Interpellations

 

 

 

3111 définitions, questions :E. Savajol

3112 Eglise lève-toi ! E. Savajol

3113 ne fais-tu pas barrage à l'Esprit Saint ? André Spurgeon

3114 les indulgences!: E. Savajol

3115 au cardinal Ratzinger... E. Savajol

3116 les églises n'ont-elles pas parfois un comportement de secte? E savajol

3117 aux clercs G. Siguier

3118 du gouvernement dans l'église : J.F. Doran

3119_legaut.html extraits

3120 trahison des clercs : G. Siguier

3121 l'oecuménisme est dépassé !: G. Siguier

3122 aux pasteurs protestants: G.Siguier

3123 à mon curé : G. Siguier

3124 marie mère de Jésus Christ dans les jours de sa chair. E. Savajol.

3125 évangéliser l'église !

3126 Mariage indissolubilite, nullite Ed.Savajol

3127 Credos !

3130 dogme_edmond.htm Ed .Svajol

3131 dogmes-siguier.htm G. Siguier

3132 transsubstantiation.htm G. Siguier

3133 misères cathos:pouvoirs

3134-repas diviseur

3135 chretiens libres

3136-acosta -reformes

3137 -derive vers la religion

3138-pain-eucharistie.htmClaire-Marie

3139_oser-transgresser

3140-geffre-claude

3141-dupuis-jacques

3142-sobrino-jon

3144-comblin-jose.htm  Eglise et Pouvoir

3145- kung-aux-eveques

/3146-dirigeants-myre.htm

3147-vaticanII-comblin.htm

3150-lefebvre-au-pape

  Église  et  pouvoir
José Comblin

José Comblin est  né en Belgique en 1923. Il est  docteur en théologie de l’Université de Louvain. Après plusieurs années de travail au Brésil, il en est banni, en 1972. Il traverse au Chili mais en 1981 la dictature de Pinochet lui refuse l’entrée de nouveau. De retour  au Brésil, il  voyage un peu partout pour des rencontres et conférences. Il a été conseiller de don Helder Camara et du cardinal Arns, de Sao Paulo, à la Conférence des évêques de Medellin en 1968 et à celle de Puebla en 1979. Il est l’auteur de plus de 60 livres et de centaines d’articles.
Le présent texte, transcrit à partir de conférences prononcées à Santiago, Chili, en novembre 2005, conserve le « style oral ».

 

Il est de plus en plus évident que le principal problème pour les chrétiens d’aujourd’hui, c’est la question du pouvoir. C’est la principale nouveauté, le grand défi que la culture contemporaine adresse à l’Église après Vatican II. Le Concile n’a pas parlé de ça. Il a plutôt essayé d’éviter la question, parce qu’à ce moment là, la question du pouvoir n’était pas encore un thème dominant dans la culture occidentale.

Dans Lumen Gentium, le Concile  a tenté de ne pas utiliser le mot pouvoir; quand il parle de la hiérarchie, il utilise le mot « munus » (tâche), ou des mots qui signifient le service. C’est ainsi qu’on évite de toucher à la question du pouvoir. C’est bien évident qu’on a évité volontairement le mot pouvoir (sauf à quelques occasions comme en 18a où les mots « pouvoir sacré » sont immédiatement atténués par le mot service).

La hiérarchie tente de mettre le sujet de côté en pensant que c’est une question incongrue, non pertinente, mais sa pertinence est plus évidente que jamais. Le clergé, formé pour manipuler des concepts édifiants, rejette l’idée que quelque chose pourrait être motivé par des questions de pouvoir dans l’Église. On présume que tout se fait par amour. Même la condamnation des hérétiques se fait par amour. C’est un service pour l’Église. Il est clair que, comme pour toute société humaine, la question du pouvoir est pertinente dans l’Église. Encore plus, elle est inévitable.

La relation de pouvoir est encore celle définie par la chrétienté médiévale. Les formes ont changé, mais le fond demeure le même.

Dans l’ecclésiologie traditionnelle, depuis les origines au  XIVe siècle, le mot pouvoir occupe le centre du sujet. Alors, l’Église se définit par les pouvoirs qui la constituent.  Ce qui fait l’Église, ce sont les pouvoirs de la hiérarchie. Le mot pouvoir a toujours un sens positif et seulement positif. Le pouvoir est l’un des principaux attributs de Dieu, peut-être l’attribut le plus important, pour le moins dans la dévotion catholique. Dans la liturgie on ajoute toujours l’adjectif puissant ou tout puissant à l’invocation de Dieu. Dieu est le tout puissant. Le pouvoir de Dieu est totalement positif. Il est le créateur et le sauveur. C’est ce qui produit tout ce qui existe et qui conduit la création, agissant par les moyens du salut.

Maintenant, le pouvoir de Dieu agit à travers les pouvoirs humains. Dieu n’agit pas sans la médiation des hommes. Ces médiateurs revêtus d’une participation au pouvoir de Dieu pour réaliser les œuvres de Dieu sont la hiérarchie de l’Église. Le pouvoir de la hiérarchie est seulement positif, parce que c’est le pouvoir même de Dieu. On dit que la hiérarchie est la cause efficiente de l’Église. Elle produit l’Église car l’action salvatrice de Dieu passe par cette médiation. Le pouvoir de la hiérarchie est comparable seulement avec le pouvoir créateur de Dieu : ce sont eux qui créent l’Église. C’est le pouvoir sauveur de Dieu : ils réalisent le salut. Dieu a élu quelques hommes pour être les sauveurs de l’humanité. Les laïcs se sauvent par l’intervention de la hiérarchie. Sans la hiérarchie ils ne sont rien. Ils reçoivent tout et ne produisent rien.

