Lettre
ouverte à mon curé.
contre sa
conduite à la table du Seigneur.
(Georges Seguier
pasteur )
"A
Antioche je me suis opposé à Pierre en
public, parce qu'il était dans l'erreur....Devant
tout le monde j'ai reproché à Pierre son
double langage, contraire à la
vérité de
l'évangile."
( Galates 2 11à 14
)
" Le silence devient
péché lorsqu'il prend la place de la
protestation?"
( Abraham
Lincoln)
Tu es prêtre. Tu
es donc mon confrère dans le service de l'Evangile
et dans le service du Repas où notre
Maître se donne aux siens, avec tout son coeur.
Nous sommes donc non seulement frères par notre
commune appartenance à Jésus mais
confrères à son service comme "desservants"
et "serveurs" à sa table, là où il
se rend spécialement présent. Nous sommes
donc ensemble responsables du bien de nos frères,
responsables devant notre seul chef. S'il n'y avait pas
entre nous deux cette unité de communion et de
ministère, crois moi, je ne t'aurais pas
écrit cette lettre! Je t'aurais laissé
suivre ton vieux chemin de prêtre et j'aurais
tranquillement poursuivi mon vieux chemin de pasteur
protestant... sans problèmes!
Sans problèmes!..
sauf le problème l'énorme que nous posons
à Jésus, toi et moi, le grave
problème que nous lui posons lorsque nous
présidons et servons son repas à nos
frères. Et là, c'est au coeur de notre
ministère que nous déplaisons à
notre maître, dans la façon dont nous nous
conduisons à son repas. Et très
précisément dans la façon dont nous
refusons aux uns ce pain de Dieu que nous donnons aux
autres. Cela ne va pas bien du tout, et c'est cela que
nous devons cesser de faire afin de ne plus contrarier
notre Seigneur.
C'était hier
aprés midi, à quinze heurs, ici, dans
l'Eglise de ta paroisse. La situation et les
circonstances étaient à la foi
étranges et providentielles: une eucharistie "de
circonstance", programmée pour marquer
l'anniversaire de mariage d'une chère amie
catholique qui séparée de son mari, tient
à reprendre chaque année son engagement
d'épouse sous la protection de "notre Dame". C'est
à cette réunion que j'étais
invité, avec trois autres non-catholiques et une
dizaine de catholiques, à cause du fort et
très ancien lien de communion et d'unité en
Christ. Depuis 20 ans en effet, par le "réveil
charismatique", c'est le St Esprit qui nous a mis
ensemble,"catholiques et protestants" pour une vie en
retrouvailles et pour la pratique d'une unité
spirituelle pleine d'affection
réciproque.........
Quand tu nous a
accueillis avec ton chaleureux sourire, tu nous as dit
,sans sourciller, ton plaisir devant cette réunion
oecuménique et... Puis tu as présidé
et servi le repas du Seigneur en nous associant aux
lectures.....Lorsque tu as servi le repas de
Jésus, afin de lui garder soigneusement son
caractère catholique romain, tu as pris soin d'en
priver tes frères et soeurs non-catholiques qui en
avaient envie et besoin!..........
C'est cela qui
déplaît au Seigneur. C'est ce comportement
pastoral qu'il te demande de changer dorénavant.
C'est à de tels actes d'exclusion et
d'excommunication qu'il te demande de renoncer. Car
à l'instant précis où toi , tu ne
veux pas nous donner le pain et la coupe de Jésus,
à cet instant là Lui veut nous les donner,
Lui qui est présent, Lui qui préside, Lui
qui se donne à toute sa communauté! Et cela
tu le sais très bien......... A la sortie de
l'église, il a fallu que je me réchauffe en
marchant d'un bon pas. Tant l'air était glacial et
la gifle blessante ! et dures aussi la honte et la
pitié éprouvées en pensant à
mes frères tant catholiques que protestants.
D'autant plus qu'ils sont tous des souffrants et des
coeurs pauvres et droits.
Je suis allé
jusqu' à la colline où
s'élève la statue du Christ ( le
Sacré Coeur ), au dessus du cimetière,
à la lisière des bois. Devant moi
s'étalait la ville. Et en ce 5 décembre, le
crépuscule vite arrivé commençait
déjà à recouvrir toute cette
cité d'une brume grisâtre mais paisible et
pacifiante: en l'absence de tout vent les fumées
montaient verticalement, comme un encens. Et les
lumières s'allumaient...
