Du
gouvernement dans l'église.
La maturité des nouvelles
communautés:
la nécessité d'un
gouvernement collégial dans l'église
catholique.
Jean- François
Dorand 8 avenue
de Souleilla 31320 Vigoulet
(docteur,
ingénieur )
Le pape Jean Paul II a
envoyé récemment un message aux
participants du séminaire sur les nouvelles
communautés qui s'est tenu à Rome du 16 au
19 juin 1999. Cette réunion rassemblait une
centaine d'évêques et cardinaux et les
représentants des principaux nouveaux mouvements
dans l'église catholique, en particulier le "
renouveau charismatique"; elle a permis de tirer un
premier bilan sur les relations parfois difficiles,
à l'échelon des diocèses, entre
l'évêque et telle communauté. Dans ce
message de Jean Paul II qui se réfère
à l'exhortation apostolique de décembre
1998, "Christi fideles laïci", on lit ceci: " il
n'est aucun charisme qui dispense de la
vérification et de la soumission aux pasteurs de
l' Église".
Pour se rendre compte
de la portée d'une telle affirmation, il
conviendrait, d'abord, de préciser ce que l'on
entend dans le message actuel par le mot "charisme" et "
Église" avec un grand "E". Mais pour aller
directement au centre de la question, nous
préférons, pour l'instant, nous
référer, en premier, à
l'écriture qui, par son contexte, donne sens et
vie à ces mots. Par exemple si l'on relit le
chapitre 12 de la première épître de
Saint Paul aux Corinthiens, relatif principalement aux"
charismes", on lit ceci: "Il
en est que Dieu a établis dans l'Église,
premièrement comme apôtres,
deuxièmement comme prophètes,
troisièmement comme docteurs.....Puis ce sont les
miracles, puis le don de guérir, d'assister, de
gouverner, les diversités de langues".
( 1 Corinthiens 12,
28 )
Le don de "gouverner"
ou de veiller sur une communauté, c'est à
dire de la maintenir dans l'ordre, n'est
présenté qu'en septième position.
Les premiers cités, qui ont une place à
part, selon les exégètes et
théologiens, sont les apôtres, les
prophètes et les "docteurs", ceux qui enseignent.
Dans le texte de Saint Paul, les "apôtres " dont il
est question, sont les fondateurs ses églises
nouvelles. Les évêques actuels ne peuvent
donc pas leur être assimilés directement.
( Sauf à faire
appel à la "succession apostolique" historiquement
discutable ).
Ils devraient donc
plutôt être considérés comme
faisant partie du lot de ceux qui " gouvernent ", en tant
que guides spirituels d'un église locale,
composée de tous les chrétiens vivants dans
un même lieu.
( Il conviendrait
ainsi, que ces guides spirituels se sentent responsables
non seulement des catholiques présents sur place
mais aussi des protestants de toutes dénominations
et, éventuellement aussi des orthodoxes, anglicans
vivant en voisins. ....)
Il faut aussi
préciser que ce gouvernement devrait s'exercer
d'une manière collégiale, si l'on se
réfère bien aux textes de Saint Paul et,
plus récemment, à ceux du concile Vatican
2. Ainsi, les "anciens " de l'église
(Timothée 1 , 5 à 7 ) doivent être
consultés et participer même, activement,
aux décisions importantes.
Finalement, ceux que
l'on devrait écouter en premier ce sont les
prophètes actuels, souvent méconnus, car ce
sont eux qui sont cités en deuxième
position par Saint Paul.
(Ces prophètes,
aux dires des théologiens et des
exégètes, n'ont à en
référer qu'à Dieu seul, directement.
Leur liberté va de pair avec leur grave
responsabilité devant Dieu.
"
Leur bouche parle du trop plein de leur coeur."