Ce pouvoir surnaturel de la hiérarchie culmine dans l’eucharistie. Comme le Pape vient de le rappeler, le prêtre ordonné prononce les paroles de la consécration comme s’il était le Christ lui-même. Le Christ parle par sa bouche et produit par la bouche du prêtre le miracle de la transsubstantiation, le plus grand miracle qu’on puisse imaginer. Le ministre ordonné a la même force que Dieu, quand il célèbre l’eucharistie.

Les laïcs regardent, admirent, adorent et reçoivent Dieu des mains du prêtre. Cette théologie est l’image de l’Église dans l’ecclésiologie traditionnelle qui est courante jusqu’à Vatican II, même si elle a été réfutée par les meilleurs biblistes et les meilleurs historiens catholiques. C’est toujours la théologie du Pape.

Ce pouvoir est le service de la hiérarchie. Exercer le pouvoir divin c’est le service que le ministre ordonné offre à l’Église à laquelle il a donné vie. Il ne peut y avoir aucune opposition entre le pouvoir et le service. Le pouvoir est le plus grand service.

Il est évident que cette identification entre pouvoir et service ne vient pas du Nouveau Testament. Elle vient de l’idéologie impériale. Dans cette idéologie, tout pouvoir est positif parce que tout pouvoir est service à la société «  Dominer pour servir », voilà  la définition de tous les colonialismes, jusqu’à la guerre en Irak qui est le plus grand service apporté au peuple irakien.

Les théologiens de ce temps là connaissent très bien tous les défauts personnels de la hiérarchie, des prêtres et des diacres. Mais cela ne change pas la théorie. Les pires prêtres continuent à créer l’Église par ses sacrements, ses paroles et son gouvernement. Les abus de pouvoir sont considérés comme de purs problèmes personnels qui se solutionnent par la conversion du prêtre. Ils ne reconnaissent pas que cette situation n’est pas inévitable, qu’elle est liée en grande partie au modèle de société qu’on a bien voulu imposer à l’Église et qu’il s’agit, par le fait même, d’un problème de politique dans l’Église.

Mais, les membres de la hiérarchie ne peuvent pas être de purs représentants du pouvoir de Dieu. En exerçant son pouvoir, ils ne communiquent pas le message de Dieu, mais plutôt toute la théologie. En administrant les sacrements, ils manipulent la religiosité populaire avec sa magie et ses superstitions. En gouvernant leurs paroisses et leurs diocèses, ils agissent comme des patrons d’entreprises. Ils créent une certaine orientation de l’Église, ils ne créent pas l’Église produit de l’Esprit Saint, par l’intermédiaire de tous les chrétiens, chacun  avec son charisme. L’orientation donnée par le clergé n’est pas corrigée ni améliorée par le peuple chrétien, elle se transforme en domination. Alors, le pouvoir devient domination, comme dans toutes les institutions humaines. C’est pour ça qu’il existe toujours un problème politique dans l’Église, qui est le problème que les membres du clergé sont des êtres humains et non de purs dépositaires du pouvoir de Dieu. Leur pouvoir n’est pas comme le pouvoir de Dieu, pure force créatrice, il n’est pas un pur don de la vie. Il est aussi imposition, arbitraire, domination de l’homme sur l’homme. Pas seulement à cause des vices personnels, mais par les structures de péché.

La conception médiévale du pouvoir dans l’Église, avec l’abîme qui s’en suit entre le clergé et le peuple, est en crise depuis deux siècles, même si la hiérarchie l’a nié jusqu’à Vatican II et si plusieurs le nient encore aujourd’hui.

Cette relation est en crise depuis longtemps et la crise s’est accentuée davantage au XXe siècle. Des millions de personnes ont abandonné l’Église catholique et la cause fondamentale, consciente ou inconsciente, c’est la question du pouvoir. Avec le Pape actuel, on ne peut même pas soulever le problème parce que son pouvoir est plus absolu que le pouvoir de n’importe quel Pape du passé, incluant le pouvoir de Pie XII. La hiérarchie nie le problème parce qu’elle sent qu’elle serait le premier objet de la contestation. Mais il est évident que la nouvelle société urbaine, alphabétisée et culturellement développée, n’accepte pas ce genre de relation de pouvoir qui est né au Moyen Âge. Elle ne peut accepter que Dieu réserve sa médiation à quelques-uns, quand le Nouveau Testament annonce que l’Esprit Saint est donné à tous. Il affirme qu’il y a diversité de rôles et de services. On ne discute pas le fait que certaines personnes soient destinées à gouverner. Mais on n’accepte pas que le pouvoir humain soit identifié au pouvoir de Dieu.

On ne peut pas nier que l’Église, comme tout groupe humain, a besoin d’une organisation de pouvoir, mais pas éternellement cette organisation née à une époque historique donnée, limitée dans le temps. Personne ne nie que l’autorité soit nécessaire. Mais le système actuel de l’autorité fait que des millions de catholiques, justement ceux qui sont de la nouvelle culture urbaine, s’éloignent de l’Église, ou tout simplement perdent inconsciemment le sentiment d’appartenance à cette Église.

Il faut donc voir et examiner de façon critique le système de pouvoir qui existe dans l’Église, régi par un droit canonique toujours relatif. Il faut voir clairement la différence entre ce qui est permanent dans l’Église et ce que l’histoire a faite dans les siècles suivants. Sinon, nous serons prisonniers de l’histoire, prisonniers d’un passé mort.

