Interpellations

 

 

 

3111 définitions, questions :E. Savajol

3112 Eglise lève-toi ! E. Savajol

3113 ne fais-tu pas barrage à l'Esprit Saint ? André Spurgeon

3114 les indulgences!: E. Savajol

3115 au cardinal Ratzinger... E. Savajol

3116 les églises n'ont-elles pas parfois un comportement de secte? E savajol

3117 aux clercs G. Siguier

3118 du gouvernement dans l'église : J.F. Doran

3119_legaut.html extraits

3120 trahison des clercs : G. Siguier

3121 l'oecuménisme est dépassé !: G. Siguier

3122 aux pasteurs protestants: G.Siguier

3123 à mon curé : G. Siguier

3124 marie mère de Jésus Christ dans les jours de sa chair. E. Savajol.

3125 évangéliser l'église !

3126 Mariage indissolubilite, nullite Ed.Savajol

3127 Credos !

3130 dogme_edmond.htm Ed .Svajol

3131 dogmes-siguier.htm G. Siguier

3132 transsubstantiation.htm G. Siguier

3133 misères cathos:pouvoirs

3134-repas diviseur

3135 chretiens libres

3136-acosta -reformes

3137 -derive vers la religion

3138-pain-eucharistie.htmClaire-Marie

3139_oser-transgresser

3140-geffre-claude

3141-dupuis-jacques

3142-sobrino-jon

3144-comblin-jose.htm  Eglise et Pouvoir

3145- kung-aux-eveques

/3146-dirigeants-myre.htm

3147-vaticanII-comblin.htm

3150-lefebvre-au-pape

 
Les grandes lignes de la nécessaire réforme de l'Eglise


 

Juan José Tamayo Acosta est directeur de la Chaire de Théologie et Sciences des Religions " Ignacio Ellacuría " de l'Université Carlos III, à Madrid. Il est aussi le secrétaire général de l'Association œcuménique Jean XXIII des théologiens et théologiennes espagnols. Il prononça cette conférence à Antequera (Malaga) le 29 juin 2002.

Le point de départ de cette conférence fut la publication d'un article intitulé " Un Concile pour le XXIème siècle " paru dans le quotidien EL PAÍS, reproduit dans de nombreux médias en Espagne et en Amérique latine et qui a suscité un très large écho parmi les communautés de base et les mouvements chrétiens critiques ainsi que parmi certains groupes inquiets de l'orientation néo-conservatrice de l'Église catholique aujourd'hui.

Dans une première partie, je choisirai quelques périodes de l'histoire du christianisme pour montrer comment l'idée de la réforme de l'Église n'est pas de notre invention mais qu'elle est née avec le christianisme et forme un courant permanent au sein de l'Église tout au long de son histoire bimillénaire. Dans la seconde j'exposerai les points sur lesquels je crois que doit se centrer la réforme de l'Église aujourd'hui.

1. LES RÉFORMES ONT TOUJOURS EXISTÉ

Les mouvements de réforme ont toujours existé dans l'histoire du christianisme comme dans celle de la politique, de l'économie ou de la culture. Le christianisme lui-même surgit comme mouvement de réforme à l'intérieur du judaïsme. Nous ne pouvons oublier que les racines du christianisme sont juives. Ce qui se passe, c'est que, très vite et à partir du IVème siècle, avec la reconnaissance de l'Église comme religion officielle de l'Empire romain, le christianisme prend un virage anti-judaïque qui n'est pas en concordance avec ses origines. En réalité, le christianisme est né à un moment de grande vitalité et de large pluralisme au sein du judaïsme. Les mouvements de réforme ou de rénovation du judaïsme étaient assez nombreux au temps de Jésus. Parmi eux, il convient de citer le mouvement pénitentiel conduit par Jean Baptiste, les groupes appelés thérapeutiques et, bien entendu, le mouvement de réforme que met en marche Jésus de Nazareth.

1.1. La réforme de Jésus

Jésus fut un Juif convaincu vivant son expérience de foi dans la tradition religieuse de son peuple, de ses pères et mères, patriarches et matriarches, mais en liberté (plus loin, je parlerai des femmes comme protagonistes revitalisantes de cette réforme). Jésus est en syntonie avec quelques unes des traditions libératrices de la religion d'Israël: l'exode, le prophétisme, la tradition sapientielle, l'expérience orante des psalmistes, les femmes qui animèrent la foi du peuple. Et toujours, en lien avec la foi d'Abraham, le père des croyants des trois religions monothéistes: judaïsme, christianisme et islam.

Jésus critique tout ce qui dans la religion asservit, aliène, tue. Il critique les traditions déshumanisantes. Il met en question ce qui ne contribue pas à la libération de la personne, comme la pratique de la loi, du temple, du sabbat, etc., parce qu'elle ne s'accompagne pas de la pratique de la justice. Il corrige les lois qui font passer l'observance de la règle avant l'attention à l'être humain dans le besoin. Dans la critique de la religion, Jésus est en avance de beaucoup de siècles sur la critique moderne que vont faire ceux qu'on a appelés les maîtres du soupçon.

