Interpellations

 

 

 

3111 définitions, questions :E. Savajol

3112 Eglise lève-toi ! E. Savajol

3113 ne fais-tu pas barrage à l'Esprit Saint ? André Spurgeon

3114 les indulgences!: E. Savajol

3115 au cardinal Ratzinger... E. Savajol

3116 les églises n'ont-elles pas parfois un comportement de secte? E savajol

3117 aux clercs G. Siguier

3118 du gouvernement dans l'église : J.F. Doran

3119_legaut.html extraits

3120 trahison des clercs : G. Siguier

3121 l'oecuménisme est dépassé !: G. Siguier

3122 aux pasteurs protestants: G.Siguier

3123 à mon curé : G. Siguier

3124 marie mère de Jésus Christ dans les jours de sa chair. E. Savajol.

3125 évangéliser l'église !

3126 Mariage indissolubilite, nullite Ed.Savajol

3127 Credos !

3130 dogme_edmond.htm Ed .Svajol

3131 dogmes-siguier.htm G. Siguier

3132 transsubstantiation.htm G. Siguier

3133 misères cathos:pouvoirs

3134-repas diviseur

3135 chretiens libres

3136-acosta -reformes

3137 -derive vers la religion

3138-pain-eucharistie.htmClaire-Marie

3139_oser-transgresser

3140-geffre-claude

3141-dupuis-jacques

3142-sobrino-jon

3144-comblin-jose.htm  Eglise et Pouvoir

3145- kung-aux-eveques

/3146-dirigeants-myre.htm

3147-vaticanII-comblin.htm

3150-lefebvre-au-pape


Les dirigeants des groupes chrétiens selon le Nouveau Testament


André Myre Jésuite . Bibliste. Enseignant pendant 30 ans à la faculté de Théologie de Montréal Canada

L’histoire de la direction des groupes chrétiens dans le Nouveau Testament ne peut être tracée que dans ses grandes lignes, car les données sont fragmentaires.  Nous en savons quand même assez pour pouvoir prendre nos décisions en toute clarté. Je m’appuie, en les réorganisant autrement, sur les données rassemblées il y a plus de vingt-cinq ans pour un article intitulé « Nouveau Testament et ministères» . Les conclusions alors tirées valent toujours. Je m’étonne de m’étonner d’avoir à redire ce qui est clair depuis longtemps. La marche à suivre est toute tracée, il ne manque toujours que la volonté d’agir.  Mouvement qui doit évidemment émaner de la base, les changements ne partant jamais d’en haut puisque le Dieu vivant s’adresse toujours à son peuple d’abord. Cependant, il faut bien voir que ni lui ni le seigneur Jésus ne feront le Groupe à notre place, tout comme ils n’empêcheront personne de le faire sans eux ou même contre eux. Si nous n’apprenons pas à nous diriger, d’autres le feront à notre place.

La présentation qui suit est nécessairement schématique, j’y fais le point sur la direction des Groupes chrétiens dans le Nouveau Testament selon les grandes périodes dans la vie du christianisme primitif. Partout, je vais utiliser le mot «Groupe» plutôt qu’«Église», ce dernier mot étant piégé et faisant surgir des images et concepts qui, souvent, n’ont rien à voir avec la réalité dont parle le Nouveau Testament.

I. LE NAZARÉEN
Ce qui touche la vie de Jésus sort nécessairement des limites de l’existence du christianisme primitif. Allons-y cependant de quelques énoncés évidents, qui méritent quand même d’être formulés.

1. Jésus n’était pas un chrétien.

La foi chrétienne porte sur deux réalités qui ne sont pas de l’ordre de l’histoire et que Paul a jadis formulées de façon définitive:

«Si tu proclames de ta bouche que Jésus est seigneur,
et si tu crois du fond de toi que Dieu l’a ressuscité des morts,
tout ira bien
» (Romain 10,9).

Jésus n’avait évidemment pas foi en sa résurrection et sa seigneurie avant que celles-ci deviennent réalité.

2. Jésus n’a jamais eu l’intention de fonder un Groupe qui lui survivrait.

Il se voyait vraisemblablement comme le dernier prophète de son peuple, pour son peuple :«Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël» --( Mt 15,24), à devoir être actif au cours des derniers jours de l’histoire, juste avant le Règne de Dieu. On ne fonde rien quand on attend une fin imminente de l’histoire, on encourage les uns, on avertit les autres. Ce qui s’en venait après lui, c’était le Dieu vivant lui-même, et non pas un Groupe quelconque. On peut certes faire remonter à lui l’existence des Douze, le texte suivant est le témoin le plus clair du rôle qu’il voyait pour lui: «Vous qui m’avez suivi, … vous siégerez sur douze trônes pour gouverner les douze tribus d’Israël» (Mt 19,28). Dans cette parole, le Nazaréen visait l’existence après l’instauration du Régime de Dieu, alors que la royauté serait abolie et qu’on serait retourné au système des douze tribus d’Israël, à la tête desquels il voyait douze hommes formés à écouter les besoins du peuple. Ce texte allait donc trouver son application dans l’au-delà de l’histoire, et non dans la période située entre sa vie et l’entrée en force du Régime de Dieu.

3. Il n’y a aucune fonction de Groupe qui remonte à lui, aucun aspect d’une telle fonction qui ait donc valeur permanente ou rite quelconque lui étant attaché qui doive s’imposer.

Cette affirmation découle des deux précédentes. La seule chose qu’on puisse et qu’on doive faire remonter à Jésus, c’est la ligne et la radicalité de son interpellation. Le Nazaréen n’a rien dit sur un Groupe destiné à lui succéder, encore moins sur les caractéristiques de la fonction de direction à la tête de ce Groupe.