Alors, dans la
prière murmurée "dans l'Esprit", m'est
revenue cette demande utilisée parfois dans nos
assemblées: " De même que maintenant la nuit
ensevelit et recouvre toutes choses sous son voile,
qu'ainsi, Seigneur, ton pardon couvre et recouvre tous
nos péchés sous le voile de ta
grâce". Tous nos péchés! et le
péché de la désunion
ecclésiale! et le péché des bergers
de l'Eglise! Le tien et le mien! puisque ce n'est pas par
hasard mais bien par notre faute qu'à ta Table,
Seigneur, tes petits frères sont injustement
séparés! Merci, Seigneur Jésus,
puisque ( heureusement!) tu assumes et tu portes aussi
notre commun péché de pasteurs coupables de
discriminations, de double langage et de
séductions séparatives! "
J'étais
réchauffé et heureux, et très
heureux d'être allé à cette
eucharistie -là. Mais c'est alors.....
C'est alors que s'est
imposée fortement à mon esprit la
pensée suivante, comme si le Seigneur continuait
le dialogue avec moi:" Votre péché n'est
pas enseveli dans le tombeau pour vous permettre de le
recommencer tout de suite? Votre péché de
pasteurs n'est pas assumé par moi pour que vous le
fassiez vivre et continuer. Oui, je te pardonne mais pour
que vous y mettiez fin. Je l'assume, mais pas pour que
vous le tolériez. Ne dites pas "la nuit tous les
chats sont gris!",de manière à ne pas faire
de différence entre le juste et l'injuste, entre
ce qui plaît et ce qui déplaît. Et
toi, tu n'as pas à consentir à l'injustice
mais à lui résister. Tu n'as pas, par souci
d'unité ecclésiastique, à chercher
à plaire à tes collègues, mais tu as
à me plaire à moi. Résiste donc
à ton frère le prêtre catholique. Et
résiste lui en face, droit au but, sans biaiser.
Et résiste lui publiquement, pas en secret,
puisque c'est en public qu'il jette la honte et le
discrédit sur mon repas. Cette
infidélité n'est pas sur toi en cette
affaire: renvoie lui " le paquet " à lui, fais
comme Paul a fait à l'égard de Pierre,
à Antioche de Syrie, avec
sévérité et avec amour."
Je n'aime pas beaucoup
être aux prises avec ce genre "d'inspirations
charismatiques" qui me poussent à une
démarche difficile et qui me coûtent
beaucoup, surtout vif à vis de confrères
très consacrés au Seigneur. J'ai un peu
appris à me méfier de moi même, de
mon individualisme protestant, de ma rébellion
naturelle contre l'autorité et le pouvoir... et du
vieillissement de mes fonctions
cérébrales.
Mais en même temps
la thérapie psychiatrique me pousse à ne
pas " m'identifier à l'agresseur" et m'encourage
à ne pas refouler le cri d'indignation, à
ne pas réprimer la protestation contre l'injustice
criante et répétée. Aussi est il bon
que je demande conseil à quelques frères.
Je l'ai fait .
Mais finalement c'est
l'Ecriture Sainte, c'est l'Evangile qui sont l'ultime
recours et le critère de la fidélité
aussi bien pour ce qu'il faut croire que pour ce qu'il
faut faire. Aussi ai-je conclu que je devais me ranger
à l'exemple de l'apôtre Paul et me soumettre
à cette "tradition apostolique" en prenant
à ton égard, cher ami prêtre,
exactement la même attitude que l'attitude prise
à l'égard de l'apôtre Pierre,
à Antioche, lors du fameux incident que raconte la
lettre de Paul aux Galates (2,11 à 21 )
"Lorsque
Céphas (Pierre ) vint à Antioche, je me
suis opposé à lui ouvertement car il
s'était mis dans son tort. En effet, avant que
soient arrivés des gens de l'entourage de Jacques
( des Judéo-chrétiens intégristes )
il prenait part au repas des païens ( des
pagano-chrétiens ); mais, aprés leur
arrivée, il se mit à se dérober et
se tint à l'écart, par crainte des
circoncis ( des juifs ). Et les autres juifs
rentrèrent aussi dans son jeu, de sorte que
Barnabas lui même fût entraîné
dans leur duplicité. Mais quand je vis qu'ils ne
marchaient pas droit selon la vérité de
l'Evangile, je fis des reproches à Pierre devant
tout le monde..."