Jésus introduit une innovation fondamentale dans le judaïsme légaliste et patriarcalisé. Il met en marche un mouvement alternatif de croyants et de disciples, d'adeptes et sympathisant(e)s comme germe du Royaume de Dieu. Mouvement marginal qui suit un marginal et tente de faire de sa cause une réalité. Deux des plus justes définitions de Jésus de Nazareth sont celles qui donnent leur titre à deux œuvres qui ont contribué puissamment dans la dernière décennie à la redécouverte du Jésus historique, l'une connue sous le nom de A Marginal Jew, Rethinking the Historical Jesus, du bibliste nord américain John P. Meier, l'autre Jésus: vie d'un paysan juif, de John D.Crossan, également bibliste nord américain du groupe de recherche "Jesus Seminar". Jésus lutte à partir de sa situation marginale contre la marginalisation de personnes et groupes par la religion ou la société juive et par le pouvoir impérial. Quelques années plus tard, c'est Paul, considéré par nombre d'historiens et de penseurs comme le vrai fondateur du christianisme, qui radicalise et mène à son terme cette Réforme, libérant les croyants venus du monde païen de l'observance des pratiques juives. A partir de sa rencontre avec le Ressuscité, il découvre comment en Jésus de Nazareth, la loi est remplacée par la grâce, l'esclavage de la loi par la liberté de l'Esprit et les traditions du judaïsme par l'Évangile. La résurrection se présente comme l'alternative face au pouvoir destructeur de la mort.

Mais la radicalisation du projet aboutit à une rupture avec la tradition religieuse du judaïsme et, après Paul, les théologiens et les dirigeants de l'Église vont présenter le judaïsme comme adversaire du christianisme. Ce qui est une perversion du projet originaire du Juif Jésus.

1.2. Réforme Protestante

Une seconde période historique qui me paraît importante pour ce thème est ce qui se rapporte à la Réforme Protestante au XVIème siècle. Le phénomène de la Réforme est précédé d'une étape de pré-réforme et suivie de l'étape de la Contre-réforme catholique. En ce moment même nous sommes en pleine Contre-réforme. Le Moyen-Âge est un flux constant de mouvements de réforme dont les objectifs, les projets et propositions convergent fondamentalement.

Un des objectifs de tous les mouvements médiévaux de réforme est la décléricalisation du christianisme, par ce que le cléricalisme est vu comme une des plus graves perversions voire un des phénomènes les plus traumatiques qui aient défiguré le visage de l'Église et en aient changé le cap. Durant une bonne partie de l'histoire du christianisme, l'Église fut identifiée au clergé et avec raison, du fait que celui-ci s'était approprié très tôt l'ecclésialité qui appartenait au peuple de Dieu tout entier.

Autre objectif, le protagonisme des laïcs dans les divers domaines et par-dessus tout dans la prédication de l'Évangile, à partir de l'égalité de tous les chrétiens et chrétiennes de par le baptême.

Dans tous les mouvements de réforme il y a un appel à la conversion de l'Église aux pauvres, aux marginalisés et exclus, qui étaient à l'époque la majorité. Le moment où ces trois objectifs sont sur le point de devenir réalité est la Réforme Protestante, portée par des théologiens doués d'une grande vision et d'une profonde lucidité comme Luther, Calvin et Zwingli et d'autres moins connus comme Thomas Müntzer, qualifié à juste titre par Ernst Bloch de "théologien de la révolution" dans une œuvre portant ce titre.

Quels sont les principaux changements qu'entraîne la Réforme protestante pour le christianisme?

Le premier est celui de la subjectivité. Nous sommes au XVIème siècle, en pleine Renaissance, et la valeur par excellence qui monte dans cette culture est la subjectivité. La foi n'est pas un phénomène institutionnel mais une option personnelle, une expérience du croyant dans sa relation à Dieu, qui implique la personne dans sa totalité, sans compartiments étanches. C'est pourquoi il faut la vivre dans l'intériorité et dans la profondeur de l'être pour qu'elle puisse rayonner à l'extérieur. Cela, que nous devons pour une bonne part à la Réforme protestante et qui encore aujourd'hui dans le christianisme institutionnel, est insuffisamment valorisé, étant donné que nous vivons en pleine époque de christianisme institutionnel et hiérarchique.

La Réforme souligne, en second lieu, la centralité de la Bible, qui eut des effets positifs dans toute l'Église. Grâce à elle aujourd'hui la Bible est à la portée de tout le monde. La Bible comme parole de Dieu est au-dessus du magistère, au-dessus des déclarations papales, au-dessus des ordres et des normes de la hiérarchie ecclésiastique. La Bible, pas comme lettre morte mais comme texte vivant, interprété à partir de la subjectivité propre et non selon la grille des instances supérieures. C'est là un élément qui, dans l'Église catholique n'est pas encore en vigueur. Le poids du magistère reste décisif et déterminant à l'heure d'interpréter les textes de l'Ecriture.

