"Le civisme pratiqué par les
chrétiens
Continuité ou rupture entre le
christ et les premiers chrétiens ?
Une non-violence
militante.
Si ces chrétiens de
Rome avaient été des parfaits, constituant
ensemble un petit paradis sur terre, l'apôtre Paul
n'aurait pas eu besoin de les exhorter et de les aider
à rectifier leur conduite! Ils étaient
comme nous, des êtres humains, pécheurs et
peu " sanctifiés". Leurs mauvaises habitudes
antérieures les suivaient certainement beaucoup.
Et, par ailleurs, ils étaient des travailleurs
ordinaires, exerçant un métier ou
élevant des enfants, ce qui est le lieu primordial
de ce service du prochain que désigne le mot "
civisme". Paul lui-même fabriquait des tentes
pour gagner sa vie, comme ses amis Aquilas et Priscille.
On ne pouvait pas dire de ces gens-là qu'ils
n'étaient pas " dans le monde" !
Mais leur morale, selon les
cinq derniers chapitres de l'épître,Paul les
appelait à prouver par leur conduite qu'ils
n'étaient pas " du monde", et qu'ils "
n'appartenaient pas" à ce monde pervers et
corrompu. Bien sûr, toute la
société ambiante les jugeait stupides et
asociaux quand on les voyait s'éloigner de toute
cérémonie officielle où, si peu que
ce soit, il fallait faire un petit geste pour rendre un
culte à la déesse Rome et encenser
César.
" Vous faites des
histoires pour pas grand chose" ! Leur disaient leurs
amis (c'est ce qu'on disait naguère aux jeunes
objecteurs de conscience au service militaire, avant de
les mettre en prison!) Mais eux, ils voulaient
n'appartenir qu'au " Seigneur " Jésus ! Ce qui a
fait de l'Église primitive " l'Église des
martyrs".
Bien plus, ils se savaient
" envoyés dans le monde", en mission de
témoignage et comme ambassadeurs du Royaume. Et
c'est à cause de cela qu'il faut ajouter la "
militance" à leur " non-violence. Le militant est
quelqu'un qui lutte activement pour une cause qui lui est
chère. Ne confondons pas avec le mot " militaire",
bien que ces deux mots aient la même
origine!!
Sont chères aux
chrétiens toutes les causes, grandes ou petites,
qui sont au service du bien, de la vérité,
de la justice, de la santé, de
l'égalité, de la solidarité, du
bonheur, et c.... S'y engager, au premier siècle
comme aujourd'hui, c'est du vrai civisme, tout simplement
parce qu'il s'agit là de l'amour du prochain. Tout
comme l'apprentissage et la pratique d'un métier,
l'engagement pour le service de nos semblables, sous une
forme ou sous une autre, est la forme
élémentaire du civisme. Comment le disciple
de Jésus pourrait-il se laisser aller à son
égoïsme, à sa lâcheté,
à sa passivité et à son
abstentionnisme alors qu'il voit tant d'injustices et de
mensonges ? !
Comment pourrait-il se
refuser à collaborer, dans ces militances
diverses, avec des non chrétiens ? Il
coopère bien avec eux dans l'exercice de sa
profession ! Les disciples de Jésus, à
Rome, travaillaient et servaient dans les multiples
secteurs de l'activité économique; mais
leur statut social, sous l'Empire romain, restreignait
terriblement leur liberté de mouvement. Beaucoup
étaient sûrement des esclaves !
Désengagement et
résistance.