II. LES ANNÉES 30-35

Jésus est vraisemblablement mort le vendredi 7 avril 30. Une quinzaine de jours plus tard, en plein lac de Galilée, au cours d’une séance de pêche, Shimeôn bar-Jônâ a été rencontré par le Nazaréen. C’est le commencement absolu de la foi chrétienne. Il en a parlé à ses copains, qui, sans avoir vu le Nazaréen d’abord, en l’ayant vu ensuite, ont cru celui qui allait à partir de là recevoir le nom de Kêphâ, c’est-à-dire roc, d’où Pierre, en français. Le Groupe était né. Ensuite, selon Paul en 1 Co 15,3-8, sur une période de trois à cinq ans, le Nazaréen a été vu de plus de cinq cents frères à la fois, puis de Jacques et de tous les envoyés, dont Paul lui-même, le dernier.

C’est au cours de ces années que l’événement à l’origine de ces expériences a reçu le nom de résurrection et d’exaltation. C’est la période clef de la naissance du Groupe, sauf qu’à l’époque nul ne sait encore qu’il y aura Groupe, car la réalité du Nazaréen ressuscité et exalté est comprise comme déterminante pour l’ensemble du peuple d’Israël. Il faudra quelques années d’entreprise missionnaire plus ou moins réussie pour que naisse la conscience de l’existence d’un Groupe distinct à l’intérieur d’Israël. La présence de l’autre, distinct et différent de soi, est nécessaire à la prise de conscience de soi. À l’origine, il y a donc un certain nombre de croyantes et croyants à l’intérieur d’Israël, qui ressentent l’impérieux besoin de parler de ce qu’ils vivent, sans savoir encore ce qu’il adviendra de leur parole. Avec le temps, ils prendront conscience de leur devenir Groupe, et devront se donner des structures minimales comme le fait tout groupe qui commence. Ce qu’il faut voir clairement, cependant, c’est qu’eux-mêmes ne voient clairement rien du tout, à part la force de leur expérience et l’orientation qu’elle veut donner à leur vie. Ils vont se donner les éléments minimaux d’une structure, sous les poussées de la vie, sans projet clair, sans directives aucunes venant d’En haut, sans aucune intention de jeter les bases d’une structure permanente. Ce qui nous conduit à cet autre énoncé qui s’impose:

4. Ce n’est pas parce qu’un élément de structure existe à l’époque, qu’il doit être conçu comme liant le devenir du Groupe.

Pierre. Le premier croyant, Pierre, joue alors un rôle manifestement important. Mais c’est un rôle intransmissible, que nul ne pourra jamais jouer après lui, soit d’être le premier croyant, le roc du Groupe. À partir de cette donnée fondamentale, comme des silences significatifs des textes, quelques conclusions s’imposent, qui valent pour les périodes suivantes et  qu’on peut élargir à l’ensemble du Nouveau Testament:

5. Le Nouveau Testament ne dit jamais de Pierre qu’il a été épiscope (évêque), ni à Rome ni ailleurs.

On ne lui attribue explicitement le leadership d’aucun Groupe.

Le Nouveau Testament ne connaît pas la réalité d’un leadership sur le Groupe universel, exercé par un seul homme.

Le Nouveau Testament ne parle pas explicitement d’une autorité de Pierre qui s’exercerait à l’intérieur des Douze.

Le Nouveau Testament n’attribue jamais de successeur à Pierre.

Les Douze. De façon surprenante, le rôle historique des Douze après la résurrection de Jésus est difficile à préciser. À part Pierre et Jean, dans les Actes, ils n’ont aucun rôle missionnaire spécial. Pierre reste le seul duquel il est dit qu’il est sorti du territoire d’Israël: selon Ga 2,11, il est allé à Antioche. Ils n’ont pas vraiment de rôle de leaders. Selon Ac 6,2, ils s’occupent de la parole de Dieu et ne veulent vraiment pas de la fonction attribuée aux Sept. Historiquement parlant, ils ont joué un rôle de transition entre le Nazaréen et le Groupe naissant, témoignant collectivement de l’identité du Nazaréen et du Ressuscité (Ac 1,20-22). Et, tout comme c’était le cas pour Pierre, nous savons davantage ce qu’ils n’ont pas été que ce qu’ils furent.

6. Le Nouveau Testament ne dit jamais des Douze qu’ils ont été épiscopes (évêques), ni qu’ils ont été ordonnés tels.

On ne leur attribue explicitement le leadership d’aucun Groupe.

Le Nouveau Testament ne connaît pas la réalité d’un leadership sur le Groupe universel, exercé par les Douze.

Le Nouveau Testament n’attribue jamais de successeurs aux Douze. Quand ils établissent certains leaders dans un Groupe, il s’agit d’une forme de direction dont eux-mêmes ne veulent pas.  À strictement parler, la spécificité de leur témoignage exclut que d’autres puissent leur succéder.

Les Douze ne jouent aucun rôle missionnaire spécial dans le Groupe primitif.