1.  L’ECCLÉSIOLOGIE DU NOUVEAU TESTAMENT ET LE POUVOIR

L’ecclésiologie de Paul est centrée sur le concept du peuple de Dieu, corps du Christ et temple de l’Esprit Saint. Ce concept est sous-jacent à tous les chapitres de ses lettres. Tout ce qu’il dit de l’Église se réfère à ce peuple de Dieu.

La doctrine du pouvoir selon Paul  est implicite dans sa doctrine sur la Loi et l’Esprit. Le peuple de Dieu passe par deux étapes. D’abord, il y a eu le régime de la Loi et maintenant, avec Jésus, commence le régime de l’Esprit. Dans le régime de la Loi, la relation avec Dieu est une relation de soumission. Le peuple de Dieu est le peuple qui se soumet à la Loi. L’obéissance à la Loi est la vertu suprême. Mais, la Loi ne serait pas réelle si elle n’était pas présentée par des dirigeants humains. La Loi n’existerait pas comme telle, s’il n’y avait pas sur terre, au dessus du peuple, une autorité qui oblige à la respecter. Cette autorité est représentée par les docteurs et les prêtres, ceux-là même qui ont condamné Jésus. La soumission à la Loi se traduit par la soumission à ses représentants. Obéir à Dieu, se résume dans la pratique à obéir aux autorités qui l’imposent.

Pour Paul, la Loi – c’est-à-dire tout le système centré sur la Loi – ne sauve pas, parce qu’il ne change pas l’être humain. La personne se soumet par crainte du  châtiment, mais sans se renouveler personnellement. Il n’y a que l’Esprit pour renouveler l’humanité. Sous  le régime de la Loi, l’autorité agit en imposant la Loi. Par l’Esprit, la personne se sent interpellée, poussée par une force interne qui la rend capable de suivre le chemin de Jésus sans aucune imposition. Elle fait le bien par sa propre volonté, non par obligation. 

Dans le régime de la Loi, les représentants de la Loi l’utilisent pour imposer leur propre volonté. Ils interprètent, augmentent, changent les préceptes de la Loi pour qu’ils coïncident avec leur volonté et leurs avantages, même matériels.

Dans  sa doctrine de l’Esprit, Paul ne prête pas attention au problème du pouvoir, que ce soit celui de l’Église dans la société, que ce soit le pouvoir dans l’Église, ou ce qu’on appelle maintenant les ministères. Selon lui, le pouvoir apostolique, c’est l’autorité pour annoncer l’évangile de Jésus, comme force dans le monde. C’est le pouvoir de Dieu, qui est le pouvoir de conversion et de vie nouvelle. Mais il n’élabore pas lui-même une doctrine de l’apostolat comme pouvoir dans l’Église.

Selon lui, dans la communauté chrétienne, le pouvoir de Dieu se manifeste dans l’abondance des charismes qui sont des forces données à certains ou à tous les membres. Les charismes semblent avoir une force intrinsèque qui porte les membres de la communauté. Comme apôtre de Jésus-Christ, Paul exerce le pouvoir de dénoncer, d’exhorter, d’orienter : le pouvoir de rappeler les enseignements de Jésus. Lui-même ne définit pas ce qu’est ce pouvoir des apôtres.

Mais de son côté,  l’ecclésiologie des évangiles est centrée sur la question du pouvoir. Dans la pensée de Jésus, le problème du pouvoir est le problème principal et prioritaire de l’Église. Ce mot, Église, est presque absent des évangiles mais la réalité est présente dans les disciples. Quand Jésus se dirige aux disciples dans leur ensemble, il énonce son ecclésiologie.

Les principaux textes sont dans le chapitre 18 de Mathieu (surtout 1-7; 12-35) en Mathieu 2-,2--28, 23, 8-12 et dans le chapitre 13 de Jean.

Il n’est pas nécessaire de faire une exégèse très minutieuse pour voir que Jésus installe une nouvelle façon d’exercer le pouvoir, une nouvelle relation de pouvoir. Pendant des siècles, on a lu ces textes comme des conseils moraux, comme des recommandations faites aux dirigeants pour qu’ils adoptent  une meilleure façon d’agir.  Jésus n’est pas venu faire de exhortations morales mais  pour changer les structures du peuple de Dieu. Pour les exhortations morales, il y avait les sages qui ont laissé de nombreux écrits de sagesse. Jésus est venu détruire la structure de pouvoir qui existait dans le peuple pour construire une nouvelle structure de relations à l’intérieur de ce peuple.

Pendant des siècles, on a interprété les paroles du Christ  comme si le disciple de Jésus devait exercer les structures de pouvoir de toujours, mais avec un nouvel esprit, d’une façon différente.  L’Église est tombée dans la même déformation que celle qui affecte les sociétés civiles ou le peuple d’Israël, c’est-à-dire, commettre l’injustice mais avec des bons sentiments. Ce qui donne un sens édifiant à la destruction des personnes. Ce fut le cas pour l’Inquisition et pour toutes les imitations de l’Inquisition. Tout se justifie pour le bien de la personne poursuivie, torturée ou tuée. Le chrétien agirait comme tout le monde mais en y ajourant des bons sentiments et un sens religieux : tout pour le bien de Dieu et de son Église.

Jésus ne vient pas changer seulement la subjectivité mais la structure elle-même des relations sociales. Par son exemple, il nous indique quelle est la structure d’autorité qui doit prévaloir.

