:

 

Conflits d'héritage

 

-paraboles.html

7003-teillard.html

7004-dieu-m-aime.html

7005-intercession.html

7006-discerner-ignace.html

7007-non-violence.html

7008-souffrance-consacre.html

7010-reincarnation.html

7011-autorite.html

7012-que-laisserons-nous.html

7013-relativite.html

7014-adoration.html

7015-heritage.html

7016-ignorer-le-pauvre.html

7017-liberte-luther-king.html

7018-infaillibilite-hans-kung.html

7019-ministeres.html

7020-Spiritualite-Psychologie.html

7021-tradition.html

7023 dons-esprit. Pape François

7050-chants.html

7101-demon.html

7102-diable-de-diable.html

 

 
paru dans La Croix du 17/02/2010
Conflits de famille

C’est parce qu’il y a des liens d’amour et de sang dans la famille, et qu’on en attend beaucoup, que les conflits sont si nombreux et si douloureux

La famille, cela se vérifie de sondages en enquêtes, vient en tête des valeurs des Français, à une majorité écrasante, y compris chez les 15-25 ans. C’est même, pour 57 % d’entre eux, « le seul endroit où l’on se sent bien et détendu » (1). Et pourtant ! Parallèlement, le nombre de ruptures familiales ne cesse d’augmenter.

« Depuis trente ans que j’exerce, je vois augmenter les conflits familiaux, parce que notre société est de plus en plus conflictuelle », constate un notaire installé à Aix-en-Provence. Et de décliner les raisons : « le nombre des divorces, bien sûr, mais aussi la manière dont ils se passent. Au moment de la division du patrimoine, on voulait plutôt aller vite, trouver une solution amiable. Aujourd’hui, les gens viennent souvent avec leur “conseil”, un avocat qui pousse chacun à obtenir le maximum. J’en vois certains, pourtant intelligents, perdre tout bon sens et tirer parti de leur capacité de nuisance pour se venger. En ce qui concerne les successions, on est passé de la transmission organisée par les parents à une sorte de démocratie familiale, où les enfants veulent tous dire leur mot. Là aussi, les divorces rejaillissent, avec des oppositions entre le conjoint du défunt et les enfants de premiers mariages, entre les enfants d’unions différentes, lorsque certains sont avantagés. Les plus jeunes générations acceptent aussi moins bien l’autorité, et donc la loi. Or, notre rôle à nous, notaires, dans un moment symbolique toujours important, est de dire la loi et de trouver des solutions pour “empêcher les différends entre hommes de bonne foi”. »

Des conflits qui parfois empoisonnent la vie, font naître la haine

Certes, ces différends font partie de la vie, y compris et surtout en famille, car on peut s’aimer sans être toujours d’accord ! Mais au-delà des absences d’atomes crochus, des énervements ou des incompréhensions, il y a des conflits qui empoisonnent la vie, font naître la haine, entraînent des ruptures, des souffrances, altèrent l’existence, aussi bien de ceux qui les subissent que de ceux qui les provoquent.

La liste en est sans fin, aussi longue qu’il y a de membres dans une famille, et d’autant plus que celle-ci est complexe, décomposée, recomposée : dans le couple, bien sûr (et la séparation ne résout pas tout) ; entre l’un des deux parents et ses enfants, lorsque ceux-ci ont pris le parti de l’autre ; entre les enfants devenus adultes et leurs parents, qui parfois s’étendent aux petits-enfants, lorsqu’ils sont empêchés de se rencontrer ; entre frères et soeurs, tout au long de la vie ; entre demi-frères et demi-sœurs, plus encore. Et toujours entre belles-mères et brus, ou entre les nouveaux compagnons des parents, et les enfants de l’autre ; entre lignées différentes même, quand les brouilles passent les générations parce qu’elles sont entretenues. Tout cela se cristallise lors des réunions de famille, des décisions à prendre en commun ; et bien sûr des successions, avec des conséquences lourdes parfois pour les « héritiers ».