Prenons un exemple. Selon le magistère officiel, chacun des sept sacrements a un texte littéral sur lequel se fonde son institution. Le baptême: "Je te baptise au nom du Père et du Fils..." La pénitence: "Tout ce que lieras sur la terre, sera lié dans le ciel..." L'Eucharistie: "Ceci est mon corps... Ceci est mon sang." Et ainsi de suite (jusqu'aux chanoines qui se considéraient comme institués par le Christ au jardin des Oliviers quand Jésus, les trouvant endormis, leur dit: "Dormez et reposez-vous maintenant"). [rires]

Le troisième apport de la Réforme protestante au christianisme est son sens congrégationiste, communautaire. La communauté est le centre de la vie religieuse des Églises protestantes tant dans le culte que dans le service de la parole. C'est elle qui a la décision à l'heure d'élire le pasteur de la communauté en fonction des besoins de la communauté, selon un processus soigneusement mis au point de sélection et sans interférences d'instances supérieures.

Fondamentale dans la Réforme protestante me paraît l'importance accordée à la théologie de la croix dans la ligne paulinienne ("Je ne veux prêcher que le Christ, ce Crucifié"), face à la théologie triomphaliste de la gloire du catholicisme avec le symbole du Pantocrator dominant les porches des églises. Luther en arrive à dire que la croix est le principe de toute théologie. A la suite de Luther et de Paul, Moltmann parle du "Dieu crucifié" et de la croix comme critique de toute théologie chrétienne. Cependant, je crois que Luther ne tira pas les conséquences révolutionnaires de cette théologie dans le domaine politique et social.

1.3. Réforme du concile Vatican II

La troisième coupe historique que j'aimerais faire est celle de la Réforme du concile Vatican II (Rome, 1962-1965), impulsée par un pape prophétique, Jean XXIII (Pape et prophète? N'est-ce pas une contradiction? Dans le cas de Jean XXIII au moins, non), après une étape de pré-réforme qui commence au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale dans le domaine théologique, liturgique et biblique pour culminer avec la Réforme conciliaire. On peut considérer Vatican II comme le mouvement de réforme le plus important qui se soit produit dans l'Église catholique depuis le XVIème siècle. Trente fut un concile de Contre-réforme et Vatican I, de réaffirmation de la catholicité face à la modernité. Jean XXIII, avec une vision historique que n'a eue, je crois, aucun pape aux XXème et XIXème siècles, pas même Léon XIII avec Rerum novarum, orienta l'Église vers l'option pour les pauvres et les exclus et vers le changement à l'intérieur de la communauté chétienne.

Il y a un texte de Jean XXIII qui est très peu connu et presque jamais cité, où se trouve à mon avis la clé et la base de la Théologie de la Libération et de l'option pour les pauvres. Dans un discours prononcé le 1er septembre 1962, il affirme: "L'Église de Jésus-Christ est Église de tous, mais pour les pays sous-développés elle est l'Église des pauvres." Ce texte marquait l'orientation à suivre par le concile mais peu nombreux furent les pères conciliaires qui s'engagèrent dans cette voie. L'un d'eux est le cardinal Lercaro qui, dans un mémorable discours prononcé dans la salle conciliaire, affirma que les pauvres sont les vrais sujets de l'évangélisation et que l'option pour les pauvres était celle que devait suivre le concile. Mais bien vite les évêques oublièrent cette orientation pour centrer leurs débats autour de deux autres questions, aussi de grand intérêt: la rénovation interne de l'Église et le dialogue avec le monde moderne. Ici, ils firent des apports importants. Dans l'ordre interne ils posèrent les bases d'une démocratisation de l'Église. Avec le temps, ce programme resta lettre morte. Jamais n'a pu se produire le "changement structurel de l'Église", dont se faisait l'avocat le théologien Karl Rahner dans un livre splendide ainsi intitulé, qui garde la même actualité que quand il l'écrivit il y 30 ans. Durant l'actuel pontificat on a renforcé les pratiques autoritaires et la structure hiérarchico-patriarcale de l'Église et on a oublié le printemps ecclésial de Vatican II

Les trois moments du processus, pré-réforme, réforme, contre-réforme, sont discernables dans l' attitude adoptée par la hiérarchie romaine à l'égard de théologiens mêmes qui firent Vatican II. Dans l'encyclique Humani generis (1950), comparable en intolérance et en anti-modernisme au Syllabus, Pie XII condamne sévèrement les théologiens qui tentaient de développer leur réflexion chrétienne en dialogue avec la modernité. Il condamne l'évolutionnisme, les mouvements historico-critiques, le retour aux sources du christianisme, etc. Quelques uns d'entre eux sont expulsés de leur chaire (Chenu, Congar, de Lubac…). Et voilà les théologiens mêmes, condamnés par Pie XII à cause de Humani Generis appelés 10 ans plus tard par Jean XXIII pour conduire et fonder théologiquement la réforme de l'Église. Vatican II fut plus un concile de théologiens que d'évêques, en dépit d'une importantissime dimension pastorale. Une partie des contenus des documents de Vatican II sont extraits des œuvres de Rahner, Häring, González Ruiz, Chenu, Congar entre autres. Et pourtant ces mêmes théologiens appelés par Jean XXIII comme experts du concile, tombent sous la suspicion durant le pontificat de Jean Paul II et sont de nouveau condamnés, sans que, à ce jour se soit produite leur réhabilitation. Le cas le plus emblématique est celui de Hans Küng, théologien de Jean XXIII et, presque quatre lustres plus tard, expulsé de la chaire de théologie de Tübingen! Une université civile!

