, lui qui, depuis peu né de la terre, retournera sous peu à la terre dont il fut pris, quand on lui redemandera l'âme qui lui a été prêtée.

9- Cependant il ne se soucie pas de ce qu'il doit mourir et qu'il a une vie brève, mais il rivalise avec les orfèvres et les fondeurs d'argent, il imite ceux qui coulent le bronze, il met sa gloire à modeler du faux. 10- Cendres, que son coeur! plus vil que la terre, son espoir! plus misérable que l'argile, sa vie! 11- Car il a méconnu Celui qui l'a modelé, qui lui a insufflé une âme agissante et inspiré un souffle vital; 12- Mais il a estimé que notre vie est un jeu d'enfant, et notre existence une foire à profits "Il faut gagner, dit-il, par tous les moyens, même mauvais."

13- Oui, plus que tout autre, celui-là sait qu'il pèche, lui qui, d'une matière terreuse, fabrique des vases fragiles et des statues d'idoles. 14- Mais ils sont tous très insensés et plus infortunés que l'âme d'un petit enfant, ces ennemis de ton peuple qui l'ont opprimé; 15- en effet, ils ont tenu aussi pour dieux toutes les idoles des nations, qui n'ont ni l'usage des yeux pour voir, ni de narines pour aspirer l'air, ni d'oreilles pour entendre, ni de doigts aux mains pour palper, et dont les pieds ne servent à rien pour marcher. 16- Car c'est un homme qui les a faites, un être au souffle d'emprunt qui les a modelées; nul homme, en effet, n'est capable de modeler un dieu qui lui soit semblable; 17- mortel, c'est une chose morte qu'il produit de ses mains impies. Il vaut mieux, certes, que les objets qu'il adore lui du moins aura vécu, eux jamais!

18- Et ils adorent même les bêtes les plus odieuses; car en fait de stupidité, elles sont pires que les autres. 19- Et pour autant qu'on puisse éprouver du désir à la vue d'animaux, rien de beau ne s'y trouve, ils échappent à l'éloge de Dieu et à sa bénédiction.

chapitre 16

1- Voilà pourquoi ils ont été châtiés justement par des êtres semblables, et torturés par une multitude de bestioles. 2- Au lieu de ce châtiment, tu as accordé un bienfait à ton peuple pour satisfaire son ardent appétit, c'est un aliment merveilleux des cailles! que tu lui as préparé pour nourriture; 3- si bien que, malgré leur désir de manger, ceux-là, devant l'aspect repoussant des bêtes envoyées contre eux, perdirent jusqu'à leur appétit naturel, tandis que ceux-ci, après avoir un peu de temps connu la disette, eurent en partage un aliment merveilleux.

4- Car il fallait que sur ceux-là, les oppresseurs, s'abattît une irrémédiable disette; il suffisait à ceux-ci qu'on leur montrât comment leurs ennemis étaient torturés. 5- Et même lorsque s'abattit sur eux la fureur terrible de bêtes féroces, et qu'ils périssaient sous les morsures de serpents tortueux, ta colère ne dura pas jusqu'au bout; 6- mais c'est par manière d'avertissement et pour peu de temps qu'ils furent inquiétés, et ils avaient un signe de salut pour leur rappeler le commandement de ta Loi, 7- car celui qui se tournait vers lui était sauvé, non par ce qu'il avait sous les yeux, mais par toi, le Sauveur de tous.

8- Et par là tu prouvas à nos ennemis que c'est toi qui délivres de tout mal; 9- eux, en effet, les morsures de sauterelles et de mouches les tuèrent, sans qu'on trouvât de remède pour leur sauver la vie, car ils méritaient d'être châtiés par de telles bêtes, 10- tandis que tes fils, même les dents de serpents venimeux n'en eurent pas raison; car ta miséricorde leur vint en aide et les guérit.

11- Ainsi tes oracles leur étaient rappelés par des coups d'aiguillon, bien vite guéris, de peur que, tombés dans un profond oubli, ils ne fussent exclus de ta bienfaisance. 12- Et de fait, ce n'est ni herbe ni émollient qui leur rendit la santé, mais ta parole, Seigneur, elle qui guérit tout! 13- Oui, c'est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort, qui fais descendre aux portes de l'Hadès et en fais remonter. 14- L'homme, dans sa malice, peut bien tuer, mais il ne ramène pas le souffle une fois parti, et ne libère pas l'âme que l'Hadès a reçue. 15- Il est impossible d'échapper à ta main.