La morale de l'amour
désarmé et non-violent doit être une
morale de résistance au mal, de
refus de la compromission avec la violence
meurtrière et le désengagement par
rapport à tout " pouvoir" dont
l'exercice oblige à être menteur,
dominateur, assassin en puissance et par
solidarité, ou exploiteur des pauvres. Nos
frères et soeurs du 1° siècle avaient
de cela une conscience aiguë. Le Nouveau Testament
en fournit de nombreux exemples. Je citerai ce que
l'apôtre Paul dit aux Corinthiens à propos
des procès que certains chrétiens se font
les uns contre les autres devant les tribunaux
civils:
Je citerai l'admirable
lettre, de Paul à Philémon dont un esclave
en fuite a abouti dans l'amitié de Paul: Ce
plaidoyer plein d'amour, de délicatesse et
d'esprit de justice a porté, historiquement et
politiquement plus de fruits que les insurrections
armées à la façon de Spartacus,
noyées dans le sang par le Pouvoir
impérial:
Et ce que dit
l'apôtre Jacques à propos des pauvres et des
riches dans l'Église mériterait aujourd'hui
de prendre autorité et valeur normatives, au lieu
d'être plus que rarement lu !.
Georges Siguier pasteur E.R.F
Mazamet
Il est temps…
De Maurice MONDENGO, JR.
Il est temps, oui, il est temps
Cultivons les grains de paix
Dans les cœurs des enfants
(De nos enfants)
Pour que demain, pour que demain
Quand nos enfants deviendront grands
Avec nous, ou bien sans nous
Qu'ils vivent dans la paix.
Pour que demain, pour que demain
Quand nos enfants deviendront grands
Avec nous, ou sans nous
Qu'ils vivent dans la paix
Oui, dans la paix.
Parlons, luttons toujours pour la paix
Près de nos enfants parlons de la paix
Pour que demain, demain quand ils grandiront
Nos enfants parlent aussi de la paix.
Vivons, vivons toujours dans la paix
Près de nos enfants vivons la paix
Pour que demain, demain quand ils grandiront
Nos enfants vivent dans un monde de la paix.
Évitons, toujours , évitons la
violence
Près de nos enfants évitons la
violence
Pour que demain, demain quand ils grandiront
Nos enfants vivent bien sans violence.
Il est temps. Oui, il est temps.
Construisons un monde de la paix, oui.
Un monde de liberté,
Oui, liberté responsable
Dans les cœurs de nos enfants.
Il est temps, oui, il est temps
Travaillons pour la non- violence
fondée sur l'esprit de la justice
Dans les cœurs de petits enfants
Il est temps. Oui, plus que temps
Cultivons les grains de paix
Dans les cœurs des enfants.
Il est temps, oui, plus que temps.
Il est temps, oui, plus que temps.
Cultivons les grains de paix
Cultivons les grains de paix
Dans les cœurs de nos enfants
Dans les cœurs de nos enfants
Il est temps. Oui, il est temps
Kinshasa, RDC, Avril 1998 /2007 17:00
La généalogie de la
non-violence traverse les millénaires
La non-violence ne saurait se
résumer aux seules personnalités du XXe
siècle. À travers les continents, les
religions, les philosophies et les siècles, elle a
tenté de faire barrage à la fureur et
à la brutalité humaines
Nelson Mandela en Afrique du Sud au
temps de l’apartheid, Vaclav Havel dans la
Tchécoslovaquie inféodée à
l’URSS, le dalaï-lama vis-à-vis
du Tibet envahi par la Chine, Aung San Suu Kyi
face à la junte birmane depuis bientôt
vingt ans : tous quatre incarnent le combat non violent,
mené naguère ou à mener
aujourd’hui encore. Tous quatre s’inscrivent,
consciemment et volontairement, dans le sillage de
l’Indien Gandhi (1869-1948), de son disciple
italien Lanza del Vasto (1901-1981), ou du pasteur
américain Martin Luther King
(1929-1968).Mais la non-violence ne saurait se
résumer à ces seuls vecteurs du XXe
siècle. Une généalogie puissante
traverse les millénaires pour tenter,
d’âge en âge, de faire barrage à
la fureur et à la brutalité humaines, en
Orient comme en Occident.