( Matthieu 7, 15
à 20 - Luc 6, 45 )
Or ils nous renvoient
à l'essentiel: aspirer à l'Amour dans
l'unique Esprit ( 1 Corinthiens 13 et 14 ) et rechercher
la "charité"; "aspirer
aussi aux dons spirituels, surtout à celui de
prophétie" (
1 Corinthiens 14, 1 ). Toutefois, il ne faudrait pas se
faire trop d'illusions car, comme l'a dit Jésus
lui même: "un
prophète n'est méprisé que dans sa
propre maison " (
Marc 6, 4 )
Cependant le centre de
la question qui nous intéresse ici est celui du
discernement. Il faudrait, pour ce faire, suivre les
exhortations de Saint Paul: "N'éteignait
pas l'Esprit, ne dépréciez pas les dons de
prophétie, mais vérifiez tout ce qui est
bon, retenez le" (
1 Théssaloniciens 5, 19 et 20 ). Ce discernement
des esprits ( 1 Corinthiens 12, 10 ) est donné
à certains en vue du bien commun ( 1 Corinthiens
12, 7 ) par l'Esprit lui même, selon sa souveraine
liberté, car l'Esprit
"distribue ses dons comme il
l'entend". ( 1
Corinthiens 12, 11 ). Ainsi, on ne peut affirmer que ce
discernement soit réservé exclusivement aux
"pasteurs" actuels de l'Église, c'est à
dire aux évêques dans l'église
catholique.
De fait , pour aboutir
à un discernement authentique, des efforts parfois
éprouvants seront nécessaires de part et
d'autre des parties concernées: les responsables
des nouveaux groupes ou communauté, d'une part et
les guides spirituels d'églises, d'autre part. Ce
discernement devrait être le résultat d'un
dialogue franc, long et répété,
entrecoupé de prières et de
méditations personnelles permettant à
chacun d'intérioriser et d'évaluer devant
Dieu, sous l'impulsion de l'Esprit, les positions
évolutives des uns et des autres. ( A l'image, par
exemple, du discernement communautaire proposé par
les Jésuites dans leur tradition spirituelle.)
Cela suppose aussi qu'il y ait eu , au préalable,
une consultation des frères et soeurs de "la base"
grâce à de fréquentes relations
approfondies, de personne à personne, en toute
liberté d'expression.
Si l'on procède
ainsi, une certaine convergence ( Cette convergence est
analogue à celle souhaitée entre les
théologiens novateurs et ceux chargés du "
magistère " romain.) se fera jour entre la
nouveauté que l'Esprit souffle dans le coeur de
chacun, et l'ordre dans lequel cette nouveauté
doit se ranger, selon la tradition sur laquelle les
guides spirituels des églises sont chargés
de veiller et dont on doit toujours tenir compte, pourvu
qu'elle ne reste pas figée dans un immobilisme
aveugle et stérile.
Dans cet effort
collectif, chacune des parties concernées pourrait
se rappeler certains passages de l'Écriture qui la
concerne spécialement. Ainsi les guides spirituels
de nos églises se souviendront des paroles de
Jésus à Nicodème:
"
le vent,
c'est à dire l'Esprit,
"souffle où il veut: tu entends sa voix mais tu ne
sais ni d'où il vient, ni où il va. Ainsi
en est il de quiconque est né de l'Esprit."
( Jean 3,8 ) De
leur coté, les responsables de nouveaux groupes ou
communautés écouteront avec attention les
recommandations de Saint Paul:
"
Nous vous demandons, frères, d'avoir de la
considération pour ceux qui se donnent de la peine
au milieu de vous, qui sont à votre tête
dans le Seigneur et qui vous reprennent. Estimez les avec
une extrême charité, en raison de leur
travail." (1
Théssaloniciens 5, 12 à 13 ). Tous enfin,
auront le souci suivant: "
Ne contristez pas l'Esprit Saint de Dieu, qui vous a
marqué de son sceau pour le jour de la
rédemption. Montrez vous... bons et compatissants
les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement,
comme Dieu vous a pardonné dans le
Christ."