16- Les impies qui refusaient de te connaître furent fustigés par la force de ton bras; pluies insolites, grêle, averses inexorables les assaillirent, et le feu les consuma. 17- Car voici le plus étrange : dans l'eau, qui éteint tout, le feu n'avait que plus d'ardeur; l'univers en effet combat pour les justes. 18- Tantôt en effet la flamme s'apaisait, de peur de brûler complètement les animaux envoyés contre les impies, et pour leur faire comprendre, à cette vue, qu'ils étaient poursuivis par un jugement de Dieu; 19- tantôt, au sein même de l'eau, elle brûlait avec plus de force que le feu, pour détruire les produits d'une terre inique.

20- Au contraire, c'est une nourriture d'anges que tu as donnée à ton peuple, et c'est un pain tout préparé que, du ciel, tu leur as fourni inlassablement, un pain capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts; 21- Et la substance que tu donnais manifestait ta douceur envers tes enfants, et, s'accommodant au goût de celui qui la prenait, elle se changeait en ce que chacun voulait. 22- Neige et glace supportaient le feu sans fondre on saurait ainsi que c'était pour détruire les récoltes des ennemis, que le feu brûlait au milieu de la grêle et flamboyait sous la pluie, 23- tandis qu'au contraire, pour respecter la nourriture des justes, il oubliait jusqu'à sa propre vertu.

24- Car la création qui est à ton service, à toi, son Créateur, se tend à fond pour le châtiment des injustes et se détend pour faire du bien à ceux qui se confient en toi, 25- C'est pourquoi, alors aussi, en se changeant en tout, elle se mettait au service de ta libéralité, nourricière universelle, selon le désir de ceux qui étaient dans le besoin; 26- ainsi tes fils que tu as aimés, Seigneur, l'apprendraient ce ne sont pas les diverses espèces de fruits qui nourrissent l'homme, mais c'est ta parole qui conserve ceux qui croient en toi.

27- Car ce qui n'était pas détruit par le feu fondait à la simple chaleur d'un bref rayon de soleil, 28- afin que l'on sache qu'il faut devancer le soleil pour te rendre grâce, et te rencontrer dès le lever du jour; 29- l'espoir de l'ingrat fond, en effet, comme le givre hivernal, comme une eau inutile, il s'écoule.

chapitre 17

1- Oui, tes jugements sont grands et inexplicables, c'est pourquoi des âmes sans instruction se sont égarées. 2- Alors que des impies s'imaginaient tenir en leur pouvoir une nation sainte, devenus prisonniers des ténèbres, dans les entraves d'une longue nuit, ils gisaient enfermés sous leurs toits, bannis de la providence éternelle. 3- Alors qu'ils pensaient demeurer cachés avec leurs péchés secrets, sous le sombre voile de l'oubli, ils furent dispersés, en proie à de terribles frayeurs, épouvantés par des fantômes.

4- Car le réduit qui les abritait ne les préservait pas de la peur; des bruits effrayants retentissaient autour d'eux, et des spectres lugubres, au visage morne, leur apparaissaient. 5- Aucun feu n'avait assez de force pour les éclairer, et l'éclat étincelant des étoiles ne parvenait pas à illuminer cette horrible nuit. 6- Seule brillait pour eux une masse de feu qui s'allumait d'elle-même, semant la peur, et, terrifiés, une fois disparue cette vision, ils tenaient pour pire ce qu'ils venaient de voir. 7- Les artifices de l'art magique demeuraient impuissants, et sa prétention à l'intelligence était honteusement confondue; 8- car ceux qui promettaient de bannir de l'âme malade les terreurs et les troubles étaient eux-mêmes malades d'une peur ridicule. 9- Même si rien d'effrayant ne leur faisait peur, les passages de bestioles et les sifflements de reptiles les frappaient de panique, ils périssaient, tremblants de frayeur, et refusant même de regarder cet air, que d'aucune manière on ne peut fuir.

10- Car la perversité s'avère singulièrement lâche et se condamne elle-même; pressée par la conscience, toujours elle grossit les difficultés. 11- La peur en effet n'est rien d'autre que la défaillance des secours de la réflexion; 12- moins on compte intérieurement sur eux, plus on trouve grave d'ignorer la cause qui provoque le tourment. 13- Pour eux, durant cette nuit vraiment impuissante, sortie des profondeurs de l'Hadès impuissant, endormis d'un même sommeil, 14- ils étaient tantôt poursuivis par des spectres monstrueux, tantôt paralysés par la défaillance de leur âme; car une peur subite et inattendue les avait envahis.