Jésus n’utilise aucune forme de coercition pour imposer sa volonté. Il n’a pas d’armes, ne peut pas menacer, ne veut pas punir (Lc 9, 51-56). Il n’a pas de moyens de défense contre ses adversaires, pas même au moment de la prison, de la condamnation ou de l’exécution. Il est incapable d’exercer la moindre violence. Non seulement il ne pratique pas la violence mais il n’a pas les moyens pour l’exercer. Il n’a pas en réserve des moyens  violents, ce qui serait une menace. La sagesse politique traditionnelle dit qu’il faut montrer les armes pour ne pas avoir à les utiliser. Jésus ne peut pas montrer les armes qu’il n’a pas.

C’est le sens de la comparaison qu’il fait à propos des enfants (Mt 18, 1-4). Les enfants n’ont pas le pouvoir d’imposer leur volonté. Ils n’ont pas encore le pouvoir de chantage qu’exercent les enfants plus vieux des familles riches. L’enfant est un être fragile. Jésus a choisi la faiblesse.

Jésus ne définit pas les lois et il n’impose pas son autorité au moyen de lois. Les lois sont faites pour imposer une volonté supérieure à une personne qui ne veut pas l’exécuter, il le fait seulement par crainte de châtiment. La loi gouverne au moyen de la peur d’être puni. La loi est basée sur la peur.

Cela ne veut pas dire que Jésus a tout accepté. Il n’accepta pas de procéder comme le font les autorités d’Israël. Avec les pécheurs, la règle c’est le pardon, le pardon sans limite. De fait, son autorité est telle que les gens font ce qu’il enseigne avec une liberté totale et avec grand plaisir. Ils ne le font pas par peur, mais par amour. L’autorité de Jésus est basée sur l’amour qu’elle suscite. Il n’a pas besoin de définir des lois parce que les personnes le suivent volontairement et avec conviction. Il ne menace pas, parce que les gens veulent ce que lui veut  et par conviction.

Son autorité est dans sa propre personne et dans sa façon d’agir où se manifeste sa valeur absolue : cela vient de Dieu.

L’autorité de Jésus se manifeste dans la recherche de la brebis égarée, dans le pardon des dettes. Au lieu d’imposer une punition, il propose le pardon. Cela serait considéré comme de l’anarchie dans notre société. Pourtant ce n’est pas évident qu’il en soit ainsi. Tous savent bien que les petits paient leurs dettes. Ce sont seulement les grandes corporations qui ne paient pas. Le problème, c’est l’existence des grandes corporations qui de toutes façons ne plient pas devant la loi,  au contraire elles changent la loi pour qu’elle leur soit favorable.

Jésus veut qu’entre les disciples les relations de pouvoir soient différentes (Mt 20-28). La différence n’est pas seulement dans la subjectivité mais dans les structures mêmes du pouvoir. Sinon, rien ne changerait. D’ailleurs dans toutes les sociétés, il y a des principes qui rendent plus supportables les relations de pouvoir sans changer les structures et ainsi on laisse la porte ouverte pour que le successeur vienne exercer un pouvoir rigoureux.

Jésus dit : « Ne vous faites pas appeler « Rabbi » parce qu’un seul est votre Maître et vous êtes tous frères. N’appelez personne « Père » sur cette terre, parce qu’un seul est votre maître : le Messie » (Mt 23, 8-10). Les autorités de l’Église qui désirent ces titres disent que c’est une question sans importance, que Jésus parle  ainsi pour donner un exemple d’humilité, mais qu’il ne veut pas définir une façon d’être.  Ils suppriment tout simplement l’enseignement de Jésus. Pourtant, dans la culture de Jésus, les noms sont très importants parce qu’ils représentent la réalité. Celui qui a le nom de maître croit qu’il  a une autorité supérieure qui lui permet d’imposer ses idées aux autres. Avec cette question de noms, Jésus veut changer les structures.

Le problème des structures est clair dans l’Église d’aujourd’hui. Il y a des évêques plus humains, des curés plus humains – chrétiens ­– qui n’insistent pas sur leur pouvoir, qui consultent ou tiennent compte des opinions des autres, qui gouvernent avec patience et tolérance, qui donnent place à la liberté et à la responsabilité des laïcs. Mais, à tout moment, un autre peut venir et se contenter d’appliquer rigoureusement la loi canonique qui lui attribue des pouvoirs exclusifs. Les structures du code actuel attribuent à l’autorité un pouvoir absolu, sans droit de se défendre, un pouvoir exclusif, sans participation. N’importe quel évêque ou curé peut détruire toute la liberté qu’un prédécesseur a pu créer. Les cas sont nombreux en Amérique latine. Les auteurs de ces destructions peuvent invoquer la loi qui leur attribue un pouvoir absolu, dictatorial.

Jésus lui-même dénonce la façon dont les scribes et pharisiens exercent l’autorité. « Ils mettent de lourds fardeaux sur les épaules des gens, mais eux ne bougent même pas le petit doigt » (Mt 23, 4).

Comme les paroles de Jésus ne définissent pas de façon juridique les relations qu’il veut établir entre ses disciples, par la suite on a pu considérer ses paroles comme de purs symboles ou des formes littéraires sans contenu juridique. De fait, au cours de 20 siècles, plusieurs des anciennes relations de domination dans les sociétés humaines sont entrées dans l’Église. Les relations de pouvoir  qui existent aujourd’hui ne procèdent pas de la volonté de Jésus mais plutôt de la pénétration des structures de domination, propres aux cultures où l’Église s’est établie.

2  L’ÉGLISE ET LE POUVOIR DANS LA CHRÉTIENTÉ

Il n’est pas nécessaire de rappeler toute la structure de pouvoir qui s’est construite dans la chrétienté, surtout l’occidentale. Il y eut quatre étapes principales qui nous ont amené à ce que nous connaissons aujourd’hui.

