CHAPITRE 4

Variations Sur Le même thème : la Parousie

 

" Mes petits enfants, c'est la dernière heure."

(I Jean 2 . 18)

"Encore si peu, si peu de temps, et celui qui vient sera là, il ne tardera pas. Et mon juste par la foi vivra."

(Hébreux 10 . 37)

Avant quelques autres essais bibliques et théologiques sur "la fin du monde" et sur le contenu que Dieu donnera à cette fin, qu'on me permette quelques courtes variations (comme en musique) autour de la question suivante : en entendant les propos que tient tel chrétien ou tel prédicateur, comment s'aperçoit-on que cette personne n'attend pas, réellement, l'avènement du Seigneur Jésus ?

Pour provoquer une réaction de ce genre il suffit, par exemple, de dire à brûle-pourpoint que Jésus va bientôt "revenir dans la gloire du Père". L'énoncé imprévu de ce témoignage provoque immédiatement la protestation de l'interlocuteur. Celui-ci, pris de court, laisse en général jaillir de son inconscient quelque exclamation de scepticisme et de crainte : "oh ! Pas si vite ! Allons donc "

Je peux évoquer ici la réplique que s'est attiré un pasteur de mes amis, pasteur protestant, à la sortie d'un culte. Tandis qu'un responsable de l'église lui demandait de prévoir une date pour un engagement à venir, mon confrère en a proposé une mais il a voulu ajouter; "Si le Seigneur n'est pas revenu d'ici là ". La réplique a fusé aussitôt, comme déclenchée par un ressort : " Voyons ! Ne soyez pas pessimiste, monsieur le pasteur ! ". Sans commentaire, n'est-ce pas ?

A la sortie de chaque messe, ne vous avisez pas d'engager un brin de conversation au sujet de la phrase du Credo que toute l'assemblée vient de réciter : "Il est ressuscité, Il est monté au ciel, de là Il reviendra pour régner sur les vivants et sur les morts ..". Vous mettriez aussitôt dans l'embarras votre frère chrétien, surtout si vous lui dites clairement qu'en ce qui vous concerne vous attendez avec impatience et enthousiasme cet heureux événement : la "Venue" finale de Jésus.

Une façon analogue de réagir assez fraîchement se retrouve assez souvent jusque dans les milieux "charismatiques" ou "réveillés". S'il vous arrive d'affirmer avec conviction " heureusement que l'Arrivée du Seigneur est proche !, vous êtes à peu prés sûr que la réponse va être : "Oh mais ! Le Seigneur vient chaque jour ! " (sous-entendu : Ne vous emballez pas ! Pas de fièvre apocalyptique ! )

Certes oui, le Christ vivant vient et revient sans cesse dans l'assemblée ecclésiale, dans le "repas du Seigneur", dans les charismes du Saint-Esprit ou avec sa Parole écoutée dans la prière personnelle. Mais si ces présences actuelles du Maître nous comblent et nous suffisent au point que sa Venue Finale nous paraît secondaire ou nous inquiète, c'est que, pour nous, l'église éclipse le chef de l'Église, les jouissances mystiques ont plus de prix que l'arrivée de "la terre nouvelle où la justice régnera" et notre avenir personnel "au ciel" compte plus que la descente du ciel sur notre terre, par la Parousie du Roi. Subtil Égoïsme religieux qui souhaite secrètement que les choses restent en l'état, au statu quo !

Tel autre réagit en s'écriant: "Eh ! Doucement ! Le plus tard sera le mieux ! . Celui-là rejoint le Grand Inquisiteur imaginé dans le roman de Dostoïevski : il reconnaît soudain le Christ en train de revenir. Alors il lui crie : "Déjà ! ! ". Les chefs des églises ont si bien appris à gérer les affaires de l'église et à faire bien fonctionner leurs institutions établies qu'il leur paraîtrait dommage que, prématurément ( ! ), le Retour du Maître vienne troubler et interrompre leurs laborieux efforts. D'ailleurs, lorsqu'ils parlent à la télé ou à la radio ou dans les grands rassemblements officiels, les entendez-vous une seule fois proclamer l'arrivée proche du Roi et de son Règne ?

Le plus tard sera le mieux ! C'est d'ailleurs l'arrière-pensée d'innombrables "chrétiens" qui, sans jamais y réfléchir, confondent le Retour du Christ avec leur propre trépas. Ils appliquent à leur propre mort les paroles : " vous ne savez ni le jour ni l'heure". Pas étonnant dés lors que la fin du monde, Dieu, ou Jésus, leur fasse pareillement peur ! Il faut dire que les églises font tout ce qu'il faut pour que le public identifie leurs pasteurs avec des auxiliaires des Pompes Funèbres. Tel ce petit garçon qui, voyant un pasteur entrer dans une maison de la paroisse, l'interpellait en lui demandant: "Monsieur! Qui est-ce qui est mort dans cette famille ! ".