La réforme de Vatican II, enfin, débouche sur son contraire: la contre-réforme et la restauration de Jean Paul ll et du cardinal Ratzinger avec la nécessaire collaboration de l'Opus Dei et des nouveaux mouvements religieux de tendance néo-confessionnelle.

2. RÉFORME DE L'ÉGLISE D'AUJOURD'HUI

Un peu plus de quarante ans après Vatican II le besoin se fait sentir d'une nouvelle Réforme qui en reprenne l'esprit et aille au-delà, tentant de répondre aux nouveaux problèmes. Je vais présenter quelques unes des directions dans lesquelles devrait avancer la Réforme de l'Église aujourd'hui.

2.1. Démocratisation radicale de l'Église

Le premier aspect est la démocratisation radicale de l'Église. C'est un thème prioritaire. La démocratisation radicale passe par la démocratie représentative quoiqu'elle ne s'y réduise ni s'y limite. Il me paraît fondamental de prendre ceci en compte. Parce que, si notre projet de démocratisation ne se traduit pas en structures démocratiques concrètes, Il faut parler ouvertement de démocratie à l'intérieur de l'Église. De plus, c'est Vatican II qui pose les bases pour les mettre en pratique au chapitre 2 de la Constitution sur l'Église, quand il définit celle-ci comme Peuple de Dieu. Mais ce même concile doit être lu de façon critique, parce que c'est dans ses propres textes que se situe la contradiction. Si, au chapitre 2, il parle du Peuple de Dieu, au suivant il réaffirme la structure hiérarchique de l'Église par volonté divine. A la fin de la Constitution sur l'Église, le concile ratifie la définition de l'infaillibilité du pape de Vatican I, à la lumière de laquelle doivent être interprétés les documents conciliaires. (Ce fut une idée de Paul VI, personnalité habitée par le doute, comme on le sait, qui faisait un petit pas en avant et deux grands pas en arrière). Il en résulte que les documents cités, approuvés par tous les évêques du monde, sont interprétés et appliqués selon son critère totalement personnel par le pape, qui a le dernier mot. Le pape au-dessus du concile! Alors à quoi bon un concile? Quelle autorité s'attache à ses conclusions? Ainsi disparaît toute possibilité de réforme.

A l'actif de Paul VI, il faut citer les encycliques sociales innovatrices Populorum progressio et Octogesima adveniens, mais à son passif il faut placer Humanae Vítae, qu'il publia contre l'avis des assesseurs mêmes comme Häring, et la fameuse phrase ultramontaine : " La fumée de l'enfer est entrée dans l'Église. "

En somme, Vatican II présente l'Église comme peuple de Dieu, mais n'établit pas de canaux pour que ce peuple exprime son opinion, intervienne dans les décisions et élise ses représentants. C'est un peuple menotté, muet, sans voix ni vote. Les seuls qui ont droit de vote sont les cardinaux, pour élire le pape, et les évêques dans leurs conférences épiscopales respectives, pour en élire les responsables.

C'est pourquoi il faut donner un contenu concret à la démocratie dans l'Église. Ce contenu se traduit dans les priorités suivantes:

Créer un tissu communautaire de base. Le tissu communautaire de base est aujourd'hui très affaibli, tandis que croissent numériquement et se renforcent les nouveaux mouvements religieux néo-conservateurs de tendance spiritualiste (Néo-catéchuménat, Communion et Libération, Légionnaires du Christ..) Et ne parlons pas de l'Opus Dei, qui contrôle les coulisses du catholicisme officiel. Il est nécessaire de continuer à créer des réseaux communautaires chrétiens de base engagés dans les divers lieux de marginalisation et d'exclusion. Il faut entretenir, alimenter les réseaux qui existent. Nous ne pouvons nous contenter de maintenir ce qui est là. Il faut chercher de nouveaux espaces où puissent surgir des tissus communautaires avec une sève nouvelle.

A partir de ce tissu il est nécessaire de mettre en marche un processus conciliaire, dans la ligne du programme du courant Somos Iglesia, qui a reçu l'appui d'un collectif de 40 évêques en majorité latino-américains. C'est une des idées fondamentales que j'exposais dans l'article " Un Concile pour le vingt et unième siècle ". Nous ne pouvons demander un concile de style traditionnel: célébré à Rome, convoqué par le pape et avec la seule participation des cardinaux, archevêques, évêques et supérieurs religieux majeurs. Cela renforce la structure hiérarchico- autoritaire de l'Église. La mise en marche d'un processus conciliaire requiert un mouvement communautaire vivant et fort. Si celui-ci est faible, le processus conciliaire sera contrôlé par la hiérarchie et son prolongement, les mouvements néo-conservateurs.. Il doit être un processus constituant ou, si on veut, recréateur de l'Église dans le nouveau contexte social et culturel. Et avec capacité de décision. Il faut récupérer la vieille thèse conciliaire de quelques conciles du XVème siècle. Le concile au-dessus du pape! Le concile peut être un espace privilégié de dialogue, de débat et de confrontation entre tendances plurielles, d'argumentation et de consensus, toujours dans le respect du désaccord, qui a aussi ses droits; mais sans exclusion.