1. L’école orientale : la
bienveillance universelle
En Chine, environ cinq siècles avant
l’ère chrétienne, Lao-Tseu,
chantre du « non-agir », est à
l’origine du Tao Te Ching, le traité le plus
ancien du taoïsme rédigé sur fond de
guerres entre clans féodaux. Il s’en prend
à la force, à l’injustice, voire
à l’obéissance aveugle aux puissants
de rencontre à laquelle consentent trop
d’êtres humains. Le Tao Te Ching (Livre du
Tao) engage plutôt l’humanité à
se satisfaire d’une vie simple, sobre et paisible,
tendant vers « trois trésors » : la
bonté, la frugalité, le manque
d’ambition. L’amour y apparaît comme la
seule réponse qui vaille. La guerre est à
bannir : « Une bonne armée est un instrument
de malheur. Elle est détestée de tous les
êtres. Voilà pourquoi celui qui a le Tao ne
tient pas à elle. » Une citation
résume un tel état d’esprit : «
Je traite avec bonté ceux qui ont la bonté.
Je traite avec bonté ceux qui sont sans
bonté. Et ainsi je gagne la bonté. »
(ch. 49, trad. Joseph Liu).On a parfois voulu opposer
cette forme d’insoumission spirituelle aux principes
de la discipline et du devoir attribués au
confucianisme. Étiemble a bien montré
qu’il s’agit plutôt là d’un
néoconfucianisme, sorte de religion
d’état forgée ensuite, mais que
maître Kong (Confucius), dans ses entretiens
familiers, prône une règle d’or avant
la lettre, qui peut servir de fondement à toute
philosophie de la non-violence : n’inflige pas
à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on
te fît. Telle est en effet la morale du gentilhomme
confucéen (« l’homme de bien
»).Toujours dans une temporalité très
proche – cinq à six siècles avant
l’ère chrétienne – Zoroastre, en
Perse, entend « juguler la fureur » et
instaurer la justice, seule voie vers la
félicité. Dans l’Inde
post-védique, au même moment, se
lèvent deux princes trentenaires qui ont
renoncé au monde. D’une part le Bouddha
(l’Éveillé), qui considère
qu’il faut extirper la colère et la haine,
« la plus violente des fièvres », et
s’en tenir à une sorte de bienveillance
universelle : « Ne pas faire le mal, cultiver le
bien, purifier l’esprit. » D’autre part,
le Jina (le Vainqueur), qui inscrit dans le premier de
ses cinq commandements (« vartas ») la
non-violence (« ahimsa » en sanscrit) : «
On ne doit ni tuer, ni commander, ni assujettir, ni faire
souffrir, ni attaquer aucune sorte d’être
vivant » (Acaranga-Sutra I, 1, 1). Plus tard, le
brahmanisme prendra un tel relais.
2. L’école occidentale :
l’émergence de la désobéissance
civile
Dans la Grèce antique, la culture de
la non-violence trouve ses moments fondateurs avec deux
contemporains du siècle de Périclès
: Socrate et Sophocle. Le premier meurt tel un
révélateur d’injustice, prêt
à se sacrifier pour améliorer la loi
athénienne, refusant, selon Platon,
l’évasion légitime que lui propose
Criton, la veille de son exécution : «
Répondre en faisant du tort au tort que l’on
a subi, ainsi que le prétend la multitude, est-ce
juste ou n’est-ce pas juste ? », demande
Socrate, avant d’affirmer : « Entre faire du
mal à autrui et commettre l’injustice, il
n’y a probablement pas de différence. »
Et il ajoute : « Donc, on ne doit ni par
l’injustice répondre à
l’injustice, ni faire en retour du mal à
aucun de ses semblables, et quelle que soit la
façon dont ils nous ont traités. »
Sophocle va plus loin avec Antigone (– 439).
Antigone paie de sa vie une sédition aussi
pacifique et fragile qu’universelle : elle brave la
raison d’État, que personnifie le roi
Créon, en portant son frère en terre sous
les yeux de la soldatesque.Voilà
l’ancêtre absolue de cette «
désobéissance civile »
édictée en anglais (« civil
disobedience »), dès 1866, par
l’éditeur de Henry David Thoreau, en guise de
titre d’un recueil des œuvres complètes
de l’écrivain américain
décédé quatre ans plus tôt.