LES QUATRES ÉTAPES DU POUVOIR DANS L’ÉGLISE

La première étape a commencé dans la troisième génération quand les prêtres se sont  démarqués davantage des évêques monarchiques. C’était une imitation de la structure des synagogues et des fraternités romaines. Mais au nom des apôtres, les évêques ont acquis une autorité toujours plus grande sur les prêtres et sur l’organisation des Églises. Au 4e siècle, les évêques ont déjà concentré presque tout le pouvoir et tous les charismes. Au Concile de Nicée, convoqué par l’Empereur, tous ceux qui n’étaient pas évêques ont été exclus et on a donné la totalité du pouvoir aux évêques.

La deuxième étape vint avec Constantin et ses successeurs qui ont fait de l’Église la religion officielle et obligatoire. C’est à ce moment que s’est créé le clergé comme caste séparée et éloignée du peuple. Le clergé a concentré tout le pouvoir dans l’Église, il a supprimé les communautés et a soumis les laïcs à une passivité totale sans aucune responsabilité. Un abîme s’est créé entre le clergé et le peuple, même si les textes évangéliques  sur le service étaient rappelés, c’était  sans aucune connection avec la réalité. De plus en plus la Bible devint un livre de symboles qui justifient le système en lui donnant une idéologie avec laquelle on essayait de convaincre les peuples. La liturgie du lavement des pieds est une pieuse ironie.

La troisième étape commence avec les Papes bénédictins ou grégoriens dès le XIe siècle. C’est le début de la mobilisation progressive du clergé, qui durera 10 siècles, pour qu’il se transforme en armée du Pape, avec lequel le Pape exerce un pouvoir total sur la chrétienté. Le clergé devient l’armée du Pape. Surtout les Mendiants, auxquels les Papes imposent l’ordination sacerdotale,  qui vont favoriser cette exaltation du pouvoir du Pape en faisant pression sur tout le clergé diocésain.  Depuis lors s’établit une concentration croissante du pouvoir du clergé dans les mains du Pape.

La quatrième étape vint du Concile de Trente qui consacra la structure du clergé, en affirmant avec force ses fondements et en augmentant le pouvoir centralisateur du Pape. Le Pape est de plus en plus le chef du clergé. Après la Révolution française, cette concentration du pouvoir du clergé aux mains du Pape prend l’envergure que nous connaissons aujourd’hui.

Tout cela est bien connu. Il n’est pas nécessaire de répéter ce qu’on trouve dans les livres de l’histoire de l’Église.

LES TROIS RAISONS POUR CONCENTRER LE POUVOIR

La question est la suivante : comment se fait-il qu’on a légitimé cette plus grande concentration du pouvoir aux mains du clergé et ensuite aux mains du Pape ?

Il y a trois raisons : la défense de l’orthodoxie de la foi, la défense des sacrements et la défense de l’unité de l’Église.

En premier lieu, on a invoqué la nécessité de défendre l’orthodoxie. Pour ça il est nécessaire de concentrer l’autorité dans le clergé et dans le Pape qui sont les seuls à pouvoir défendre l’authenticité de la foi. De nombreuses hérésies sont apparues et pour défendre la foi contre ces hérésies il faut un pouvoir fort : le pouvoir de condamner jusqu’à la mort en plusieurs occasions. On a monté tout un système qui incorpore ce pouvoir du clergé et du Pape. L’Inquisition a été la manifestation historique la plus visible et la plus crainte.

La concentration du pouvoir augmente de plus en plus de nos jours avec les documents du cardinal Ratzinger. Selon ces documents, des hérésies envahissantes sont apparues qui nient tout le contenu de la foi : la théologie de la libération, la théologie des religions.

L’expérience de l’histoire nous montre, après quelques siècles, que les hérésies ne sont pas si loin de l’orthodoxie. L’accord entre catholique et luthériens sur la doctrine de la justification en est un bon exemple. Les hérésies peuvent dire la foi, d’une autre façon. Est-ce que les doctrines présentées d’une façon différente n’ont pas été traitées d’hérésies parce qu’il fallait avoir des hérésies? Sans hérésies, le pouvoir du magistère ne se manifeste pas et il n’a pas d’opportunité de croître. Les hérésies sont nécessaires pour justifier l’augmentation du pouvoir du magistère. Les hérésies n’auraient-elles pas été inventées pour donner plus de pouvoir au Magistère ?

D’autre part, les hérésies du Moyen Âge sont une contestation de ce qui donne tant de pouvoir au Pape et au clergé. C’est une accusation contre le  pouvoir du clergé. C’est une contestation de tout ce qui sert à augmenter le pouvoir du clergé. Cela  s’est produit au second millénaire. L’hérésie est une façon pour les laïcs de se défendre de la domination intellectuelle et culturelle du clergé et du Pape qui est de plus en plus à la tête du clergé. L’hérésie est une contestation du pouvoir. L’attaque des hérésies, ne serait-elle pas la défense du pouvoir du clergé ? Derrière ces nombreuses condamnations – qui s’avéreront plus tard très relatives, historiques et circonstancielles – n’y aurait-il pas une défense du pouvoir du clergé qui se sent menacé quand il perd le contrôle de la parole et qui ne permet pas qu’on dise la même chose mais en d’autres mots ?  Toutes ces condamnations ne seraient-elles pas avant tout l’affirmation du pouvoir de la hiérarchie et de tout le clergé avec elle ?  Les luttes de doctrine n’auraient-elles pas été, de fait, des luttes pour le pouvoir et pour la définition des pouvoirs ?