Les Sept. Le récit de Ac 6,1-6 parle de l’accession à la direction d’un Groupe de sept leaders, chiffre qui correspond à celui des administrateurs de municipalités juives à l’époque. Il y avait, dans les premières années, à Jérusalem, une grande communauté chrétienne composée de deux entités culturelles différentes: culture araméenne et culture hellénistique. Les tensions interculturelles ont conduit à l’établissement d’un leadership différent pour la branche hellénistique. «Choisissez-vous sept hommes…», demande le texte des Actes, révélant par là que c’est la communauté qui fait le choix de ses dirigeants, en reconnaissant leur sagesse et leur fidélité au souffle saint (Ac 6,3). Ce que les Actes, par la suite, disent de deux de ces leaders, Étienne et Philippe, montre qu’ils étaient beaucoup plus des serviteurs de la parole que des préposés aux tables (diacres). À partir de ce qui précède, les conclusions suivantes s’imposent:

7. Les Sept ne sont pas des «diacres».

Ils ne sont pas les successeurs des Douze, mais, simplement, les premiers leaders locaux dont nous parle le Nouveau Testament. Ils peuvent avoir été, pour les Hellénistes, l’équivalent des anciens à la tête des communautés araméennes.

À ce qu’on sache, les Sept n’ont pas eu de successeurs à Jérusalem ou ailleurs. Il s’est agi d’une forme spéciale de leadership pour une communauté particulière. Pour être authentique, une forme de leadership n’a pas à traverser l’histoire.

Les Sept ont été choisis par la communauté, preuve que c’était faisable à l’époque.

Le personnage de Jacques, le frère de Jésus, aurait pu être traité dans la présente section, car il a dû commencer à exercer une fonction de direction dès les premières années du christianisme. Mais les textes en parlent plus tard, c’est le cas pour le plus ancien, Ga 1,19, dans lequel Paul déclare l’avoir rencontré à Jérusalem, au moins «trois ans» après son expérience d’apparition, mais sans spécifier le rôle qu’il jouait à l’époque. Mieux vaut donc le présenter dans la période suivante. Même chose pour les anciens, dont la fonction doit dater des premiers temps du christianisme, mais donc les textes du Nouveau Testament font mention de l’activité plus tard.

Ce qu’il faut retenir, pour l’instant, c’est surtout que, dans les débuts du christianisme, il n’existe aucune structure de Groupe qui ait été prévue, aucune fonction de leadership dont on apprend qu’elle avait été voulue par Jésus, ou imposée par le Christ pour la suite des temps. On devine déjà que ce sont les pressions de la vie qui vont ouvrir la question du leadership, et le discernement qui va en faire trouver les formes.

III. LES ANNÉES 35-50
Les années 35-50 en sont de bouillonnement intense. Les Groupes se mettent en place, la tradition orale est en pleine effervescence, Paul entreprend un long processus pour se reconstruire intérieurement.

La source Q, seul texte dont nous disposons pour représenter le mode de vie des partisans de Jésus en Galilée et dont les traditions ont commencé à être rassemblées à la fin de cette période, n’a pas une seule parole portant sur le leadership de ses communautés, pas un seul mot pour désigner une fonction de gouvernement. Ce sont les interpellations reçues de Jésus qu’elle veut transmettre, la structure du Groupe n’en faisant manifestement pas partie et ne l’intéressant nullement. Il y a des silences qui parlent: «Vivez comme Jésus», voilà ce que la Source nous dit, «et organisez-vous donc comme vous le désirez», voilà ce qu’elle laisse entendre.

Jacques et les anciens. Cette période est le témoin de l’ascension de Jacques, le frère de Jésus, au leadership du Groupe de Jérusalem. Dans sa fameuse liste de 1 Co 15,3-8, Paul déclare que Jésus est apparu «à Céphas, puis aux Douze», d’un côté, et «à Jacques, puis à tous les envoyés», de l’autre. Sa formulation pourrait témoigner du passage, dans le Groupe de Jérusalem, dès les premières années, d’une communauté centrée sur le témoignage des Douze (un peu comme la communauté johannique autour du «partisan bien-aimé»), à une communauté structurée sur le modèle de la synagogue. Quand Paul se rend à Jérusalem, en 49, il y rencontre ceux qu’il appelle «les trois colonnes», soit Jacques, Céphas et Jean. Il est notable que Jacques soit nommé le premier et, qu’avec les deux autres, il ait exigé de Paul d’avoir la responsabilité des judéo-chrétiens de la Dispersion (Ga 2,9). Son autorité est alors manifeste. Pendant cette fameuse rencontre, Jacques apparaît comme un acteur influent (Ac 15,13-21), mais Luc fait surtout intervenir ceux qu’il appelle «les Apôtres et les anciens». Quand il parle des Apôtres, de façon caractéristique, il désigne les Douze. Les «anciens» (presbuteros, en grec, a donné presbyter en vieux français, puis prestre) sont le décalque chrétien des collèges de leaders qui dirigeaient la synagogue juive. Luc assure leur présence en Judée (Ac 11,29-30), et en particulier à Jérusalem (Ac 15,2.4.6.22.23). Plus tard, il mentionnera leur présence à Éphèse (Ac 20,17). En 14,23, il déclare que Paul et Barnabé en établissaient dans chaque Groupe de Syrie. Mais comme Paul n’en parle jamais dans ses propres lettres, il est permis de penser que ce sont les envoyés de Jérusalem, dont Jacques semble avoir été le responsable, qui ont répandu cette structure dans les Groupes judéo-chrétiens de la Dispersion.

Le portrait n’est pas des plus clairs, mais les conclusions suivantes pourraient leur rendre justice :

8. Jacques a été un leader local, à la tête d’une sorte de conseil d’anciens qui dirigeait la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, conseil parallèle aux Sept qui dirigeaient la branche hellénistique.

Il n’était ni envoyé, ni évêque (aucune ordination n’est mentionnée à son sujet), et n’est jamais présenté comme le successeur de Pierre ou des Douze, qui n’ont jamais exercé d’autorité semblable à la sienne avant lui.