L’expression résumait parfaitement le combat
de Thoreau, jeté en prison en 1846 pour avoir
refusé de payer l’impôt, histoire de
protester contre l’esclavage. Thoreau, ainsi que
plus tard Léon Tolstoï (dont Lénine
fustigeait « le charabia religieux »),
illustrent une tradition non-violente occidentale
qu’avait notamment représentée, au
XVIe siècle, Étienne de La Boétie,
avec son étonnant Discours de la servitude
volontaire, rédigé à
l’âge de 18 ans, qui prônait la
vigilance et la lucidité comme antidote moral
à la soumission.
3. L’école chrétienne
: l’amour là où il y a la
haine
La défense et l’illustration du
principe de la non-violence nous viennent aussi des
premiers chrétiens, persécutés
plutôt qu’enrôlés, martyrs
plutôt que guerriers. Origène revendique une
telle dissidence, que théorise Tertullien : «
Notre loi nous permet plutôt d’être
tués que de tuer. » Certes, lorsque le
christianisme devient religion officielle de
l’Empire après la conversion de Constantin
(313), puis lorsque la menace barbare se fait sentir,
Ambroise et Augustin en viennent à justifier le
recours à la violence pour les chrétiens.
Mais au plus fort du réalisme politique ou de
l’alliance entre le trône et l’autel,
luira toujours ce ferment originel de non-violence propre
à l’enseignement du Christ (Le Sermon sur la
montagne). Et il sera symbolisé, au début
du XIIIe siècle, par saint François
d’Assise : « Là où il y a la
haine que j’apporte l’amour, là
où il y a le mal que j’apporte le pardon,
là où il y a la discorde que j’apporte
l’entente. »Dans la deuxième partie du
XXe siècle, la non-violence chrétienne
devait reprendre ses droits jusque sur le trône de
Saint-Pierre : « Il devient humainement impossible
de penser que la guerre soit, en notre ère
atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice
d’une violation de droits. » (Jean XXIII, Pacem
in Terris). Et dimanche 18 février 2007, à
propos du fameux « Aimez vos ennemis » (Luc 6,
27, mais aussi Matthieu 5, 44), Benoît XVI affirme
: « Cette page évangélique est
considérée à juste titre comme la
grande charte de la non-violence chrétienne, qui
ne consiste pas à se résigner au mal –
selon l’interprétation faussée du
“tendre l’autre joue” – mais à
répondre au mal par le bien, en brisant ainsi la
chaîne de l’injustice. »
Et l’islam ?
Les circonstances de la naissance de
l’islam, issu d’une culture bédouine en
milieu arabe et qui dut s’imposer à La Mecque
et à Médine, où chrétiens et
juifs étaient implantés, expliquent les
traces de violence dans la vie de Mohammed comme dans le
Coran. Les différentes interprétations du
mot « djihad », qui peut aussi bien se traduire
par « guerre » que par « effort sur soi
», témoignent de la complexité de
l’approche. L’islam ne fut pas ennemi des
accommodements. Certains ont laissé leur empreinte
et l’Europe devrait se souvenir de l’Andalousie
des universités de Cordoue, Séville ou
Grenade, du philosophe et savant Averroès
(1126-1198), qui symbolisent la non-violence musulmane au
même titre que les mystiques du soufisme
épris d’amour et de connaissance, ou que le
poète Saadi, enterré à Chiraz vers
1290 et qui écrivait : « Je suis la fourmi
que l’on écrase sous le pied /Et non la
guêpe dont la morsure fait gémir les
hommes./ Je n’ai pas le pouvoir de tyrannie et
d’oppression,/ Comment montrer ma gratitude pour
cette bénédiction ? »
Antoine PERRAU
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