Dieu est un,
unique
et Trinité
Le mystère de Dieu-
Marcel Domergue, jésuite
Qu'est-ce qui a pris les
premières générations
chrétiennes, et nous à la suite, de
transformer l’antique image de Dieu pour nous
encombrer de ce DOGME (c’est plus qu’un dogme)
déconcertant ? Le Dieu qui vient trouver
Moïse (première lecture) est beaucoup plus
simple. Il est aussi le fruit d’une longue
évolution qui a fait passer Israël du
polythéisme païen à la certitude
d’un Dieu unique. Pourtant, déjà, ce
Dieu parle. Cette parole qui vient de lui, est-ce encore
lui ou quelque chose qu’il produit, hors de
lui-même ? Il faudra longtemps pour
répondre, tant bien que mal, à cette
question. Mais on n’arrête pas les
progrès de la pensée, ni le
déploiement de ce que nous appelons la
révélation. Nous avons raison de croire au
Dieu unique, mais nous resterions en chemin si nous ne
cherchions pas ce que signifie cette unicité, si
nous ne comprenions pas qu’elle n’est pas
solitude mais « société »,
qu’elle est sans cesse union en train de se faire.
C’est ce que nous voulons signifier quand nous
disons que Dieu est en lui-même Vie, ou qu’il
est Amour. Le monothéisme monolithique de
certaines religions est, de ce point de vue, en
deçà de l’accomplissement de la «
révélation », une sorte de
régression. Il reste qu’en disant «
Trinité », nous restons devant le
mystère de Dieu et que nous n’avons jamais
fini de l’explorer. Chaque fois que nous croyons
comprendre, nous finissons toujours par nous dire :
« Non, ce n’est pas encore tout à fait
cela. »
Le Père,
le Fils, l’Esprit.
A vrai dire, l'Écriture
ne parle jamais de Trinité à propos de
Dieu. Elle ne dit jamais : ils sont trois, ou : il est
trois. Mais nos textes nous parlent du Père, du
Fils, de l’Esprit pour exprimer l’invasion
salutaire de notre humanité par Dieu. Sans
compter les « personnes ». La théologie
a voulu expliciter cela pour éliminer certaines
conceptions insuffisantes.Résumons : si le Christ
et l’Esprit ne sont pas un seul Dieu avec le
Père, alors Dieu ne nous a pas vraiment rejoints
et nous restons seuls avec nos malheurs et en face de
notre mort ; il n’y a plus d’Alliance
véritable. Il vaut mieux dire : Un le Père,
Un le Fils, Un l’Esprit, en considérant que
le « Un » est le même pour tous les
trois. Une image qui a beaucoup servi, aussi insuffisante
soit-elle : représentons- nous un triangle
équilatéral : chacun des angles a sa «
personnalité », mais la surface couverte est
la même pour chacun des trois. Les
théologiens disent : même substance ; non
pas substance identique, de même « nature
», comme vous et moi sommes de même nature
(humaine), mais une seule substance pour les trois.Avec
ces abstractions, on comprend que la Trinité ait
du mal à passer ; et pourtant il y a là le
dépassement de l’image du Dieu suzerain
omnipotent et arbitraire pour accéder à
celle d’un Dieu qui est don de soi, de sa «
substance » pour que l’autre vive, un Dieu qui
est « générosité expansive
», selon le mot de Paul Beauchamp.
Trois,mais
trois quoi ?
Nous disons : trois personnes.
Il est clair que le mot « personne » n’a
pas ici son sens habituel. Saint Augustin
écrit que nous disons « personnes » pour
avoir quelque chose à répondre quand on
nous demande : « Ils sont trois quoi ? » Nous
pouvons sans doute aller plus loin : le Père, le
Fils et l’Esprit sont des « je », des
sujets de liberté. Il faut ajouter aussitôt
que ces trois libertés veulent la même
chose, et d’abord que l’autre existe. De toute
façon, il y a une certaine
témérité à vouloir
déduire ce qu’il y a en Dieu à partir
de ce qu’il est et de ce qu’il fait pour nous.
Nous pouvons dire cependant qu’il est amour ; qui
dit amour dit forcément plusieurs. Saint Thomas
dit que ces Personnes sont des « relations
subsistantes », non pas des êtres
isolés qui, dans un second temps,
établiraient des liens, mais des êtres dont
la substance même est la relation. Rien dans le
Père, le Fils, l’Esprit qui ne soit relation.
Rien en deçà, rien au-delà. À
bien y réfléchir, nous, qui sommes images,
n’existons que par et dans la relation, cette
connivence de tous les autres êtres qui tissent ce
que nous sommes. Les appellations Père, Fils,
Esprit, qui ne sont pas à prendre dans leur sens
habituel, veulent signifier cela. Il reste vrai que tout
ce qu’est Dieu nous est donné dans le Christ.
Mais nous n’avons jamais fini de le
déchiffrer, de comprendre ce que nous dit le
Verbe. Pourtant, c’est dans notre relation intime
avec lui que la Trinité nous accueille et que nous
entrons dans l’échange de l’amour, qui
est Dieu.
Marcel Domergue,
jésuite
O toi,
l'au-delà de tout,n'est-ce pas là tout ce
qu'on peut chanter de toi?
Quel
hymne te dira,quel langage? Aucun mot ne
t'exprime.
A quoi
l'esprit s'attachera-t-il? Tu dépasse toute
intelligence.
Seul, tu
es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de
toi.
Seul, tu
es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de
toi. Tous les êtres,
ceux qui
parlent et ceux qui sont muets, te proclament.
Tous les
êtres ceux qui pensent et ceux qui n'ont point de
pensée, te rendent hommage.
Le
désir universel, l'universel gémissement
tend vers toi.
Tout ce
qui est te prie, et vers toi tout être qui pense
ton univers fais monter un hymne de silence.
Tout ce
qui demeure demeure par toi; par toi subsiste l'universel
mouvement.
De tous
les êtres tu es la fin; tu es tout être, et
tu n'en est aucun.
Tu n'es
pas un seul être, tu n'es pas leur
ensemble.
Tu as
tous les noms,et comment te nommerai-je, toi le seul
qu'on ne peut nommer?
Quel
esprit céleste pourra pénétrer les
nuées qui couvrent le ciel même? Prends
pitié,
O toi,
l'au delà de tout, n'est-ce pas tout ce qu'on peut
chanter de toi?
poème
attribué à Grégoire de
Naziance