La communauté s’est manifestement inspirée d’un modèle de gouvernement fréquent à l’époque, et aucune référence n’est faite à Jésus ou à une intervention des Douze, ou encore à celle du souffle saint pour l’expliquer. Quand Luc mentionne ensemble Apôtres et anciens, c’est pour indiquer l’accord qui existait entre les premiers témoins et le leadership du temps.

Envoyés, prophètes et enseignants. La triade envoyé - prophète - enseignant est très ancienne, elle est peut-être née à Antioche pour se propager rapidement dans les Groupes pauliniens. Pour notre propos, elle est très importante. Aussi, faut-il citer au complet le texte suivant de Paul.  Même si sa rédaction date du milieu des années 50, il permet d’éclairer la situation du leadership communautaire à Antioche.

Voici ceux que Dieu a posés dans le Groupe:

«d’abord, les envoyés,
deuxièmement, les
prophètes,
troisièmement, les
enseignants,
ensuite, les gestes de puissance,
ensuite, les dons de guérison, d’aide, de
gouvernement,
et les sortes de langues
.» (1 Co 12,28)

Un texte capital. Paul énumère plusieurs fonctions par ordre d’importance. Les trois premières, selon lui, l’emportent sur les autres, et même celles-là suivent un ordre. D’abord l’envoyé: c’est le fondateur des Groupes, sorte de révélateur qui permet à celles et ceux qu’il rencontre de prendre conscience de l’appel qui monte du plus profond d’eux-mêmes. Ensuite, le prophète, personnalité ajustée à celle de Dieu ou du Christ, capable de tracer la voie à suivre, si dérangeante soit-elle. Ensuite l’enseignant, qui situe la parole du prophète sur la ligne de l’Écriture. Trois serviteurs de la Parole, qui ouvrent l’avenir, indiquent le chemin, décrivent la tâche. Sans eux, il n’y a pas de Groupe, pas de vie. Paul parle ensuite de gestes puissants, sans les décrire. Suivent une série de trois charismes: dons de celles et ceux qui savent soigner les malades, celles et ceux qui sont toujours prêts à aider, celles (peut-être) et ceux qui sont à la tête de la communauté, puis, en dernière place, une réalité bien prisée des Corinthiens, mais dont Paul se méfie, les manifestations d’exaltation. Il faut noter ici, bien sûr, l’endroit où Paul place ceux qui font l’objet même de cet exposé, soit les dirigeants des Groupes chrétiens: à l’avant-dernière place de sa liste, et à la dernière de sa triade sur celles et ceux qui viennent en aide aux membres du Groupe. Il faut noter aussi que le don du gouvernement est complètement séparé des trois fonctions de la Parole, lesquelles sont, pour Paul, les plus importantes. Je serais porté à suggérer qu’il faudrait longuement réfléchir sur ce texte de Paul, peut-être a-t-il beaucoup de choses à nous dire, et ce n’est pas parce que l’histoire a pris un autre chemin qu’il est devenu désuet. En quittant la fameuse triade des débuts, les conclusions suivantes s’imposent:

9. Dans les communautés primitives hors Palestine, il y avait des leaders locaux, dont les fonctions étaient différentes de celles des envoyés, des prophètes et des enseignants.

Dans sa liste de 1 Co 12,28, Paul ne fait aucune mention de la présence à Corinthe d’une fonction sacerdotale, cultuelle ou rituelle.

Les leaders locaux ne semblent pas avoir le contrôle des trois principales fonctions, ni des autres charismes de la communauté.

IV. LES ANNÉES 50-70

Les années 50-70 sont la grande période dans la vie du Groupe primitif, celle de l’épopée missionnaire. Une fonction domine, celle de l’apostolos, l’envoyé. Le Groupe se répand, de multiples Groupes locaux sont fondés un peu partout dans le monde méditerranéen. On sait malheureusement peu de choses de la situation des Groupes de Judée et de Galilée. On peut dire qu’en règle générale, en dehors des lettres pauliniennes et des Actes, le Nouveau Testament ne s’intéresse pas à la question du leadership communautaire. Dans le cas précis de Paul, ce dernier était essentiellement un fondateur de Groupes et n’était pas le leader des Groupes qu’il fondait. Les communautés pauliniennes sont des organismes décisionnels et autonomes, les véritables vis-à-vis de Paul. Ce dernier ne leur passe jamais par-dessus la tête. Cet état de fait relativise beaucoup l’importance du gouvernement communautaire et pourrait expliquer le peu de choses que Paul en dit.

Certes, il y a des leaders dans les communautés pauliniennes.

«Nous vous demandons, frères et sœurs, d’apprécier ceux qui peinent pour vous, qui ont été placés à votre tête par le seigneur et vous conseillent. Ayez-les en très haute estime, avec amour, à cause de leur travail.» (1 Th 5,12-13)

«Nous avons des charismes différent, selon la grâce qui nous a été donnée: prophétie, en proportion de la foi; service, dans le service; enseignant, dans l’enseignement; exhortant, dans l’exhortation; généreux, dans le don; à votre tête, avec dévouement; plein de compassion, avec joie.» (Rm 12,6-8)

Paul… à tous les saints de Philippes par le Christ Jésus, avec surveillants et serviteurs. (Ph 1,1)