La nécessité de démocratiser l'Église naît de l'égalité radicale de tous les chrétiens et chrétiennes en tant que fils et filles de Dieu, baptisés et baptisées, disciples hommes et femmes. Dieu ne discrimine pas selon le genre, la culture, l'ethnie ou la classe sociale. Le baptême non plus, sacrement d'inclusion et non d'exclusion. Par lui, chrétiens et chrétiennes, nous avons tous et toutes la même dignité. Tous les baptisés ont un trait commun: ils suivent Jésus et sont ses disciples. S'il devait y avoir quelque différence entre eux, elle serait fonction de la radicalité de l'engagement à la suite de Jésus, mais non du statut ou du rang.

Cette égalité radicale implique d'éliminer les oppositions sur lesquelles se structure aujourd'hui l' Église.

Premièrement, l'opposition clercs-laïcs: l'existence de clercs renvoie tout droit à l'existence de laïcs comme subordonnés; l'existence de laïcs renvoie à l'existence de clercs comme ceux qui protègent les droits des laïcs. Et cela est un piège, parce que les clercs ne concèdent de droits ni ne les protègent mais se les approprient et les enlèvent aux chrétiens et chrétiennes. J'ai toujours été contre une théologie du laïcat, parce qu'elle renvoie à une théologie du clergé. L'opposition clercs-laïcs doit être abolie parce qu'elle génère en soi dépendance et subordination chez celles et ceux qu'on appelle les "laïcs" et être remplacée par le binôme communauté-ministères.

Église enseignante-enseignée: une seconde opposition à éliminer à la racine. C'est une de celles qui m'indignent le plus parce qu'elle part de l'idée que dans l'Église il y a des personnes qui savent tout et généralement coïncident avec ceux qui commandent; aux évêques on donne le titre de docteurs au moment de la consécration épiscopale, quoiqu'ils ne soient pas même licenciés; on voit que l'Esprit Saint, qui leur arrive avec l'imposition de la mitre, leur souffle le savoir, chose qui ne nous arrive pas à nous, le commun des mortels, qui avons à étudier beaucoup pour savoir un tout petit peu. Il y a des gens qui ne savent rien et qui peuvent dire beaucoup à ceux qui ont le bâton de commandement, même s'ils sont docteurs. Selon cette division, il y a une Église savante et une autre analphabète. Et la seconde, il faut la maintenir dans son ignorance parce que c'est le meilleur moyen de la garder soumise. Le savoir donne le pouvoir, et l'ignorance l'impuissance. Dans la communauté chrétienne, tous nous apprenons et tous nous enseignons. Dans l'Église il n'y a ni seigneurs ni maîtres. Jésus défend d'appeler quiconque seigneur et maître, si ce n'est Dieu. Il dit que les premiers seront les derniers et que ceux qui commandent doivent servir, en commençant par donner eux-mêmes l'exemple.

La troisième opposition à supprimer est celle de hiérarchie-peuple, la plus enracinée peut-être dans l'imaginaire collectif des chrétiens. Il s'agit, également, d'une opposition contraire à l'esprit et à la pratique du mouvement égalitaire de Jésus.

La démocratisation de l'Église requiert de maintenir toujours vivante la dialectique consensus-dissentiment, sans diaboliser ceux qui vivent, pensent et agissent d'une autre manière, " incorrectement " - aux yeux de l'orthodoxie, s'entend - ni absolutiser le point de vue officiel. La dissidence et l'hétérodoxie ont aussi leurs droits, et les dissidents ont le droit de les exercer dans un climat de liberté. En outre, le droit au dissentiment et à la dissidence est inscrit au cœur même du christianisme. Il convient qu'il y ait des hétérodoxes, recommandait saint Paul. Dans le même sens s'exprime le philosophe Ernst Bloch, qui ouvre son livre L'Athéisme dans le christianisme avec un aphorisme qui pour moi s'est converti en impératif catégorique: " Le meilleur de la religion est qu'elle crée des hérétiques. " Pas pour les brûler ou les anathématiser mais pour tenir compte de leurs points de vue. En effet ce qui dans un premier temps est regardé comme déviation, est bien des fois une vision anticipatrice de quelque chose qui finit par recueillir l'acceptation générale.

2.2 Elaboration d'une déclaration des droits et devoirs des chrétiens et chrétiennes dans la communauté.

Sans une déclaration et une réglementation des droits humains, la démocratie n'est pas possible. Et ce déficit est un des plus graves de l'Église catholique. Pourquoi une déclaration? Parce que croyants et croyantes, nous sommes majeurs et adultes et que nous avons des droits auxquels nous ne pouvons renoncer, sauf à vouloir rester des mineurs à vie dans le domaine de la foi. Dans une communauté de frères et de sœurs comme la communauté chrétienne, il faut éliminer tout paternalisme, qui prolonge indéfiniment l'état de minorité. " Nous voulons les droits humains dans l' Église, nous les voulons tous et nous les voulons maintenant. " Ce pourrait être un bon slogan revendicatif à exercer ensuite dans les faits, même s'ils ne nous sont pas reconnus, parce qu'ils sont inscrits dans la nature même de la personne et de l'être chrétien et sont inaliénables.

