Jacques Dupuis théologien recouvre son droit
de parole en Église
Jacques Dupuis est ce jésuite belge,
grand spécialiste de la théologie des
religions, qui a publié en 1997: "Vers une
théologie chrétienne du pluralisme
religieux "(Éditions du Cerf, coll. Cogitatio
fidei, no 200). Il a vécu en Inde de 1948 à
1984. Il aida le Père Le Saux devenu Swami
Abhishiktananda dans son projet de rencontre de
l'hindouisme et du christianisme. Pendant 25 ans, il y a
enseigné la christologie, avant de venir
poursuivre son enseignement à la fameuse
Université Grégorienne à Rome de
1984 à 1998. Son œuvre se nourrit d’une
longue réflexion avec les théologiens
indiens proches du vécu religieux des gens de leur
pays. Elle est un dialogue avec de nombreux
théologiens catholiques et protestants dans un
domaine relativement inexploré, où il faut
de toute évidence tracer des voies nouvelles.
Mais ce livre n’a pas eu l’heur de plaire au
cardinal Ratzinger et à la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi. Le Cardinal avait
déjà exprimé ses vues restrictives
sur le rapport de la religion catholique aux autres
religions dans un texte de 1996, il les reprendra en
septembre 2000 dans le fameux Dominus Jesus. Mais entre
temps, au début octobre 1998, son intervention
amena la suspension des cours de Jacques Dupuis. Dans
les milieux officiels, et son enseignement et son livre
étaient mis en suspicion. Ce qui provoqua une
courageuse et vigoureuse intervention dans The Tablet du
Cardinal König, ex-archevêque de Vienne, qui
fut le responsable du dialogue interreligieux de
l’Église. Non seulement il louangeait le
livre, mais le sérieux de la démarche de la
Congrégation était
questionnée…
La notification
Pendant deux ans et demi, Jacques Dupuis fut
réduit au silence sur ces points
controversés. Mais progressivement
s’amorça une nouvelle étape. La
Congrégation pour la Doctrine de la Foi
rédigea un texte que le théologien
jésuite devait signer pour recouvrer son droit de
parole et de publication. D’abord il refusa parce
qu’on imputait à son
livre «de très graves erreurs contre la
foi». Enfin au mois de décembre, il
signa une version nouvelle après consultation de
ses supérieurs : «Ils me convainquirent
que c’était ce que je devais faire afin de
poursuivre mon travail théologique et être
loyal à l’Église et, avec une certaine
répugnance, j’ai signé.»
Répugnance parce que le ton du texte, qui
n’invite pas du tout au dialogue, et certaines
formulations dures à l’égard des
religions non-chrétiennes ne pouvaient certes pas
lui plaire. À remarquer toutefois qu’on ne
parle plus de graves erreurs dans son livre, mais de
graves ambiguïtés…
Voici comment l’agence APIC rapporte la nouvelle
: «Devant les journalistes qu'il a reçus
mardi, le théologien belge a confirmé qu'il
avait bien signé le document en question le 15
décembre 2000. Mais il a
précisé qu'il conteste toujours certains
points de la doctrine de l'Église catholique.
La notification publiée par le
Saint-Siège reprend les questions soulevées
par le livre du Père Dupuis Vers une
théologie chrétienne du pluralisme
religieux. Les cinq points de cette notification sont
développés en deux temps: affirmation des
principes de la doctrine catholique («Il faut croire
fermement que...»), puis réfutation des
doctrines contraires («Il est donc contraire
à la foi catholique... »). «Nous sommes
tous d'accord avec la première partie des
propositions, mais la seconde est dirigée
explicitement contre mon livre, alors que je ne
présente pas ces thèses fausses»,
s'est défendu le jésuite belge. C'est
pourquoi il n'a pas signé la première
version de la notification - modifiée à
trois reprises. «Je ne suis toutefois toujours pas
complètement d'accord avec certaines de ces
deuxièmes parties», a-t-il
ajouté.»
Trois courtes citations pour terminer. D’abord
cette exigence de la notification : «En signant ce
texte, l'Auteur s'est engagé à
reconnaître les thèses
énoncées et à s'en tenir à
l'avenir, dans ses activités théologiques
et ses publications aux contenus doctrinaux
indiqués dans la Notification, dont le texte devra
apparaître aussi dans les éventuelles
réimpressions ou rééditions du livre
en question ainsi que dans ses traductions.»
Enfin deux phrases de Jacques Dupuis aux journalistes
: «Le but de la notification était de faire
de moi un exemple pour un certain nombre de
théologiens de l’Inde qui ont
accepté le rôle clef du Christ, mais qui ont
aussi insisté sur les aspects positifs des fois
non chrétiennes.» Là-dessus, il
demeure très proche d’eux :
«Pour moi, Jésus
Christ est le sauveur universel, mais en même temps
je crois que dans le plan divin les autres traditions
religieuses du monde ont une contribution positive
à faire à l’humanité.»