Suivent
les explications et les justifications
théologiques qui reprennent tout ce que cette
lettre aux Galates enseigne sur la vérité
de l'Evangile et la liberté chrétienne
conforme à l'Evangile. Tu connais cela aussi bien
que moi.
Mais
nous, serviteurs de l'Evangile, nous avons besoin les uns
des autres pour nous dire mutuellement et publiquement en
quoi nous tenons un "double langage" (dans notre conduite
pastorale ) et en quoi nous dénaturons et
falsifions l'Evangile ( spécialement sur les
points où notre soumission au magistère de
notre" église" particulière nous joue de
mauvais tours).
Là
où péche notre conduite pastorale
personnelle c'est lorsque, à la Table du Seigneur,
nous nous mettons en position de pouvoir et de force,
lorsque nous y incarnons la suffisance et l'exclusivisme
d'une "église, au détriment de ceux que
Jésus accueille et que nous repoussons;
Lorsque
nous divisons ainsi l'Eglise Une et brisons la communion
entre ceux à qui Jésus a
précisément donné son lien de
communion, d'amour et de paix, lorsque nous blessons , du
même coup, la conscience de nos frères ainsi
séparés par notre façon de
servir;
Lorsque,
pour tenir notre rôle de "berger catholique" ou de
"berger protestant" nous agissons en mauvais berger du
Souverain Berger; lorsque l'obéissance à
nos autorités ecclésiastiques nous sert
d'alibi et d'excuse pour désobéir à
notre maître.
Lorsque,
en conséquence, nous sommes malheureux
d'être constamment pris en flagrant délit de
"double langage" par nos frères les plus petits
que le Saint Esprit éclaire de sa
vérité;
Lorsque
nous savons ce que Jésus attend de nous et que ,"
par crainte" de nos frères "intégristes" et
encore asservis, nous coupons la communion et brisons
l'unité faite par Jésus Lui
même.
"L'heure
est venue où le Fils de l'Homme doit être
glorifié"
dans l'église assemblée pour le repas..
Pour cela la "métanoïa" ( la repentance
effective) des serviteurs du Repas doit absolument avoir
lieu.
Pour
cela, cher ami, tu dois ( comme moi aussi je dois)
apprendre à te placer non au dessus de la table ,
mais en dessous des convives,
apprendre
à voir, reconnaître,discerner, admirer et
servir les "petits" frères,
apprendre
à recevoir d'eux et à les écouter,
sans" jouer un rôle",
apprendre
à être libre et à remettre en
question les doctrines et les pratiques que nous avons
reçues de nos pères,
apprendre
de façon nouvelle comment Jésus
lui-même voit l'Eglise, son unité, sa
mission, son rôle, son avenir et son
présent.
Oh! ne
plus "catholiciser" l'eucharistie du Seigneur et ne plus
"protestantiser" la cène sainte du Seigneur!
Aprés 20 ans de Renouveau, c'est à ce
rendez vous là que le Saint Esprit nous convoque,
nous les "clercs".
Par
cette" lettre ouverte "j'ai essayé de mener ce
combat difficile, pour l'Eglise, pour nos
confrères, pour toi, pour moi.
Les gens
qui nous entourent, dans notre monde aimé de Dieu,
ont soif de voir sur le visage des chrétiens autre
chose que des façades intimidantes derrière
lesquelles se cachent trop de "trompe l'oeil", trop de
"faux semblants",trop de leurres et d'attrape nigauds,
trop d'amalgames et de compromissions
désastreuses, trop de savants dosages de "oui" et
de "non", de vrai et de faux, de juste et d'injuste.
L'eucharistie
est, au coeur de l'Evangile ce qui doit absolument nous
unir tous dans le vrai témoignage de
l'authenticité et de la clarté du Royaume
qui arrive.
Or c'est
toi, frère, qui fais l'eucharistie. Et c'est moi
qui la fais avec toi, comme Paul et Pierre,
inséparables, et tenus de le faire dans
l'unité et la vérité. Celles de
Jésus. En Jésus .