Il est nécessaire de retrouver la structure charismatique et ministérielle de l'Église. Les charismes et les ministères sont constitutifs de toute l'Église et de toute la Communauté. Et le critère à prendre en compte pour leur exercice est le service et la disponibilité. En aucun cas le genre ni la classe sociale ni la culture ni la couleur de la peau ni la provenance géographique. La communauté chrétienne a besoin d'animateurs de la foi non de hiérarques, de serviteurs non de seigneurs, d'êtres humains adultes non de personnes sacrées, de témoins de l'amour de Dieu parmi nos semblables non de représentants diplomatiques.

A la lumière de ces critères il faut réviser les fondements théologico-bibliques des actuels ministères ecclésiaux, et surtout de ceux appelés " ordonnés ", et de leur exercice, pour voir dans quelle mesure ils répondent à l'esprit et à la pratique de service des origines du christianisme. Il est urgent de le faire pour ne pas considérer comme " Révélation " ce qui est le fruit d'une convention humaine d'une autre époque n'ayant rien à voir avec la nôtre, ni pour donner pour historiquement consolidé quelque chose qui est, je crois, une déformation. De surcroît, l'histoire ne saurait être l'argument définitif pour maintenir des formes déterminées de ministère qui sont contraires au projet égalitaire de Jésus de Nazareth.

2.3. Nouvelles formes de ministère

Il est nécessaire de réinventer de nouvelles formes de ministère, dans lesquelles on élimine les incompatibilités comme " ministère et sexualité ", " sacerdoce et vie en couple " et d'établir un autre régime d'incompatibilités, par exemple, entre " ministère et usure " (qui ne serait pas mal venue dans quelques diocèses espagnols, comme ceux de Valladolid, Bilbao...), " ministère et rationalité économique néo-libérale ", " ministère et alliance avec le pouvoir ", " ministère et sexisme "", etc. Actuellement, c'est sur les premières incompatibilités qu'est mis l'accent, tandis que les secondes sont considérées sans importance. Or ce sont celles-ci et non celles-là qui sont établies dans l'Évangile avec une radicalité inusitée. Jésus dit qu'on ne peut servir Dieu et l'Argent (Mammon, avec une majuscule: l'argent converti en idole). Dans l'Évangile il n'y a pas un seul interdit qui empêche de jouir du corps, de la sexualité, de l'amour.

2.4. Perspective de genre

La réforme de l'Église doit se faire à partir de la perspective de genre. Sans elle nous aurions une Église réformée, démocratique, ouverte à la modernité, engagée avec les pauvres, mais en définitive patriarcale, où l'exercice du pouvoir, l'interprétation des textes, la raison théologique, la vérité seraient aux mains des hommes selon la logique androcentrique, considérée comme le canon de toute logique.

L'analyse de genre est utilisée aujourd'hui dans tous les champs de l'activité humaine, du savoir et de la science, de la politique et de l'économie, etc. La mondialisation est objet d'étude selon la clé de genre, pour démontrer que l'inégalité qu'elle génère affecte plus les femmes que les hommes. Au XXIIème Congrès de théologie [de l'Association Jean XXIII, ndtr] sur CHRISTIANISME ET MONDIALISATION il y eut une conférence intitulée " Mondialisation et inégalité dans la perspective de genre ". Les études du PNUD (Programme des Nations-Unies pour le développement) sur la pauvreté et le développement ont depuis longtemps intégré la catégorie de genre.

Le lieu où cette variable s'applique le moins est l'Église catholique. Il faut commencer à le faire de façon normale tant dans les études sociologiques et théologiques que dans l'organisation même de l'Église. Pourquoi? Non pour fomenter une guerre pour le pouvoir entre les hommes et les femmes, ni pour exclure quiconque. Tout au contraire: comme catégorie inclusive.

L'utilisation de la catégorie de genre nous conduit, en premier lieu, à reconstruire le mode de penser androcentrique présent dans la réflexion théologique et dans l'organisation patriarcale (" kiriarchique ", comme dit Elisabeth Schüssler Fiorenza) de l'Église catholique. Une analyse du dogme de la Trinité, central dans le christianisme à partir de la catégorie de genre permet de découvrir que nous sommes devant une doctrine patriarcale du début à la fin. La doctrine catholique de la Trinité est un exemple achevé du patriarcat à l'état pur. En Dieu, représenté comme masculin, il y a trois personnes toutes trois masculines, Père, Fils et Esprit Saint, même si en hébreu l'esprit (ruah) est féminin. Zéro féminin dans le mystère de la Trinité (là peut-être gît le mystère!).

Tous les attributs que la vieille théodicée et la théologie traditionnelle appliquaient à Dieu étaient des attributs de mâle: tout-puissant, omniscient, créateur, omniprotecteur. Jésus est le fils mâle du Dieu mâle et il ne peut être représenté dignement que par des mâles. Les titres attribués à Jésus sont ceux du pouvoir de la lignée masculine. De même les fêtes en son honneur: Christ-roi, qui clôt l'année liturgique, Jésus Christ-Prêtre Suprême et Éternel Prêtre (Fête-Dieu). Et ainsi de suite.