(Ephésiens 4, 30 à 32 )
Dans le récent
message envoyé aux participants de ce
séminaire, Jean Paul II fait aux
évêques la recommandation suivante: avoir
une attitude de " magnanimité dans la
paternité"
( la signification du
mot paternité serait encore à
préciser, car "nous
n'avons qu'un Père, le Père céleste
".) (Matthieu 23, 9
)
Elle rejoint celles de
Saint Paul. Cela n'a rien d'étonnant car, si ce
message se réfère à l'exhortation
apostolique de décembre 1988 : "Christi fideles
laïci", celle ci, bien qu'importante par son
actualité, est d'un ordre inférieur,
"second", par rapport à l'Écriture qui
reste toujours la référence de base.
( Cette remarque est
à rapprocher d'un texte du concile Vatican II: "Il
y a un ordre ou une hiérarchie des
vérités de la doctrine catholique en raison
de leur rapport différent avec les fondements de
la foi chrétienne ". Décret sur
l'oecuménisme C 2 . 11 )
En
résumé, dans le message adressé par
Jean Paul II aux participants du récent
séminaire rassemblant des évêques,
des cardinaux et des représentants des principaux
mouvements de l'église catholique, nous relevons
principalement comme critique: certaines "
prétentions" et certains" manques de
modération" de la part de quelques nouveaux
mouvements, à coté d'un élan
missionnaire certain, spécialement auprès
des plus démunis.
Pour que cet
élan soit poursuivi, Jean Paul II fait appel
à une " maturité ecclésiale" de ces
nouveaux groupes et mouvements. Mais cette
"maturité " ne peut résulter uniquement
d'une "soumission" à l'évêque du
lieu. En effet, des éléments ambigus
peuvent s'y mêler du coté des responsables
des nouvelles communautés, comme de celui de
l'autorité ecclésiale.
Ainsi, certaines
communautés peuvent désirer,
inconsciemment, être enfin reconnues âpres
une longue période éprouvante d'isolement,
voire de méfiance dans un milieu réticent
à la nouveauté. De leur coté,
certains pasteurs peuvent être tentés de "
mettre la main" sur des communautés susceptibles
de les aider dans leur pastorale habituelle et de leur
procurer, de plus, de nouveaux prêtres; ainsi, par
la force des choses, ils ne favoriseraient pas la
poursuite des activités d'avant garde de ces
communautés, comme l'oecuménisme
pratiqué de plus en plus rarement dans le
"Renouveau", malheureusement.
Aussi les
modalités de cette " soumission" et de cette"
vérification" devraient faire l'objet d'un
discernement communautaire, d'une manière
collégiale. Enfin, l'objectif visé, celui
d'un vif élan missionnaire indispensable à
l'église pour entrer dans le 3°
millénaire est certes, prioritaire, mais il ne
faut pas oublier que l'unité des chrétiens,
sur place, dans un même lieu, même
modestement, est une condition première,
nécessaire à cette
évangélisation tant désirée,
comme l'a exprimé Jésus lui même:
"Que
tous soient un..afin que le monde croie que tu m'as
envoyé" (
Jean 17, 21 ).
Or cette unité
se réalise justement lorsque des chrétiens
de différentes confessions se réunissent
régulièrement, de leur propre initiative,
pour étudier et partager la Parole de Dieu.
Ainsi se reconstitue
l'Église avec un grand "E", comme Jésus l'a
désiré. La référence
première à l'Écriture, trésor
commun à toutes les églises, garantit
l'authenticité et l'éfficacité de
l'effort loyalement effectué, même et
surtout si des interprétations
exégétiques ou théologiques diverses
obligent à un surcroît d'écoute et
d'approfondissement mutuel de chacun.
Cet exemple, venant de
la "base", serait à imiter par les pasteurs de
différentes confessions présents dans un
même lieu qui devraient dégager davantage de
temps dans leur emploi du temps , souvent chargé,
pour se connaître davantage, prier ensemble et
s'apprécier ainsi en profondeur. Ainsi se
réaliserait un oecuménisme pratique,
générateur d'une nouvelle
évangélisation.