La deuxième motivation du pouvoir du clergé c’est la défense des sacrements. Ici aussi, les hérésies attaquent les sacrements, le système au complet des sept sacrements. Pourquoi condamnent-elles ce système ? Ne serait-ce pas que les sacrements sont le fondement même du pouvoir clérical? Grâce aux sacrements, que seuls les prêtres peuvent administrer, les laïcs ne peuvent se sauver sans passer par les mains du clergé, c’est-à-dire sans se soumettre à toutes les conditions imposées par le clergé.

En vraie théologie, les sacrements sont des signes de la foi, signes d’amour de Dieu. Mais pendant plusieurs siècles, ils ont été vécus comme des obligations. Les sacrements deviennent des rites nécessaires à la salvation, sans eux il n’y a pas de salut. Voilà la loi que les chrétiens doivent respecter et s’ils ne le font pas, ils commettent un péché mortel et perdent le salut. Les sacrements sont toujours accompagnés de menaces et sont reçus avec crainte. Le clergé prend note des mauvais chrétiens qui ne reçoivent pas les sacrements au bon moment. Les sacrements sont devenus un système par lequel les prêtres rendent leur ministère indispensable. Ils ont le monopole des sacrements et tous doivent se soumettre à leur monopole. Il faut recevoir le sacrement pour éviter l’enfer. Les prédicateurs savaient comment susciter la peur des peines de l’enfer et ils réussissaient ainsi à pousser les récalcitrants vers les sacrements.

D’autre part, les sacrements sont devenus une des principales sources du pouvoir économique du clergé. C’est une raison de plus pour les laïcs de résister aux sacrements.  Avec le temps, la peur de l’enfer a diminué et les gens plus éduqués se sont déclarés indépendants. Avant la Révolution française, plus de 90% des français allaient à la messe tous les dimanches.  Vingt ans plus tard ils ne sont plus que 20 % à s’y rendre.

Pour le clergé, il s’agit là d’une décadence. Pour eux, les sacrements c’est leur vie, leur façon d’entrer en relation avec le peuple et leur raison d’être. Ils sont là pour célébrer les sacrements. Pour plusieurs, leur vie de clerc ce sont les sacrements.  C’est aussi leur activité professionnelle, leur façon de trouver les moyens de survivre. Le curé c’est celui qui célèbre les sacrements : c’est son travail professionnel. C’est la principale source du pouvoir du clergé et on peut les réduire à ça.

En troisième lieu, il y a  le pouvoir de gouvernement. Tous les séculiers doivent se soumettre au clergé dans tous les actes de vie chrétienne, surtout  en ce qui touche leur vie morale et sociale. Ici aussi c’est le règne de la crainte de l’enfer. En principe, cette soumission a pour but de défendre le peuple chrétien contre le danger des ennemis. En pratique, le gouvernement du clergé veut toujours plus de pouvoir. Le principe de Léon XIII a prévalu dès le moment où l’Église s’est séparée des monarchies : en matière politique, il faut toujours chercher  l’alliance et l’appui parmi ceux qui favorisent le plus l’Église, c’est-à-dire le clergé ou le Pape. C’est un principe de grand opportunisme qui démontre comment l’action politique est la soumission aux intérêts du clergé.

Ce qui nous amène à voir le pouvoir du clergé et du Pape dans la société. En chrétienté, le clergé est la première classe, la classe privilégiée, celle qui a le plus de pouvoir, qui intervient sur tout. Elle contrôle l’économie, le pouvoir des rois, elle domine toute la culture. Voilà l’idéal. En pratique, plusieurs rois et princes ne suivent pas les directives du clergé : la moitié du temps, les rois catholiques et les empereurs ont été excommuniés. Il y a toujours eu une culture souterraine critique du pouvoir sacerdotal. Il y avait le pouvoir économique des juifs, des banquiers qui ne se soumettaient pas aux lois contre l’usure. Mais, fidèle au système, le clergé a essayé de le sauver en essayant de le maintenir même après les révolutions libérales du XXe siècle.

Le clergé n’a pas accepté facilement la ruine de la chrétienté, ce qui pour lui signifiait la perte du pouvoir, une défaite politique, économique, culturelle. Après 15 siècles  de domination, il est maintenant exposé à toutes les critiques demeurées clandestines durant ces 15 siècles. On accuse alors le clergé d’avoir voulu, au nom de Jésus-Christ, dominer la société. Cette accusation se répète inlassablement depuis les derniers siècles. Évidemment, que le clergé n’acceptera jamais cette accusation parce qu’il sent que  ses intentions sont différentes. Le clergé invoque ses bonnes intentions au lieu de voir les faits et les structures. Ses intentions sont de défendre le peuple chrétien contre le pouvoir économique (des autres) contre le pouvoir politique (des autres), et contre les menaces de corruption d’une culture non contrôlée par le clergé.  Il n’en reste pas moins que les laïcs voient les choses avec plus d’objectivité.

Cette accusation qui a été faite au clergé pendant des siècles a toujours été rejetée avec indignation par le clergé. Il n’accepte pas un examen sérieux  et critique de ses actions. Il croit vivre une vie de service  mais c’est une vie de domination où les laïcs sont toujours de service, mais les prêtres, non.