À Thessalonique, il y a des leaders qui travaillent fort mais ne semblent pas tenus en très haute estime. Le rôle du Christ dans leur choix est affirmé, mais on ignore quel titre leur était attribué, s’ils en avaient. Le cas de Corinthe a déjà été traité. Le Groupe de Rome, qui n’a pas été fondé par Paul, est un cas spécial. Les dons spectaculaires de Corinthe (puissances, guérisons, parlers en langues) y semblent absents. Contrairement à la liste de Corinthe, prophétie et enseignement font partie des charismes. Mais, tout comme à Corinthe, la fonction du leadership communautaire est noyée dans l’énumération et située en avant-dernière place. Chez Paul, les questions de structure ou d’organisation ne sont pas considérées comme importantes. En Ph 1,1, pour la seule et unique fois dans les lettres qu’il a lui-même rédigées, Paul nomme deux catégories de dirigeants: les épiscopes («veillant sur») et les diaconoi (serviteurs). Le contexte ne permet pas de dire quoi que ce soit sur leur fonction, seul le sens des mots conduit à leur attribuer les rôles de veiller sur le Groupe et d’être au service des autres. Nous ignorons si ces surveillants et serviteurs correspondaient aux gouvernants de Corinthe ou de ceux qui étaient à la tête du Groupe de Thessalonique. L’ensemble de ces données ne permet pas de tirer beaucoup de conclusions sur la fonction de gouvernement dans les Groupes pauliniens.

10. Nous ignorons si les leaders des Groupes pauliniens avaient les mêmes titres et la même fonction.

Nous ignorons qui les nommait, comment, et même si Paul jouait un rôle dans leur choix.

Paul ne parle jamais de la présence de presbuteroi (anciens) dans ses Groupes. Peut-être cette fonction était-elle trop liée à Jérusalem et voulait-il que ses communautés s’en distinguent en ayant à leur tête des leaders qui correspondaient à leur culture.

La figure particulière de ses Groupes manifeste clairement que Paul n’a jamais entendu parler ou rien voulu savoir d’une structure de Groupe qui remonterait à Jésus Christ, aurait été mise en place par les Douze pour être ensuite étendue à l’ensemble du Groupe, tant d’origine juive que païenne.

Nous ignorons si Paul s’est jamais posé la question de la continuité du leadership qui se mettait en place dans ses Groupes. L’avenir d’une structure n’a jamais semblé le préoccuper.

Il n’y a rien chez lui d’un rite d’imposition des mains, d’un sacerdoce, de rites ou actes cultuels réservés à certains, de pouvoirs qu’on pourrait se transmettre, etc.

V. LES ANNÉES 70-100  


La période des années 70-100 est marquée par la chute de Jérusalem, la quasi-disparition du judéo-christianisme, l’inculturation du christianisme dans l’empire romain et l’établissement d’un leadership de Groupe qui tend rapidement à s’uniformiser. Les grandes personnalités s’estompent au profit des fonctions. Une triade domine le paysage, celle des presbuteroi (anciens) - episcopoi (surveillants) - diaconoi (serviteurs).

Prophètes et enseignants. Certes, dans les Groupes, il se trouve encore des prophètes et des enseignants. Un texte de la lettre aux Éphésiens est éclairant à cet égard:

«C’est lui (le Christ) qui a fait don des envoyés, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des enseignants, pour qu’ils forment les saints à pratiquer le service et pour qu’ils construisent le corps du Christ.» (Éph 4,11-12)

Nous rencontrons à nouveau la fameuse triade paulinienne des envoyés - prophètes - enseignants. Mais deux fonctions y sont insérées, celle des évangélistes, dont nous ignorons quelle tâche ils exerçaient, et celle des pasteurs, seul endroit du Nouveau Testament qui attribue ce titre à des dirigeants de Groupe plutôt qu’au Christ. Nous ne savons pas si ces pasteurs avaient un autre titre qui les désignait. Mais, ce qui est significatif dans ce texte, c’est la promotion des dirigeants au niveau du service de la Parole. Pour Paul, les dirigeants d’Église étaient de simples administrateurs. La lettre aux Éphésiens témoigne de leurs efforts pour prendre du galon. Le temps de la fondation de Groupes est passé, le temps des surprises du souffle signifiées par les prophètes l’est également, l’époque est aux pasteurs, maintenant désireux d’enseigner leur communauté. Il s’est passé quarante ans depuis la première lettre aux Corinthiens. Les temps changent.

La triade des anciens - surveillants - serviteurs, à l’avant-plan de la fin du premier siècle, est surtout présente dans les lettres dites Pastorales. On peut dire que ces lettres veulent promouvoir le changement dans la continuité. La continuité, c’est Paul qui l’exprime, le Paul des années 40-60, censé s’exprimer dans ces lettres. La charnière, c’est la génération des vieux compagnons de Paul, qui ont pris sa relève dans les années 60-80 et passent maintenant la main à une nouvelle sorte de leaders. Le changement, c’est la nouvelle génération des années 80-100 qui l’incarne. Des temps nouveaux, à la fois excitants et dangereux. C’est dans ce cadre de pensée que s’expriment les Pastorales, qui, comme le reste du Nouveau Testament, n’ont aucunement en vue l’établissement d’une structure destinée à traverser les siècles. C’est le système déjà en place qu’il faut consolider là où il existe, ou établir là où il n’est pas encore. Il n’est jamais question d’une structure remontant à Jésus Christ, qu’il faudrait établir sur son ordre.