15- Ainsi encore, celui qui tombait là, quel qu'il fût, se trouvait emprisonné, enfermé dans cette geôle sans verrous. 16- Qu'on fût laboureur ou berger, ou qu'on fût occupé à des travaux dans le désert, surpris, on subissait l'inéluctable nécessité; 17- car tous avaient été liés par une même chaîne de ténèbres. Le vent qui siffle, le chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux touffus, le bruit cadencé d'une eau coulant avec violence, 18- le rude fracas des pierres dégringolant, la course invisible d'animaux bondissants, le rugissement des bêtes les plus sauvages, l'écho se répercutant au creux des montagnes, tout les terrorisait et les paralysait.

19- Car le monde entier était éclairé par une lumière étincelante et vaquait librement à ses travaux; 20- sur eux seuls s'étendait une pesante nuit, image des ténèbres qui devaient les recevoir. Mais ils étaient à eux-mêmes plus pesants que les ténèbres.

chapitre 18

1- Cependant pour tes saints il y avait une très grande lumière. Les autres, qui entendaient leur voix sans voir leur figure, les proclamaient heureux de n'avoir pas eux-mêmes souffert, 2- ils leur rendaient grâce de ne pas sévir, après avoir été maltraités, et leur demandaient pardon pour leur attitude hostile. 3- Au lieu de ces ténèbres, tu donnas aux tiens une colonne flamboyante, pour leur servir de guide en un voyage inconnu, de soleil inoffensif en leur glorieuse migration. 4- Mais ceux-là méritaient bien d'être privés de lumière et d'être prisonniers des ténèbres, qui avaient gardé enfermés tes fils, par qui devait être donnée au monde l'incorruptible lumière de la Loi.

5- Comme ils avaient résolu de tuer les petits enfants des saints, et que, des enfants exposés, un seul avait été sauvé, tu leur enlevas, pour les châtier, la multitude de leurs enfants et tu les fis périr tous ensemble dans l'eau impétueuse. 6- Cette nuit-là fut à l'avance connue de nos pères, pour que, sachant d'une manière sûre à quels serments ils avaient cru, ils aient bon courage. 7- Ton peuple attendit et le salut des justes et la perte des ennemis; 8- car, par la vengeance même que tu tiras de nos adversaires, tu nous glorifias en nous appelant à toi.

9- Aussi les saints enfants des bons sacrifiaient-ils en secret et ils établirent d'un commun accord cette loi divine, que les saints partageraient également biens et périls; et ils entonnaient déjà les cantiques des Pères. 10- La clameur discordante de leurs ennemis faisait écho, et les accents plaintifs de ceux qui se lamentaient sur leurs enfants se répandaient au loin.

11- Un même châtiment frappait esclave et maître, l'homme du peuple endurait les mêmes souffrances que le roi. 12- Tous donc pareillement, frappés du même trépas, eurent des morts innombrables. Les vivants ne suffisaient plus aux funérailles, car, en un instant, leur plus précieuse descendance avait été détruite. 13- Ainsi, ceux que des sortilèges avaient rendus absolument incrédules confessèrent, devant la perte de leurs premiers-nés, que ce peuple était fils de Dieu.

14- Alors qu'un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, 15- du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s'élança du trône royal, guerrier inexorable, au milieu d'une terre vouée à l'extermination. Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret, 16- elle s'arrêta et remplit de mort l'univers; elle touchait au ciel et se tenait sur la terre. 17- Alors brusquement des apparitions en des songes terribles les épouvantèrent, des peurs inattendues les assaillirent. 18- Jetés à demi morts, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, ils faisaient savoir pour quelle raison ils mouraient, 19- car les songes qui les avaient troublés les en avaient avertis d'avance, afin qu'ils ne périssent pas sans savoir pourquoi ils subissaient le mal.

20- Cependant l'épreuve de la mort atteignit aussi les justes et une multitude fut frappée au désert. Mais la colère ne dura pas longtemps, 21- car un homme irréprochable se hâta de les défendre. Prenant les armes de son ministère, prière et encens expiatoire, il affronta le Courroux et mit un terme au fléau, montrant qu'il était ton serviteur. 22- Il vainquit l'Animosité, non par la vigueur du corps, non par la puissance des armes; c'est par la parole qu'il eut raison de celui qui châtiait, en rappelant les serments faits aux Pères et les alliances.