Il y a aussi une façon de réagir, à l'annonce de la proximité de la Parousie, qui est spirituellement perverse. Elle consiste à s'écrier avec suffisance : " Oh moi ! Vous savez, je suis en règle ! Peu importe quand Jésus viendra ! Ne nous occupons pas de cela ! L'essentiel, c'est d'être prêt ! . On se rend compte que la personne qui parle ainsi vit du souvenir satisfait de SA conversion passée, y trouve sa "propre justice" et ne cherche pas tellement à connaître la grande promesse du "Jour de Dieu" en faveur de tous les hommes. Une semblable mentalité conservatrice et tournée vers le passé se retrouve chez ceux qui mettent leur assurance dans leur baptême et ne sont pas intéressés par l'avenir du Christ et du salut mondial que son Retour va réaliser.

Je n'ose pas trop m'aventurer ici dans le domaine de la dogmatique chrétienne traditionnelle, de peur de m'y enliser faute de connaissances et de capacités philosophiques. J'ai pourtant le sentiment qu'au long des siècles de chrétienté, et jusqu'à nos jours, l'Église a mis en oeuvre des freins et des forces de "retardement" quant à cette Parousie qu'il n'eut pas fallu cesser de hâter.

Même la doctrine "trinitaire", qui a structuré le Credo traditionnel (depuis le "symbole des apôtres" ), a sans doute fait subir à l'évangile du "Règne qui vient" une distorsion et un déplacement d'accent. N'a-t-elle pas substitué à "l'horizontale" du temps linéaire, qui porte l'Histoire du premier accomplissement à l'ultime accomplissement (politique divine en mouvement !), une "verticale" de triple hiérarchie divine installée et triomphante, intemporelle mais terriblement "conservatrice" (l'histoire l'a affreusement prouvé !) ? La "Religion" !

Dans la mesure où le " Il reviendra de là pour gouverner ...." est devenu un article parmi d'autres et une croyance particulière parmi les autres (au lieu d'être le pôle d'avenir dont dépend tout le reste), n'était-il pas fatal que l'Espérance véritable soit dévalorisée et pervertie ? L'Église s'est "installée" dans le siècle présent, est devenue un "Pouvoir" et s'est mise à prier pour que ce monde dure, alors que nos pères des tout premiers siècles priaient " et que ce monde passe "! en priant "que ton règne vienne !"

Dans le même sens, nos frères pentecôtistes n'auraient-ils pas intérêt à ne pas mettre sur le même plan les quatre "points" de l'évangile aux quatre angles : "Jésus sauve, Jésus guérit, Jésus baptise du Saint-Esprit, Jésus revient ? Le Retour de Jésus est la finalité et l'accomplissement de tout le reste !

Oserais-je poser la même question à mes frères de l'Union de prière de Charmes ? Leur charte pose et préconise quatre sujets de prière fondamentaux : la prière pour le salut des âmes et le réveil, la prière pour l'unité visible de l'Église, la prière pour l'illumination du peuple juif, la prière pour l'avènement du Seigneur. Là encore, est-il bon et juste de placer sur le même plan ces quatre "points" alors que le "point oméga" (comme disait Teilhard de Chardin) met sous sa dépendance et sa priorité les trois autres ? Ne faudrait-il pas dépasser la charte vieillie depuis cinquante ans et se dire ensemble : " on va prier et faire prier avant tout et sans cesse pour le Retour de Jésus ? Car c'est cet Événement-là (qui s'approche vite !) qui va accomplir parfaitement et le salut personnel des enfants de Dieu et l'illumination de "tout Israël "et le rassemblement dans l'unité parfaite du peuple messianique. Ai-je tort de soulever ces questions ?

Enfin, pour ne pas lasser le lecteur et pour ne pas trop m'écarter de la ligne directrice de ces cahiers, je citerai sans m'y attarder deux "façons de parler" qui me paraissent, elles aussi, remettre toujours à plus tard le moment merveilleux de cette Parousie du Sauveur (le seul Sauveur ! Lui seul, pas l'Église !) qui, "d'un seul coup", délivrera de la Mort la création toute entière.

La première "façon de parler" à incriminer est l'interprétation "millénariste" (sur la base d'Apocalypse 20) toujours vivante dans les milieux évangéliques de Réveil, pentecôtistes ou non. En dissociant la "fin ultime du monde" de la Parousie de Jésus et en postulant un temps intermédiaire de mille ans entre les deux, cette vieille thèse (erronée du point de vue exégétique) n'est-elle pas une subtile façon de "remettre à plus tard" l'accomplissement total et intégral de la Promesse? La Parousie de Jésus et la fin du monde ne font qu'un !