Les anciens. Luc témoigne de la présence d’anciens à Éphèse (Ac 20,17) on peut penser que telle est la situation au moment de la rédaction des Actes. À l’intérieur d’un discours attribué à Paul, il a cette phrase significative:

«Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau sur lequel le souffle saint vous a posés comme surveillants pour faire paître le Groupe de Dieu.» (Ac 20,28)

Dans le même discours, on retrouve les concepts d’anciens, de surveillants et de pasteurs. C’est affaire de gouvernement de la communauté.

Dans les lettres Pastorales, les anciens sont mentionnés dans deux textes dont voici les passages clefs :

«Les anciens qui sont de bons dirigeants, qu’ils soient jugés dignes d’un double salaire, surtout ceux qui peinent à la Parole et à l’enseignement… Ceux qui sont mal orientés, reprends-les devant tout le monde… N’impose hâtivement les mains à personne…» (1 Tm 5,17.20.22)

«Si te t’ai laissé en Crête, c’est pour que… tu établisses des anciens dans chaque ville, comme je te l’ai prescrit. Quelqu’un qui soit sans reproche, mari d’une seule femme, ayant des enfants croyants… Oui, il faut que le surveillant soit sans reproche en tant qu’intendant de Dieu, …hospitalier, …attaché à la parole de foi selon l’instruction, pour être capable d’exhorter par l’enseignement…» (Tt 1,5-9)

Ce second texte, dans la lettre de Tite, sur le surveillant, a un parallèle dans la première lettre à Timothée:

«Si quelqu’un aspire à la surveillance, il désire un beau travail. Il faut donc que le surveillant soit inattaquable, mari d’une seule femme, …hospitalier, capable d’enseigner, …dirigeant bien sa maison, …car si quelqu’un n’est pas capable de diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin du Groupe de Dieu ?... Il faut que ceux d’en dehors lui rendent un bon témoignage…» (1 Tm 3, 1.2.4.5.7)

Un ancien est un dirigeant chargé de «veiller sur» son Groupe. Mais il y a plus. L’utilisation des deux vocables témoigne de l’histoire. Les anciens sont une institution née en monde palestinien. Les surveillants et les serviteurs (Ph 1,1) sont des titres hellénistiques donnés à des dirigeants. Ceux-ci ont donc deux noms qui témoignent de l’histoire du christianisme. Celui-ci s’est tout naturellement formé en se laissant influencer par les modèles culturels qu’il avait sous les yeux.

Autre chose à noter. Les anciens, comme le dit la première lettre à Timothée, «peinent à la Parole et à l’enseignement». On s’éloigne donc notablement du modèle qui existait dans le Groupe de Corinthe. Une étape a été franchie depuis Éph 4,12: les anciens sont des dirigeants qui se sont appropriés la fonction des enseignants (1 Tm 6,17). Celui qui aspire à devenir ancien ou surveillant doit démontrer qu’il a été un bon père de famille, sinon il serait hasardeux de le mettre à la tête d’un Groupe (1 Tm 3,4-5).

En Crête, les Groupes, établis dans chaque ville, semblent moins structurés qu’à Éphèse, aussi Tite doit-il y voir. Chaque Groupe doit être dirigé par un groupe d’anciens. Là aussi l’ancien a le titre de surveillant, et l’auteur dit de ce dernier qu’il doit être «attaché à la parole de foi selon l’instruction, pour être capable d’exhorter par l’enseignement» (Tt 1,9). Le vocabulaire dit beaucoup. Dans la première lettre aux Corinthiens, en 14,3, Paul dit du prophète que son rôle est «la construction (du Groupe), l’exhortation et l’encouragement». En unissant exhortation et enseignement, l’auteur de la lettre à Tite fait de l’ancien et surveillant un dirigeant qui joue le rôle du prophète et de l’enseignant. À noter qu’il va de soi, pour l’auteur de la première lettre à Timothée (3,2) et de celle à Tite (1,6) que les anciens sont mariés, et que le fait d’avoir des enfants croyants, qui savent se conduire, ne semble pas aller de soi (Tt 1,6; voir 1 Tm 3,4). 

Une autre donnée significative est la pratique, pour l’établissement des anciens, d’imposer les mains: «N’impose hâtivement les mains à personne…» (1 Tm 5,22). La pratique vient du monde juif. Le geste manifeste publiquement la présence d’un don de leadership chez quelqu’un. Selon la première lettre à Timothée, c’est ce dernier qui fait le choix des dirigeants et leur impose les mains. Nous ignorons, toutefois, comment ce choix s’est fait par la suite, et par qui. Autre signe du fait que, dans le Nouveau Testament, on ne réfléchit pas à partir d’une structure préétablie qu’il faut mettre en place, et dont il faut prévoir les mécanismes pour qu’elle se reproduise telle quelle dans l’histoire. On répond aux problèmes de l’époque, en s’inspirant de la culture du temps pour choisir le mode de gouvernement approprié. Le Nouveau Testament ne manifeste aucune préoccupation pour établir un leadership qui traverse les âges.

Ailleurs que dans le monde paulinien ou les Actes, il y a présence d’anciens dans la lettre de Jacques, adressée «aux douze tribus de la Dispersion» (Jc 1,1). Le contexte est celui d’une maladie grave:«L’un de vous est malade ? Qu’il fasse venir les anciens du Groupe. Ils prieront sur lui après l’avoir enduit d’huile au nom du seigneur» (Jc 5,14). La communauté, d’origine judéo-chrétienne, manifeste sa compassion pour ses malades par l’entremise de ses dirigeants. Il s’agit d’un contexte largement humain et non pas proprement liturgique. L’auteur de la première lettre de Pierre, adressée elle aussi à la Dispersion (1 P 1,1), exhorte ainsi les anciens des Groupes auxquels il écrit:

«Les anciens parmi vous, je les exhorte, moi, co-ancien…: faites paître le troupeau de Dieu chez vous, le surveillant, …pas en dominant ceux dont vous êtes responsables mais en devenant les modèles du troupeau… De même vous, les jeunes, soumettez-vous aux anciens.» (1 P 5,1-3.5)

Le langage est typique de la période: anciens - pasteurs et surveillants. S’y expriment clairement la tentation de transformer la tâche de veiller sur les autres en pouvoir à exercer, de même que l’inévitable rébellion des jeunes.