L'Esprit Saint, quoique représenté sous la forme d'une colombe, est détenu dans l'Église catholique par les mâles, qui croient disposer de lui et le contrôler en exclusivité. Ce sont les hiérarques mâles qui discernent l'authenticité des charismes, les manifestations de l'Esprit qui se donnent chez les chrétiens et les chrétiennes. Alors, l'Église se structure à l'image et ressemblance de la Trinité. Le concile Vatican II dans la Constitution Lumen gentium part précisément de cette idée: l'Église dans le mystère de la Très Sainte Trinité.

2.5. Chemins d'inclusion des femmes

Le second temps est la reconstruction et l'inclusion. Nous pouvons commencer par nous demander quels sont les chemins incorrects d'inclusion des femmes dans une Église démocratique. Il y a des chemins inadéquats qu'il ne faudrait pas suivre et des chemins adéquats par où il faudrait passer. Parmi les inadéquats, il y en a deux.

L'accès des femmes au ministère ordonné dans sa configuration patriarcale actuelle: loin d'inclure les femmes dans la communauté chrétienne, il pourrait renforcer encore le modèle patriarcal d'Église et de ministère. Il est nécessaire de revoir de façon critique tant le fondement théologique du ministère ordonné que les formes de son exercice aujourd'hui.

L'association faite entre la femme et la conception classique du service. C'est un piège gros comme une cathédrale. Pourquoi? Parce qu'on continue à l'intérioriser, assumant et donnant pour bon le stéréotype qui établit une relation intrinsèque entre être femme et servir, se sacrifier, prendre soin des autres, toutes fonctions qu'on considère comme inhérentes au fait d'être femme. Non, le service n'est pas un charisme spécifique des femmes. C'est une fonction commune aux hommes et aux femmes qui désirent vivre dans la voie de Jésus, dans toute sa radicalité.

Parmi les chemins adéquats pour l'inclusion vient en premier la visibilité, qui doit être à la base de tout projet égalitaire dans la communauté chrétienne. Ce qui ne se voit pas n'existe pas. Si les femmes sont exclues de l'autel et de la chaire, c'est parce que ce sont des lieux visibles, représentatifs, significatifs, importants, lieux d'autorité et de prestige, lieux de la parole. Et les mâles clercs se refusent à les partager avec les femmes, comme avec les mâles laïcs.

Autre chemin adéquat, qui va avec la visibilité: l'accès direct des femmes aux textes fondamentaux de la foi, et d'abord à la Bible, où l'on peut trouver des pratiques véritablement en faveur de la libération de la femme des entraves auxquelles elle se voit soumise dans une culture androcentrique. La lecture de la Bible selon une herméneutique du soupçon, en clé de genre, fait émerger et venir à la lumière tout ce qui dans la Bible est occulté ou dissimulé ou que l' herméneutique androcentrique a éliminé. Ce que le texte biblique et les interprétations postérieures ont réprimé doit émerger. Et ce n'est pas seulement la tache des femmes théologiennes mais de théologiens et théologiennes travaillant à la construction du nouveau paradigme dans lequel il faut articuler la perspective de genre avec d'autres perspectives comme l'ethnie, la classe, la culture, la religion, etc. L'étude de la Bible, de la théologie et de l'histoire de l'Église à partir de la perspective de genre nous oblige aussi à nous impliquer, nous autres mâles, dans ce processus de déconstruction et de reconstruction.

Autre chemin adéquat: l'entrée des femmes dans les " ministères et charismes " n'ayant pas de raison d'être " ordonnés ", et encore moins contrôlés par des mâles clercs. Les théologiens représentant les institutions ecclésiastiques ont l'habitude de se réclamer de Jésus de Nazareth pour poser limites sur ce point. Or ces limites ne sont pas dues à Jésus de Nazareth. Elles ont été imposées par les hiérarques eux-mêmes. Les conditions requises pour l'exercice des ministères et des charismes dans la communauté chrétienne ont à voir avec la disponibilité, la libre option de la personne et la capacité de servir, non avec le genre.

Le protagonisme et la capacité de décision des femmes n'ont pas de raison d'obéir aux normes et modèles patriarcaux. Un exemple extraordinaire de liberté de décision a été donné par un couvent de sœurs bénédictines qui décida démocratiquement de participer à un congrès sur l'ordination des femmes, alors que le Vatican le leur avait interdit.

Les décisions prises démocratiquement par une communauté sont valides et au-dessus des ordres supérieurs qui prétendent limiter la liberté de décision. C'est le chemin à suivre non seulement dans la vie religieuse mais dans la vie et l'activité de toutes les communautés chrétiennes.

2.5. Désoccidentalisation du christianisme

Il faut inculturer le christianisme dans les différentes traditions culturelles ou il est implanté. Aujourd'hui, le christianisme est occidental. Dans le langage courant on parle indistinctement de civilisation chrétienne et d'Occident comme formant un tout. L'un et l'autre sont interchangeables et difficilement séparables: l'Occident est chrétien et le christianisme est occidental. Et cela constitue une contradiction à sa racine même, parce que le christianisme ne naît pas comme religion occidentale mais plutôt comme une religion orientale. Il s'est désorientalisé et s'est occidentalisé à l'extrême. Il en subit une perte considérable d'universalité.