Rares sont les familles exemptes de conflit, même s’il y en a de plus conflictuelles que d’autres, ou qui savent mieux s’en débrouiller. Aucune n’en est très fière, tant il est convenu que la famille est le lieu protégé de la douceur et de l’amour. Alors, qu’y a-t-il donc derrière ces règlements de comptes tels qu’ils affleurent chez le notaire ?

"Ce qui se joue dans ces conflits c’est toujours une demande de reconnaissance existentielle"

Nicole Prieur, psychothérapeute, l’explique ainsi : « Quand on aime, tout compte ! Ce qui se joue dans les conflits familiaux, c’est toujours une demande profonde de reconnaissance existentielle : “Dis-moi que je suis quelqu’un de bien, dis-moi que je suis important(e) pour toi, dis-moi, enfin, que tu m’aimes !”. Il en va de sa propre image de soi, que l’on construit à travers ses relations familiales. Et comme tout cela est très difficile à exprimer, on va se disputer sur des objets souvent dérisoires. Plus on aime, plus on attend, et plus on est sensible aux manques : les phrases blessantes prononcées, les anniversaires oubliés, les cadeaux non reçus, et pire encore, donnés à d’autres. Alors les sentiments, de positifs deviennent négatifs, et l’amour se transforme en haine et en violence ; c’est en famille que les conflits font le plus souffrir, bien plus qu’en amitié ou dans la vie professionnelle. »

Le fameux exemple des petites cuillères de l’héritage montre bien qu’il s’agit, au-delà de leur valeur vénale, de savoir qui mérite le plus de les avoir, à qui les autres vont reconnaître la priorité, qui aura le privilège de les utiliser au petit déjeuner, lui ou elle, et tous ses descendants ? Pour la psychologue, ces raisons inconscientes de conflit peuvent être assez facilement décryptées. On arrive alors à les surmonter : « Plutôt que de se battre pour être aimé, face à son frère ou à sa belle-mère, demandons-nous comment nous témoigner mutuellement cette reconnaissance qui apaise les antagonismes. »

"Vient un moment où il faut renoncer à présenter la facture !"

Mais les choses sont parfois plus compliquées : « Les nouvelles formes de famille sont très complexes ; et les conflits passent les générations, de façon très inconsciente. Lorsqu’un conflit et donc un traumatisme n’ont pas été résolus, la génération suivante peut alors répéter l’histoire à son insu, se sentir investie d’une mission de réparation, sans avoir tous les éléments pour la débrouiller. Parce qu’une génération verrouille l’histoire, leurs enfants en souffrent encore plus. Il leur faut plus de temps et de travail pour s’en libérer. Je vois ainsi beaucoup d’adultes venir, non pas pour cela bien sûr, mais à cause de symptômes, dépressifs ou autres. En parlant, ils mettent au jour des conflits avec leurs parents, une haine, qu’ils traînent comme des boulets. Les grands-parents ne comprennent pas, et les petits-enfants sont perdus, coupés de leur filiation. »

Nicole Prieur remarque encore : « Les revendications individuelles sont plus fortes ; on compte sur la famille, mais chacun passe avant le clan ; il me semble aussi qu’on se met plus souvent qu’autrefois en position de victime. »

Elle n’est pas pour autant pessimiste. « Vient un moment où il faut renoncer à présenter la facture ! Une fois dénoncé tout ce qu’on n’a pas reçu (un père absent, une injustice…), il faut reconnaître aussi ce qu’on a reçu. Si les adolescents ont besoin de régler leurs comptes, le psychisme des jeunes adultes redevient plus souple, ils peuvent se libérer de ces comptes insolvables : “Oui, ma mère préfère mon frère, et alors ? Je n’ai plus besoin de sa reconnaissance, ni des petites cuillères de l’héritage, pour construire ma vie !” »

Et d’ajouter encore : « Le psychisme peut bouger à tous les âges, les familles sont des systèmes vivants, les places évoluent et les relations aussi. On n’aura jamais fini de régler toutes les tensions en suspens, mais cela n’empêche pas de s’aimer et de passer de bons moments ensemble ! »

 Guillemette DE LA BORIE


Accueil   
index.html

 AUTRES SITES

biblethora
civisme.politique
Coran Islams
La fin du monde
Religions