Les surveillants. Nous avons déjà rencontré quelques-uns des textes qui parlent des surveillants. Il reste à présenter Tt 1,7-9. Il faut dire, d’abord, que ce texte suit immédiatement le passage dans lequel l’auteur déclare à Tite qu’il l’a laissé en Crête pour y établir des anciens, hommes sans reproche, maris d’une seule femme, ayant des enfants bien élevés. Sur ce le texte ajoute:

«Il faut, en effet, que le surveillant soit sans reproche en tant qu’intendant de Dieu, … hospitalier, … tenant fermement à la parole de foi, telle qu’elle est enseignée, pour être capable d’exhorter par un enseignement correct et de réfuter les contradicteurs.» (Tt 1,7-9)

De même qu’en 1 Tm 3,4-5, le surveillant a explicitement la tâche de diriger le Groupe, le v. 7 lui attribue le même rôle en le désignant comme «intendant de Dieu» (theou oikonomos). Mais il remplit également les fonctions des enseignants et prophètes des Groupes pauliniens. Il enseigne comme les premiers, et exhorte comme les seconds. Cela ne faisait pas partie de la tâche des anciens des Groupes judéo-chrétiens, ni de celle des leaders des Groupes pauliniens. La fameuse triade paulinienne est à toutes fins utiles disparue. Les nouveaux dirigeants occupent tout le terrain. Ils reçoivent le nom d’anciens (terme la plupart du temps au pluriel), conformément à leur origine juive, ou de surveillants (mot utilisé la plupart du temps au singulier), conformément à la terminologie hellénistique postérieure. Ce n’est pas un hasard si le Nouveau Testament ne parle jamais de la présence de surveillants dans les Groupes palestiniens des débuts, le mot vient d’une autre culture. Dans les textes, l’usage du singulier est générique et ne désigne pas une catégorie de leaders supérieure à celle des anciens. Il n’y a pas de leadership à trois étages dans le Nouveau Testament. Le leadership des Groupes, établi à la fin du premier siècle, en est un à deux étage: anciens ou surveillants d’un côté, et serviteurs de l’autre.

Les serviteurs. Les textes sur les serviteurs, en tant que leaders des Groupes chrétiens, sont relativement rares. Paul ne fait que mentionner leur présence dans le Groupe de Philippes (Ph 1,1). Il recommande aussi au Groupe de Rome «Phoebé, notre sœur, qui est servante du Groupe de Kenchrées» (Rm 16,1). Le troisième et dernier texte est en 1 Tm 3,8.10-13, tout de suite après le passage sur l’épiscope (3,1-7):

«Que les serviteurs aussi soient dignes; … qu’ils servent s’ils sont sans reproche. Que les femmes aussi soient dignes Que les serviteurs soient les maris d’une seule femme et dirigent bien leurs enfants et leur propre maison. Car ceux qui servent bien gagnent un bon statut…»

Il y a donc des serviteurs à Éphèse (1 Tm 1,3), Philippes et Rome. Leur présence n’est jamais mentionnée dans les Groupes primitifs de Palestine. Il s’agit donc vraisemblablement d’une fonction inspirée du monde hellénistique. À l’origine, il y avait des anciens en Judée, puis il y eut des surveillants et des serviteurs ailleurs (Ph 1,1; 1 Tm 3,1-13). Les textes ne précisent pas le rôle des serviteurs; 1 Tm 3,12-13 laisse entendre qu’il s’agit bien d’une fonction de direction (faut savoir bien diriger sa maison, question de statut), mais sans plus. C’est la seule fonction à propos de laquelle il est dit qu’elle était accessible aux femmes, mais elle semble avoir été d’un niveau inférieur à celui des anciens ou surveillants. On n’en sait malheureusement pas plus.

Que retenir de cette masse plus ou moins éclatée de données? Les conclusions suivantes semblent leur rendre justice :

11. On ne peut tirer du Nouveau Testament, et des lettres Pastorales en particulier, la notion d’un plan préétabli, remontant à Jésus Christ, qui aurait conduit à l’établissement d’anciens - surveillants et de serviteurs. L’organisation des Groupes s’établit en fonction des besoins, en s’inspirant des modèles culturels ambiants. Il n’est jamais dit qu’on est à mettre sur pied une structure destinée à traverser les âges. Bien plus, les auteurs du Nouveau Testament n’ont jamais manifesté la moindre préoccupation de fonder en Jésus Christ la fameuse triade anciens - surveillants - serviteurs.

Les lettres Pastorales sont les témoins d’une certaine tendance à l’uniformisation au profit des anciens ou surveillants, lesquels, tout en ayant un rôle de direction, absorbent les fonctions des prophètes et des enseignants très actifs aux origines.

Le Nouveau Testament ne connaît pas de hiérarchie à trois degrés, avec un surveillant unique au sommet, qui serait le supérieur d’un groupe d’anciens, lesquels jouiraient de l’aide d’un groupe de serviteurs.