On a toujours répété que le clergé voulait dominer les consciences. Qu’il ait voulu  dominer la société, ça pourrait toujours se supporter. Mais dominer la pensée, la conscience morale, les valeurs, c’était insupportable et cela provoqua une réaction terrible. Parce qu’on savait que le contrôle des consciences, c’était accepter l’ordre établi, de la société établie. Le contrôle des consciences avait comme but de soumettre les catholiques à la société établie, la société de la chrétienté. C’était essentiellement conservateur et plusieurs laïcs le voyaient ainsi. Au lieu d’être un ferment de liberté, l’Église était le principal obstacle à la liberté. Le clergé apparaissait comme une classe liée au maintien des pouvoirs en place. Les laïcs  avaient perdu la crainte du  clergé qui exerçait le contrôle. Avant la Révolution, ceux qui ne recevaient pas les sacrements étaient fichés par la police et traités comme suspects. Après la révolution ce pouvoir du  clergé a disparu.

Aujourd’hui, on ne fréquente plus les sacrements comme avant. Cela démontre le peu de compréhension de la valeur de signe, et indique le sentiment de dépendance ou d’obéissance du peuple. Le peuple ne craint plus l’enfer comme avant, il a donc perdu la motivation pour recevoir les sacrements.

La chrétienté n’existe plus comme un ensemble mais il en reste des fragments, des fragments conservateurs qui maintiennent un petit monde où on pratique la fidélité aux comportements traditionnels de la société rurale médiévale. Le clergé tente encore de maintenir et consolider ce qui reste de pouvoir dans l’Église. Il maintient, de la même façon, son pouvoir sur la petite portion du peuple qui  lui demeure fidèle.

3.  VATICAN   II

Pendant ses sessions, Vatican II a reçu plusieurs dénonciations de cléricalisme, juridisme, bureaucratisme etc. Il n’a pu cacher les critiques qui se sont faites pendant 15 siècles mais qui n’ont jamais été acceptées. De là est sortie une théologie renouvelée du peuple de Dieu et du rôle de l’Église dans le monde. Mais quand il s’agit de définir le rôle des évêques, du clergé, que ce soit dans Lumen Gentium ou dans les documents pour le clergé, la doctrine demeure traditionnelle et ne tient pas compte des problèmes soulevés. On multiplie les exhortations morales, mais on ne change pas les structures. On ne touche pas au problème du pouvoir et du lien  entre la recherche du pouvoir et la définition du clergé qui a prévalu pendant quinze siècles. On est retourné à la doctrine conservatrice traditionnelle. Là, tous les problèmes sociaux deviennent des problèmes moraux, Si les prêtres étaient plus vertueux, il n’y aurait pas de problèmes. De fait, s’ils étaient plus vertueux, ils ne supporteraient pas la structure actuelle. Il est impossible d’imaginer un clergé où tout le monde est saint. Le comportement moyen dépend des structures. Si ces structures sont des structures de domination qui n’accordent au peuple chrétien aucune participation au pouvoir, l’exhortation morale ne servira de rien.

Ceux qui n’ont pas besoin de conversion se convertiront et ceux  qui en ont besoin ne réaliseront pas toute la domination qu’ils exercent sur les autres. 

Les textes de Vatican II ne touchent pas au plus grand problème, qui selon plusieurs évêques, était le problème du siècle : le problème du clergé. Plusieurs autres évêques ne pouvaient pas se libérer du modèle qu’ils avaient en tête : le rôle traditionnel du prêtre comme membre de la classe privilégiée, comme fonctionnaire des sacrements et défenseur du pouvoir de l’Église. Comme l’épiscopat était divisé sur ce point, on n’en a pas parlé.

On n’a pas parlé non  plus de la relation entre le clergé et le pouvoir politique. De fait, plusieurs pensaient que le parti démocrate chrétien allait solutionner tous les problèmes, en redonnant à l’Église une place privilégiée et en empêchant l’adoption de lois défavorables au clergé qui réduiraient son pouvoir dans la société tant dans les codes que dans la culture, l’éducation, les services de santé. Ils comptaient sur l’appui de partis politiques catholiques pour éviter que l’Église renonce totalement à son pouvoir dans la société. Le monde change, mais la structure historique de la chrétienté se maintient, au moins comme illusion dans la pensée du clergé.

Du moment que le Concile n’a pas voulu, ou n’a pas pu, traiter de la question du clergé, ce qui arriva était prévisible. Dans le premier monde, les vocations sont disparues, il n’y a plus de crédibilité. Dans le Tiers-monde, les vocations sont nombreuses mais basées sur le principe de chrétienté : la prêtrise offre du pouvoir dans la société et dans l’Église,  cela est un grand attrait pour les pauvres qui ont peu de moyens d’ascension sociale.

4.  IDÉALISME ET RÉALISME

Jean-Paul II a eu, parmi ses priorités, de rétablir le pouvoir social du clergé. Il a pensé qu’un des moyens les plus efficaces serait de rétablir la discipline traditionnelle, ce qui ramènerait l’auto-estime du clergé. Il a essayé de le faire et a réussi en partie. Il a rétabli la séparation entre le clergé  et les laïcs, entre le clergé et la société, pour éviter les tentations. Il a tout fait, inlassablement, pour élever le statut du clergé. Il a multiplié les documents dirigés au clergé, par exemple, à l’occasion du Jeudi Saint de chaque semaine sainte.

Ces écrits manifestent une conception idéaliste du sacerdoce. Ils ne tiennent pas compte des conditions matérielles, psychologiques et sociales de la vie sacerdotale. Ils ignorent les problèmes des prêtres des années 60, problèmes jamais résolus et qui continuent de produire les mêmes effets (abandon du sacerdoce, crise d’identité). Tout cela est considéré comme une déficience morale. On le solutionne par une affirmation encore plus forte de la doctrine, c’est-à-dire, par un renforcissement de l’idéologie traditionnelle du clergé. 