A l'opposé, surtout dans les milieux catholiques, protestants classiques et oecuméniques, on entend sans cesse une autre façon de parler. Cette prédication-là consiste, grosso modo, à enseigner ceci :

"la Parousie de Jésus à court terme est soit une croyance religieuse démodée soit un événement qui est au-delà de notre entendement : faisons donc abstraction de ce "Retour du Christ", n'en tenons pas compte dans notre conduite et notre éthique, et mettons notre fidélité dans la pratique chrétienne de l'amour, individuellement et en église. Soyons simplement des "signes" ( ? ) de ce "Royaume" bien inaccessible et "christianisons" tout ce que nous pouvons en faisant vivre et "réussir" notre église. On sera jugé sur cette pratique de l'amour et des "oeuvres" bonnes et justes.

De cette façon de parler je ne ferai que deux citations : en conclusion de son homélie, récemment, tel prêtre de ma localité disait ceci : "c'est à nous de faire resurgir sans cesse, dans ce monde, les réalités du Royaume des Cieux .... Ce ne sera pas de notre vivant que nous verrons la plénitude de ce Règne. Mais peu importe ! L'essentiel est d'en être nous-mêmes des signes".

et dans un hebdomadaire protestant français, l'article signé par un pasteur et intitulé "Demain l'Apocalypse" se termine ainsi : "Dieu propose toujours au monde d'avancer vers un avenir neuf. Les êtres humains peuvent refuser les propositions de Dieu ou devenir partenaires et collaborateurs de Dieu. La vie l'emportera-t-elle demain sur les malheurs apocalyptiques ? La réponse est entre les mains des humains. Tout dépendra de leurs choix autant individuels que collectifs".

Pauvres de nous, humains, si l'avenir est entre nos mains !

Pauvres chrétiens qui n'attendent pas tout de l'Avènement victorieux de Jésus !

 

CITATION : UN THÉOLOGIEN PLAIDE POUR LA PAROUSIE

l'attente de la Parousie dans le christianisme primitif embarrasse la théologie moderne qui pense pouvoir se tirer de cet embarras en recourant à la démythologisation...

Bien que toutes les confessions de foi chrétiennes reconnues parlent de celui "qui viendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et dont le règne n'aura pas de fin" (confession de foi de Nicée), la théologie a peu réfléchi au "Christ qui vient..." !

Mais n'était-ce pas également un signe d'embourgeoisement du christianisme si l'attente de la Parousie a perdu sa force et si elle n'avait plus rien à dire au monde éclairé ?

De même que l'abandon de l'espérance du Messie a été le prix payé par les juifs pour leur émancipation dans la société moderne, de même aussi l'abandon de l'espérance de la Parousie a été, très tôt, le prix payé par les chrétiens pour leur intégration dans l'empire romain.

Alors que, dans le culte et durant les persécutions, les communautés chrétiennes priaient avec passion "Maranatha" ! , " Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt !" (I Corint. 16 . 22 et Apoc. 22 . 20), l'Église impériale constantinienne a commencé à prier "pro mora finis" (c'est-à-dire : " pour que la fin soit retardée"), afin de se recommander comme une religion qui porte l'État et qui maintient le monde.

Or, celui qui cherche à s'adapter au monde et à être reconnu par lui doit abandonner l'espérance du Royaume messianique qui change tout et qui renouvelle tout.

Mais pour celui qui accepte de se détourner réellement de son présent, l'espérance dans la venue du Christ et de son Royaume prend toute son importance. Il a besoin de cet appui dans l'espérance pour se détacher du présent et pour pouvoir l'affronter librement (I Corint. 7 . 31). Il n'aime plus la "figure de ce monde", l'injustice et la violence, mais il commence à "aimer la manifestation du Seigneur.."

Avec ceux qui souffrent il crie : "que ton règne vienne et que passe ce monde ! ".

C'est dans la résistance contre les puissances impies de l'oppression, dans la persécution et dans la souffrance, qu'est éprouvée la force de l'attente de la Parousie.! "

(Jürgen Moltmann, "Jésus le Messie de Dieu", pp. 427 & 428, Èd. du Cerf )

"Ton visage, qu'il soit reconnu !

Ton règne, qu'il arrive ! Ton désir, qu'il se réalise !

Car c'est à toi, notre père, qu'appartiennent Royauté, toute puissance et gloire. Amen!

 Georges SIGUIER . 14 rue Saint Jacques 81200 MAZAMET

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