Avec cette conception du christianisme, l'évangélisation se convertit en un acte d'expansion territoriale et de prosélytisme de la culture et de la religion majoritaire d'Occident. Les christianismes des autres aires culturelles sont réduits à l'état de simple succursale, de copie ou d'imitation de la foi chrétienne telle qu'elle se pense, s'élabore théologiquement et se vit en Occident. Le véritable christianisme est l'occidental. Qu'ensuite il y ait une église chrétienne en Inde ou en Haïti, celle-ci doit s'adapter au modèle d'église occidental. Et plus elle s'adapte, plus elle est authentique.

Un des exemples les plus scandaleux de cette occidentalisation fut -et demeure encore aujourd'hui- la destruction des cultures et religions indigènes menée jusqu'au bout par le christianisme au long d'une bonne partie de son histoire en Asie, en Amérique latine, en Afrique, etc. J'ai entendu des prêtres indigènes d'Amérique latine raconter comment, pour être ordonnés prêtres ils durent passer par un processus de désindigénisation. A l'entrée au séminaire ils durent renoncer à leurs croyances, à leurs rites, à leur culture, parce que le christianisme colonial les considérait comme superstitions. Ils n'étaient ordonnés prêtres qu'après avoir réussi à abandonner leurs croyances et leur culture et après avoir fait une déclaration d'adhésion inconditionnelle aux croyances chrétiennes entendues l'occidentale. Tout reste d'attitude indigène était réprimé jusqu'à ce qu'il n'en reste plus la moindre trace. Et, quand ils récupérèrent l'identité indigène, ils durent faire le chemin inverse: se libérer des formes occidentales du christianisme, reformuler et vivre la foi selon leur clé culturelle propre.

Je crois nécessaire de mettre en question ce modèle de christianisme occidental parce qu'il n'est pas authentiquement universel mais impérial. Pour cela il faut commencer par critiquer sévèrement le vieux concept de mission, derrière lequel se trouve un projet colonisateur contraire à la liberté de l'Évangile et au pluralisme religieux, qui est un des faits majeurs de notre temps. L'attitude face à ce pluralisme ne peut être l'imposition des croyances d'une religion et d'une culture déterminées à des communautés qui possèdent une autre culture et vivent d'autres religions, c'est le dialogue interculturel et interreligieux. Il faut enterrer définitivement les vieilles thèses de notre ecclésiologie, comme le "hors de l'Église point de salut", "l'Église catholique est l'unique dépositaire de la vérité", "l'erreur n'a pas de droits", "Jésus Christ est l'unique médiateur de salut", encore profondément enracinées dans l'imaginaire collectif des chrétiens et très présentes dans l'Église officielle. Si c'est de "vérité" qu'il s'agit, il est raisonnable qu'il y ait plus de vérité dans toutes les religions que dans une seule. Si c'est de "manifestations de Dieu" qu'il s'agit, avec l'histoire en main on peut démontrer que Dieu s'est révélé sous de multiples formes et à travers une pluralité de médiateurs.

Pour les chrétiens, le médiateur de salut est Jésus de Nazareth le Christ Libérateur, mais nous ne pouvons l'imposer aux croyants des autres religions, pas plus qu'ils ne peuvent nous imposer leurs médiateurs. Les attitudes religieuses les plus cohérentes sont le respect des croyances des autres, le dialogue entre croyants des diverses traditions religieuses, la prière en commun, le travail conjoint à des projets de coopération à partir du critère éthique de l'option pour les exclus, qui est présent dans toutes les religions, dans le débat théologique, etc. Il existe déjà de très riches expériences de spiritualité interreligieuse, de théologies macro- œcuméniques, de collaborations sur le terrain social, etc. Cependant, ce n'est pas le chemin suivi par le Vatican, qui condamne les théologiens, théologiennes et les communautés chrétiennes qui vivent leur foi chrétienne et travaillent intellectuellement en dialogue avec d'autres cultures et d'autres religions.

2.6. Localisation sociale correcte

La Réforme de l'Église implique de se situer correctement, de savoir d'où on agit et pour qui. La Réforme doit se réaliser à depuis un lieu social déterminé. Toutes les Réformes ont été menées à bien à partir d'un lieu social déterminé: le tournant constantinien au IVème siècle est venu du pouvoir politique, qui reconnut le catholicisme comme religion protégée; la Réforme grégorienne au Moyen-Âge, d'en haut, de la papauté, pour affirmer le pouvoir papal face au pouvoir impérial et au-dessus de lui. La Réforme anglicane a eu lieu à partir de la position privilégiée du monarque Henri VIII. La Réforme protestante triompha, dans une certaine mesure, avec l'appui des princes. Le lieu d'où Vatican II entendit réformer l'Église catholique est le Premier Monde.

Je crois que la réforme de l'Église du XXIème siècle ne doit venir ni de Rome ni de Wittenberg. Elle doit se faire à partir du monde de l'exclusion dans toutes ses dimensions: sociale, culturelle, ethnique, religieuse, de genre, qui est le lieu social prioritaire des chrétiens. Et elle doit se faire avec et dans les mouvements qui luttent contre l'exclusion: mouvements sociaux, mouvements de résistance globale, mouvements des droits humains, mouvements des sans terre, mouvements indigènes, etc.

Trad. H.Tournès [revue par l'auteur] Le texte de cette conférence peut être librement diffusé, l'auteur souhaitant connaître la diffusion faite Mail-to jjtamayo@terra.es

 

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