Le Nouveau Testament ne connaît pas de processus régulier d’ordination. Chez lui, le geste ne donne pas les qualités requises ou le pouvoir pour exercer les fonctions, il a un sens de reconnaissance publique et d’authentification.

Le Nouveau Testament ne connaît pas de succession apostolique dans la gestion des Groupes. Historiquement parlant, Pierre, les Douze, Jacques, les Sept, ou les envoyés à la suite d’une apparition de Jésus n’ont pas eu de successeurs. Si on peut dire que Paul a eu une relève en Timothée et Tite, ces derniers n’étaient pas ses successeurs, et personne n’a pris leur relève en jouant le même rôle qu’eux.

Les anciens - surveillants ainsi que les serviteurs des Pastorales ne se voient jamais attribuer de rôle cultuel ou liturgique. Dans le Nouveau Testament, le sacerdoce n’est jamais mentionné à propos d’aucun des dirigeants. es leaders des Groupes se conduisent sur le modèle des enseignants juifs, qui n’étaient pas prêtres et de qui le culte ne relevait pas.

La présidence de l’eucharistie n’est jamais attribuée ni réservée à quiconque. La théorie de l’existence d’un pouvoir sur l’eucharistie, remontant à Jésus, confié aux Douze, pouvoir transmissible, réservé à certains dirigeants autorisés, cette théorie n’a aucun fondement dans le Nouveau Testament.

Le Nouveau Testament ne connaît pas de mécanisme de passation de pouvoirs, il ne connaît que l’appel à discerner ceux qui possèdent les qualités requises pour bien diriger leur Groupe.

Il va de soi, pour l’auteur des lettres Pastorales, que les dirigeants soient mariés, et que des femmes puissent exercer une fonction de direction.

CONCLUSION  


Les conclusions à tirer de cette étude sont à la fois simples et lourdes de conséquence. Les premiers chrétiens n’avaient pas de plan d’avenir à leur disposition. Ils se devaient de discerner des décisions à prendre au fur et à mesure du déroulement de l’histoire. Rien n’assure qu’ils ont pris les meilleures décisions possibles, et nous ne sommes pas liés par elles, d’ailleurs la suite de l’histoire montre que leur héritage a été profondément transformé. Ils seraient ahuris de voir l’organisation qu’on a créée en leur nom. C’est leur attitude face à la vie qu’il nous faut répéter, et non nécessairement les modalités de gouvernement qu’eux ou ceux qui sont venus après eux se sont données. La foi n’est pas dans une structure mais dans l’agir continuel du Christ, lequel veut déterminer le présent et le futur de son Groupe. Le Nouveau Testament est un livre ouvert qui n’impose rien.

Il n’y a pas grand-chose de notre organisation de Groupe qui remonte au Nouveau Testament, lequel ne connaît ni succession apostolique, ni sacerdoce, ni ordination remontant à Jésus le jeudi avant sa mort, ni processus régulier d’ordination, ni pape, ni évêque, ni prêtre, ni diacre au sens du premier échelon du sacerdoce, ni droit canon, ni code liturgique, ni sacrements, ni rites réservés à certains, etc. Je ne veux pas dire que tout cela est illégitime puisque non fondé dans le Nouveau Testament. Je dis simplement que l’histoire de notre Groupe témoigne de sa liberté de se façonner à sa guise, après discernement de la volonté du Christ. Notre organisation de Groupe est le fruit d’une large inculturation, qui diffère radicalement de celles dont témoigne le Nouveau Testament. Cela prouve que le Groupe d’aujourd’hui n’est pas de soi lié par l’organisation issue du passé. Ce n’est tout simplement pas vrai que ce que Jésus Christ a voulu une fois, il le veut pour toujours. Le rôle de Pierre n’existe plus, le rôle des Douze n’existe plus, le rôle de Jacques n’existe plus, le rôle des trois colonnes de Jérusalem n’existe plus, le rôle des Sept n’existe plus, le rôle de Paul n’existe plus, le rôle des envoyés n’existe plus, le rôle des prophètes n’existe plus, le rôle des enseignants n’existe plus, le rôle des anciens - surveillants n’existe plus, le rôle des serviteurs n’existe plus. Je parle de ces rôles tels qu’ils étaient exercés à l’époque. Tout a changé.

Si tout a changé, tout est possible. Ceci dit, il y a une chose de sûre: c’est que si nous attendons d’avoir la permission du leadership actuel du Groupe pour changer, nous ne changerons jamais. Certes, le Christ rend libre, mais c’est justement parce qu’il rend libre qu’il ne va jamais agir à la place de celles et de ceux qu’il a libérés. Tout est affaire de foi, de discernement et d’initiative. Je reprends une phrase écrite plus haut en l’élargissant: «Vivez comme Jésus», voilà ce que le Nouveau Testament nous dit, «et organisez-vous donc comme vous le désirez». Si nous trouvons que rien ne bouge, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous. Les dirigeants actuels sont fidèles à leur système, en vertu duquel si rien ne bouge ils auront toujours le pouvoir. Et pour le garder, ils sont prêts, en pratique, à nier la seigneurie de Jésus, en enfermant ce dernier dans le passé et en le rendant prisonnier des décisions qu’il a jadis prises. Notre tâche est de libérer le pouvoir d’action du Christ. Ce qui ne peut se faire qu’en Groupe, ce qui suppose que le Groupe existe, ce qui suppose qu’une envoyée l’a réuni, qu’une prophétesse lui a tracé le chemin, qu’un enseignant l’a situé sur la lignée qui traverse le temps, et qu’une dirigeante l’ait informé par courriel du prochain lieu de rencontre…

 

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