Le Pape s’appuie sur des mouvements sacerdotaux comme l’Opus Dei, les Légionnaires du Christ, Sodalitium et autres mouvements sacerdotaux. Ils sont tous des intégristes dans la doctrine, rigoristes en morale, inflexibles en discipline. Ils sont l’incarnation de la loi totale. Leur moteur est l’idéologie cléricale, telle que définie par le Concile de Trente. Ces mouvements doivent donner l’exemple à l’ensemble des prêtres. Ils seraient les guides du clergé. Le Pape leur a donné le rôle des jésuites dans l’Église tridentine.

Ces mouvements sont fascinés par le pouvoir. Ils manifestent une volonté féroce d’accumuler une richesse matérielle, du prestige social, le pouvoir politique, le pouvoir culturel. Ils fondent des institutions puissantes, supposément destinées à l’évangélisation. Ils ne réalisent pas jusqu’à quel point ils se donnent en spectacle à la société, spectacle de sectes religieuses à la conquête du pouvoir. Ils ne réalisent pas qu’il va leur arriver ce qui est arrivé aux jésuites au XVIIIe siècle. Ils font alliance avec les puissants, avec les institutions dominantes de la société occidentale. Ils n’entendent aucunement la voix qui monte  du monde des opprimés. Ils ne tiennent pas compte de ce monde parce que leur monde est celui des dominateurs.

En Amérique latine, ces mouvements sacerdotaux acquièrent de grands pouvoirs dans tous les secteurs, surtout en économie et en politique. Ils agissent par l’intermédiaire des élites laïques qui leur sont totalement soumises. Ils créent un laïcat fanatique dépourvu de tout esprit critique et de libre initiative.

Le clergé, inspiré par ces exemples, devient totalement opportuniste. Il croit que le marketing religieux va solutionner les problèmes de l’évangélisation. Ils croient que, par la manipulation des moyens de communication, il sera possible de refaire une nouvelle chrétienté  dans laquelle l’Église pourra de nouveau gouverner le monde.

Comme en temps de chrétienté, ils pensent qu’ils vont évangéliser avec le pouvoir, par le pouvoir, en augmentant leur pouvoir. Ils croient que leur pouvoir va convaincre les chrétiens et les soumettre à leur contrôle. Ils ne se rendent pas compte que le monde a changé et que les laïcs d’aujourd’hui ne sont pas tous comme ceux d’autres temps. Ils pensent que l’exemple des mouvements sacerdotaux intégristes va conquérir la société et fonder un nouveau clergé semblable à l’ancien et basé sur la même théologie. Et ils pensent que les laïcs vont se soumettre à la discipline de l’intégrisme.

5. QUELLES SERAIENT LES NOUVELLES ORIENTATIONS AU SUJET DU POUVOIR DANS L’ÉGLISE D’AUJOURD’HUI ?

  1. D’abord, il faut reconnaître le pouvoir des laïcs, basé sur les charismes et dons spirituels qu’ils ont reçus, les responsabilités d’évangélisation qu’ils assument, etc.

  2. À tous les niveaux, à partir du Concile œcuménique jusqu’aux conseils paroissiaux, les laïcs doivent avoir droit de parole et peuvent décider avec le clergé  sur tout ce qui ne touche pas à la doctrine clairement définie.

  3. Les laïcs doivent avoir une voix active lors des élections à tous les niveaux, depuis l’élection du Pape jusqu’à l’élection des curés.

  4. Les laïcs doivent avoir le droit de discuter de liturgie, de catéchèse et de l’organisation de l’Église.

  5. Le principe de base, c’est que le pouvoir ne peut pas être concentré dans une seule personne.

  6. Le fondement de toute réforme du système de pouvoir, c’est l’information.  La préparation des décisions doit être ouverte, publiée et les documents nécessaires doivent être disponibles pour tout le monde. Il ne peut y avoir de secret dans les nominations, ni de décisions concrètes prises par une seule autorité.

  7. Il est nécessaire de créer une instance juridique indépendante où les personnes, qui  se sentent victimes d’injustice, peuvent recourir. Actuellement, un laïc n’a aucune défense face au clergé ou aux religieux; les religieuses n’ont pas de défense face au clergé; les prêtres n’ont pas de défense face à l’évêque, et les évêques n’ont pas de défense face au Pape.

Le principe de base, c’est que le pouvoir est dans tous les chrétiens, à degrés divers, et la structure doit reconnaître cette situation.

Le second principe c’est qu’aucune personne humaine ne représente le pouvoir de Dieu, donc elle peut être corrigée dans tout ce qui n’est pas pouvoir de Dieu.  Il doit donc y avoir une correction fraternelle qui doit être publique.

Le pouvoir de Dieu crée, construit, édifie, augmente, confère plus de liberté. Tous les pouvoirs ecclésiastiques qui n’agissent pas en ce sens, ne sont pas pouvoir de Dieu et  doivent être contenus, limités, corrigés structurellement. Les structures doivent éliminer les opportunités d’abus de pouvoir. Car, dans l’Église il y a abus de pouvoir comme dans toute société et pour diminuer ça il faut avoir des normes qui équilibrent les pouvoirs de tous.

 

Transcripteur - éditeur : Enrique A. Orellana F.,
du mouvement et cahiers SOMOS IGLESIA, Chil
Traducteur au français : Yves La Neuville  

 D’autres textes de José Comblin, en espagnol, sont disponibles chez le transcripteur à : somosiglesiachile@hotmail.com

 

 

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