23- Alors que déjà les morts s'entassaient par monceaux, il s'interposa, arrêta la Colère, et lui barra le chemin des vivants. 24- Car sur sa robe talaire était le monde entier, les noms glorieux des Pères étaient gravés sur les quatre rangées de pierres, et sur le diadème de sa tête il y avait ta Majesté. 25- Devant cela l'Exterminateur recula, il en eut peur; la seule expérience de la Colère suffisait.

chapitre 19

1- Mais sur les impies s'abattit jusqu'au bout un impitoyable courroux, car Il savait à l'avance ce qu'ils allaient faire, 2- et qu'après avoir permis aux siens de s'en aller et pressé leur départ, ils changeraient d'avis et les poursuivraient. 3- De fait, ils étaient encore occupés à leurs deuils et ils se lamentaient auprès des tombes de leurs morts, quand ils imaginèrent un autre dessein de folie et se mirent à poursuivre comme des fugitifs ceux qu'avec des supplications ils avaient expulsés.

4- Un juste destin les poussait à cette extrémité et il leur inspira l'oubli du passé ils ajouteraient ainsi le châtiment qui manquait à leurs tortures 5- et, tandis que ton peuple ferait l'expérience d'un voyage merveilleux, eux-mêmes trouveraient une mort insolite. 6- Car la création entière, en sa propre nature, était encore de nouveau façonnée, se soumettant à tes ordres, pour que tes enfants fussent gardés indemnes.

7- On vit la nuée couvrir le camp de son ombre, la terre sèche émerger de ce qui était l'eau, la mer Rouge devenir un libre passage, les flots impétueux une plaine verdoyante, 8- par où ceux que protégeait ta main passèrent comme un seul peuple, en contemplant d'admirables prodiges. 9- Comme des chevaux, ils étaient à la pâture, comme des agneaux, ils bondissaient, en te célébrant, Seigneur, toi leur libérateur. 10- Ils se souvenaient encore des événements de leur exil, comment la terre, et non des animaux, avait produit des moustiques, et comment le Fleuve, et non des êtres aquatiques, avait vomi une multitude de grenouilles.

11- Plus tard, ils virent encore un nouveau mode de naissance pour les oiseaux, quand, poussés par la convoitise, ils réclamèrent des mets délicats 12- pour les satisfaire, des cailles montèrent pour eux de la mer. 13- Mais les châtiments s'abattirent sur les pécheurs, non sans avoir été signalés à l'avance par de violents coups de tonnerre, et c'est en toute justice qu'ils souffraient pour leurs propres crimes; car ils avaient montré une haine de l'étranger par trop cruelle.

14- D'aucuns, en effet, n'avaient pas accueilli les inconnus qui leur arrivaient, mais eux réduisaient en servitude des hôtes bienfaisants. 15- Bien plus, et certes il y aura pour ceux-là un châtiment, puisqu'ils ont reçu les étrangers d'une manière hostile, ... 16- mais ceux-ci, après avoir reçu avec des fêtes ceux qui déjà partageaient les mêmes droits qu'eux, les ont ensuite accablés de terribles travaux. 17- Aussi furent-ils frappés de cécité, comme ceux-là aux portes du juste, lorsque, enveloppés de ténèbres béantes, ils cherchaient chacun l'accès de sa porte.

18- Ainsi les éléments étaient différemment accordés entre eux, comme, sur la harpe, les notes modifient la nature du rythme tout en conservant le même son; ce qu'on peut se représenter exactement en regardant ce qui est arrivé 19- des animaux terrestres devenaient aquatiques, ceux qui nagent se déplaçaient sur la terre; 20- le feu renforçait dans l'eau sa propre vertu, et l'eau oubliait son pouvoir d'éteindre; 21- en revanche, les flammes ne consumaient pas les chairs d'animaux fragiles qui s'y aventuraient; et elles ne faisaient pas fondre l'aliment divin, semblable à de la glace et si facile à fondre!

22- Oui, de toutes manières, Seigneur, tu as magnifié ton peuple et tu l'as glorifié; tu n'as pas négligé, en tout temps et en tout lieu, de l'assister!

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